Pascal Chevalier Pdg Reworld Media : "Placer le digital au coeur de la stratégie groupe media".
Le groupe a récemment fait son entrée sur Alternext
Reworld Media est venu s’inviter dans le paysage médiatique français, après son acquisition de la marque Marie-France et surtout lorsque le groupe Lagardère a décidé de se séparer d’un certain nombre de titres comme Auto-Moto,
Pascal Chevalier le Pdg de Reworld Media revient sur la stratégie de l’entreprise, le digital au coeur, et l’évolution des marques, à l’occasion de sa venue sur Alternext.
“Mieux vaut gérer plusieurs petites audiences qualifiées”, nous dit aussi Pascal Chevalier.
Web TV www.labourseetlavie.com : Pascal Chevalier, bonjour. Vous êtes le PDG de Reworld Media. On va parler avec vous de votre actualité avec notamment un transfert des titres sur Alternext et puis vous êtes celui qui a racheté des titres au groupe Lagardère, donc un paysage en pleine redistribution, paysage média. Si on revient justement sur la stratégie que vous avez employée, vous êtes vous, ce que l’on peut dire, un entrepreneur Internet, qu’est-ce que vous avez compris que peut-être les autres n’avaient pas compris sur le média ?
Pascal Chevalier, Président de Reworld Media : Je pense que déjà c’est plutôt bien de parler des médias et pas de la presse parce que malheureusement dans ces groupes, ils parlent très souvent de groupes de presse, or je pense que la presse est un moyen de diffusion d’une marque média, et le simple fait déjà de parler de groupe média, cela veut dire que l’on considère l’ensemble des possibilités de diffusion. Après le fait de venir du digital, évidemment cela me permet de placer le digital au cœur de la stratégie groupe média, et sincèrement c’est ce qu’il faut faire aujourd’hui. Après, sans jugement de valeur, est-ce que c’est bien, pas bien, c’est simplement que le lectorat s’est déplacé sur le digital, et peu importe l’information que l’on va chercher à diffuser, elle est d’abord accessible sur Internet, puis sur les autres médias. C’est comme cela que cela marche aujourd’hui, donc c’est comme cela que les groupes médias doivent être organisés. Donc quelque part, en venant dans le marché des médias, j’ai simplement suivi l’intuition d’un lecteur, quelque part, qui va lui-même chercher son information sur le digital.
Web TV www.labourseetlavie.com : On pourrait dire que peut-être pour certaines marques, ce n’était pas évident d’aller immédiatement sur le digital, donc on est encore effectivement beaucoup sur le papier, je pense à des magazines, comment se passe la transformation justement ?
Pascal Chevalier, Président de Reworld Media : La force d’une marque, c’est qu’elle est capable d’exister en dehors d’un magazine. La première marque nous avons racheté qui s’appelle Marie-France, tout le monde connaissait, c’est une marque qui a une histoire très, très longue, et donc un lectorat également très fidèle. Ce lectorat, c’est toujours le même, mais lui aussi, avec le temps et l’évolution technologique, il s’est déplacé sur le digital. Donc là aussi, ce lectorat attendait depuis longtemps d’avoir des solutions « brandées » Marie-France pour lui parler sur le digital, des newletters, des applications mobiles, un site Web, du e-commerce, du hors média, enfin tout ce qui se fait aujourd’hui. Encore une fois, le marché des médias a évolué. Le nombre de points de contact entre un média et son lectorat est très important, on parle de plus de 100 points de contact aujourd’hui alors qu’avant on parlait de peut-être moins de 5, donc voilà, c’est l’évolution, donc à, nous, en tant que média, d’évoluer. Alors ce n’est pas la mort du papier, cela reste un dispositif très important, c’est probablement d’ailleurs le seul qui est capable d’avoir une prise en main très forte, mais il faut être extrêmement dynamique, actif sur le digital parce que c’est là où tout se passe aujourd’hui.
Web TV www.labourseetlavie.com : On pourrait dire aussi qu’il y a beaucoup de concurrence puisque, on va dire, les grands groupes de presse, les grands groupes médias aujourd’hui y sont tous et on pourrait dire qu’il y a une course un peu à la page vue ?
Pascal Chevalier, Président de Reworld Media : Alors, exactement, l’enjeu n’est pas là. Les groupes de presse raisonnent avec une audience c’est-à-dire qu’il faut avoir une audience de masse pour apparaître dans des objectifs de scoring pour faire partie des grands plans de médias, etc., les premiers pas d’Internet, c’était la même chose en disant « si vous dépassez X millions de visiteurs uniques, alors vous serez dans les plans médias », ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui. L’audience sur Internet aujourd’hui, ce n’est pas une audience de masse, c’est une audience de qualité. Donc il vaut mieux gérer plusieurs petites audiences extrêmement qualifiées, ce qui plaît beaucoup plus à un lectorat et ce qui plaît beaucoup plus à un annonceur, plutôt que de chercher à faire une course à l’audience folle, quitte à faire un contenu de mauvaise qualité, typiquement les forums, etc. Donc le marché est pareil sur le digital, ce n’est pas du tout la même chose. Donc quand on renverse un peu l’approche sur le digital, on cherche à faire des petites audiences très qualifiées. Alors maintenant c’est vrai que la somme de ces audiences qualifiées, cela fait une audience importante. Dans le cadre du groupe Reworld Media aujourd’hui, on est à plus de 30 millions de contacts par mois, et je dis bien de contacts et pas de visiteurs uniques parce qu’en fait un point de contact, c’est à la fois quelqu’un qui a téléchargé une application mobile, c’est quelqu’un qui est abonné à une newsletter, c’est quelqu’un qui va aller sur un site de e-commerce, c’est quelqu’un qui va lire un site Internet, donc un visiteur unique, mais c’est aussi un lecteur d’un magazine.
Web TV www.labourseetlavie.com : Il y a bien entendu en face de cela la publicité qui a participé à cette course effectivement aux pages vues, qui sur le côté qualitatif a eu un peu de mal, vous vous mixez en fait sur vos sites, vous mixez le contenu, la publicité, quelle est justement la stratégie que vous employez ?
Pascal Chevalier, Président de Reworld Media : Si on dit qu’aujourd’hui que d’un point de vue média on a une centaine de points de contacts entre nos marques médias et notre lectorat, cela veut quasiment dire que l’on a une centaine de business model entre nous et nos annonceurs. Donc le modèle du site sur lequel on va chercher à faire de l’audience et de vendre très cher de la publicité, ce fameux CPM, on voit bien que cela ne marche pas pour plusieurs raisons. Pour avoir une grosse audience, quelque part on est quasiment obligé de dégrader un petit peu le contenu, c’est-à-dire la qualité du contenu, et de l’autre côté, vous allez avoir des annonceurs qui ont des systèmes aujourd’hui, on parle beaucoup de la partie hard exchange, des plates-formes d’achat en temps réel de publicités, qui permet pour des annonceurs d’acheter un espace Premium moins cher, beaucoup moins cher. Donc au final c’est une équation qui est très compliquée. On investit énormément ou du moins les groupes médias investissent énormément pour faire une audience forte avec un modèle publicitaire, le revenu au CPM, qui lui est en baisse. Donc ça, ce n’est pas du tout la bonne équation. C’est pour ça qu’aujourd’hui en restant sur les audiences plus modérées, très qualifiés, on maintient un CPM élevé, mais surtout on est capable de monétiser notre audience sur d’autres leviers, le e-commerce, les applications mobiles, les newsletters, etc. Et c’est la somme, encore une fois, de tous ces points de contacts et de tout ces business model qui fait que l’on peut avoir un véritable business qui marche avec des vrais relais de croissance est vraiment un business qui, pour le coup, est performant.
Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, je disais en introduction effectivement le rachat des titres, d’un certain nombre de titres du groupe Lagardère, ces titres sont en redressement, en intégration, ils en sont où justement aujourd’hui dans votre groupe ?
Pascal Chevalier, Président de Reworld Media : L’ensemble de ces titres aujourd’hui, c’est quelque part, et toutes ces marques que l’on a une chance de récupérer, Marie-France, Gourmand Papilles et puis maintenant les Be, tous ces magazines de déco, tous ces magazines avec le groupe Lagardère, Auto Moto, etc., ce sont quasiment des marques qui… ou plutôt c’est assez similaire, des marques qui sont extrêmement fortes, un lectorat qui est présent mais un lectorat qui s’est déplacé et une offre sur le digital qui est, soit pauvre, soit inexistante. Donc la première des choses sur laquelle on travaille, qui est notre savoir-faire, c’est de créer tout l’écosystème digital, le site, les newsletters, etc. Donc là pour le coup sur les magazines Lagardère, on est en train de faire cela. Par contre, on a une habitude d’aller extrêmement vite, donc cela veut dire qu’en septembre tout cela sera opérationnel, et cela veut dire qu’en septembre on va être capable d’aller voir à la fois le lectorat, mais également les annonceurs, et de dire « voilà le nouveau dispositif, et maintenant vous avez la capacité, soit en tant que lecteur à nous utiliser sur les différents leviers, et en tant qu’annonceur à pouvoir annoncer sur les différents leviers. »
Web TV www.labourseetlavie.com : Aujourd’hui, on pourrait dire que vous avez suffisamment de marques. Pourtant je vois dans votre communication, vous dites « on regarde encore ce qui se passe », donc il y a… vous êtes aujourd’hui en réflexion sur de la croissance externe, sur de nouvelles opportunités ?
Pascal Chevalier, Président de Reworld Media : On regarde beaucoup de dossiers, que ce soit dans des marques print ou que ce soit aussi dans du digital, donc le groupe aujourd’hui est parti dans sa dynamique de croissance assez forte. On fait à peu près 80 millions d’euros de chiffre d’affaires, donc on a encore matière à progresser, mais déjà avec 80 millions d’euros, on compte dans les principaux groupes français dans le domaine des médias. Alors maintenant il faut bien jouer en fait dans notre stratégie entre une véritable croissance sur le digital et une véritable capacité d’aller investir sur des marques qui sont fortes, et de pouvoir les rénover. Alors évidemment on ne va pas aller racheter tous les magazines du marché pour aller tous les rénover, on va essayer de choisir des positionnements qui sont forts, et puis à chaque fois que l’on a rempli quelque part un positionnement, que ce soit en termes de cible ou en termes de lectorat, après on s’arrêtera. Et par contre on va probablement sur 2015-2016, on va faire beaucoup plus d’acquisitions sur le digital que ce que l’on a fait dans la presse.
Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que vous aurez besoin de nouveaux financements pour réaliser ces opérations ?
Pascal Chevalier, Président de Reworld Media : Là, on est parti, nous, dans un plan de financement important et dans un plan à la fois d’investissements en interne et d’acquisitions qui est important, donc oui il y aura évidemment besoin de faire appel à du financement complémentaire, mais cela va dépendre des opportunités. Donc en fonction des opportunités que l’on va avoir, et pas qu’en France d’ailleurs parce que quand même on est également très présent en Asie, et je pense même d’ailleurs que les gros investissements vont se faire aussi hors France parce que c’est là où est la croissance, ou du moins c’est là où elle est beaucoup plus importante, évidemment il y aura des acquisitions, il y aura des investissements, et donc il y aura des besoins de financements complémentaires, soit avec des fonds qui sont déjà présents dans notre capital, soit avec des fonds avec qui on est en contact régulièrement et qui seraient intéressés pour nous accompagner.
Web TV www.labourseetlavie.com : Le mot de la fin, un groupe comme le vôtre, quel type de rentabilité il va pouvoir, je dirais, proposer aux investisseurs et de croissance ?
Pascal Chevalier, Président de Reworld Media : Tout l’enjeu, déjà il y a un problème de taille critique, donc nous on pense que la taille critique, elle est aux alentours de 300 millions d’euros. Il y a un problème de marché, donc il ne faut pas être dépendant du marché français, donc il faut absolument que dans le groupe la France passe en dessous de la barre des 50 %, on n’y est pas encore, mais c’est un objectif. Et puis ensuite, en termes de rentabilité, il faut que l’on tende vers la rentabilité de groupe Internet, donc c’est plutôt du 30 % que du 1 ou 2 %, donc voilà.
Web TV www.labourseetlavie.com : On suivra cela, merci Pascal Chevalier d’avoir été avec nous.
Pascal Chevalier, Président de Reworld Media : Merci beaucoup.
© www.labourseetlavie.com. Tous droits réservés, le 9 juillet 2014.
A propos de Reworld Media : Reworld Media est un groupe media multi canal générateur de relations entre les consommateurs et les marques à travers un process éditorial novateur. Le groupe exploite des marques medias propriétaires sur leur support historique et les décline sur les supports digitaux.
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