Marc Craquelin Directeur de la Gestion d'Actifs Financière de l'Echiquier : "Les obligations sont artificiellement beaucoup trop chères".
Bourse : Stratégie et perspectives d'investissement
Actualités économique et financière.
Marchés obligataires sans doute la surprise de cette année, les actions mieux “pricées”, “on commence à prendre pas mal de bénéfices sur le High Yield” me dit Marc Craquelin Directeur de la Gestion d’Actifs Financière de l’Echiquier.
Stratégie d’investissement et perspectives.
Web TV www.labourseetlavie.com : Marc Craquelin, bonjour. Vous êtes directeur de la gestion d’actifs chez la Financière de l’Echiquier. On va parler avec bien sûr de stratégies d’investissement et de perspectives. Comment on envisage aujourd’hui les choses quand on est investisseur sur ces marchés ? On a vu plutôt des surprises sur le marché obligataire, certains investisseurs se faisant d’ailleurs prendre sur ces marchés avec ces taux si bas, avec des records si bas, les marchés Actions sont toujours là, comment on gère les choses en ce moment ?
Marc Craquelin, directeur GA chez la Financière de l’Equichier : Vous avez raison de commencer par les marchés obligataires puisque cela a été peut-être une des grosses surprises de cette année, les taux longs ont baissé pratiquement partout, en Europe pour des raisons évidentes aujourd’hui avec ce qui a été annoncé par M. Draghi, mais les mouvements étaient anticipés si je puis dire. Alors c’est vrai que cela rend la lecture un peu complexe parce que finalement aujourd’hui on a un peu une distorsion des prix et les obligations sont artificiellement beaucoup trop chères, du même coup d’ailleurs les actions paraissent en relatif, pas bon marché, mais en tout cas beaucoup plus raisonnablement pricées, ce qui pousse notre préféence là-dessus, mais c’est vrai qu’il faut garder en tête que c’est un environnement très, très, très particulier, et par rapport peut-être au message que l’on faisait passer en début d’année, la seule chose que l’on ait véritablement changé aujourd’hui, c’est que l’on commence à prendre pas mal de bénéfices sur le high yield, cela a beaucoup profité, cela a été une classe d’actifs formidable depuis plusieurs années. Là, entre la compression des spreads et la baisse des taux, on pense que sur le high yield, il faut commencer à réduire.
Web TV www.labourseetlavie.com : Il y avait eu d’ailleurs des mouvements cet été sur le high yield, on parlait peut-être de mouvements de flux ?
Marc Craquelin, directeur GA chez la Financière de l’Equichier : Oui, oui, il y a eu des flux sortants, il y a eu quand même un ou deux accidents. On se souvient de Banco Espirito au Portugal, mais indépendamment de ces problèmes spécifiques, je pense que globalement la classe d’actifs est fortement valorisée et il faut commencer à faire attention. On commence à y préférer des actions de rendement, pas forcément des ratios 1 pour 1, mais on est plutôt en train de basculer du high yield vers des actions pour remplacer.
Web TV www.labourseetlavie.com : Il y a eu beaucoup de débats aux États-Unis, on l’a vu, sur les taux avec certains membres de la Fed disant qu’il fallait aller plus vite, on voit le discours pour l’instant de Janet Yellen, est-ce que là-dessus il peut y avoir un changement c’est-à-dire est-ce que les investisseurs ne se trompent pas finalement sur le scénario facile, remontée des taux en 2015 ?
Marc Craquelin, directeur GA chez la Financière de l’Equichier : Sur la partie taux courts, je pense que non. Je pense que les investisseurs ne se trompent pas. Après d’aucuns pensent que ce sera au premier trimestre, d’autres un peu plus tard, au fond cela ne change pas tant que cela. Je pense que les taux courts vont remonter aux États-Unis l’an prochain. La grosse question, c’est comment vont réagir les taux longs. Est-ce que la courbe va s’aplatir ? Est-ce que, quand les taux courts vont remonter, les taux longs vont suivre ? C’est un peu cela la grosse question. Il est évident que si la courbe s’aplatit, c’est plus favorable aux actions parce que ce que les investisseurs regardent, ce sont les niveaux de taux longs, donc c’est un peu cela la grosse question. Moi ma lecture, c’est que cela va être assez bien piloté, je ne pense pas que l’on aura un mouvement très violent sur les taux longs. Donc, à choisir, si je puis dire, j’achète assez cette thèse de l’aplatissement, mais c’est vrai que c’est cela un peu la grosse question, plus que le niveau des taux courts, c’est comment va réagir la courbe quand le mouvement va s’enclencher aux États-Unis.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc on peut dire que dans les prochaines semaines on aura encore beaucoup de focus bien sûr sur ce sujet-là ?
Marc Craquelin, directeur GA chez la Financière de l’Equichier : Oui, bien sûr, et puis l’autre point important, et Janet Yellen l’a évoqué une ou deux fois, c’est, même si la banque centrale arrête son QE comment va-t-elle gérer la taille de bilan ? C’est-à-dire est-ce que l’on va aller vers une réduction de la taille de bilan de la banque centrale ? Il semblerait que non. Elle a communiqué là-dessus que c’était très important parce qu’on sait bien que les tailles de bilan de la banque centrale sont assez liées aux notions de vélocité de la monnaie, donc cela aussi cela va être à surveiller de près parce que c’est moins emblématique que le niveau des taux courts, mais sur l’économie réelle cela a beaucoup d’impact.
Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, de ce côté-ci de l’Atlantique, avec la croissance atone en Europe, on a vu les dernières déclarations de Mario Draghi, il n’y a pas eu forcément beaucoup de surprises sur ce qu’il a dit, qu’est-ce que cela veut dire pour l’environnement en Europe pour les investisseurs ?
Marc Craquelin, directeur GA chez la Financière de l’Equichier : Je pense que là on change quand même… enfin il n’y a pas eu beaucoup de surprises, mais c’est quand même un changement peut-être plus majeur, on peut vite passer sur la baisse des taux parce que là je suis de votre avis, cela ne change pas notablement la donne. En revanche, les programmes de rachat d’ABS, le fait que pour la première fois M. Draghi lui aussi fasse allusion à la taille de bilan de la banque centrale, et là qui clairement il réaffirme qu’il veut la remonter pour revenir sur les niveaux de 2012, cela fait quand même 1000 milliards de plus de taille de bilan, ça c’est très significatif, et surtout cela corrobore le fait que la banque centrale européenne va adopter en fait un mode de gestion beaucoup plus anglo-saxonne. On va aller… alors les esprits chagrins diront que c’est trop tard, les autres diront que c’est une bonne nouvelle, mais enfin en tout cas on se cale un peu sur les politiques monétaires anglo-saxonnes.
Web TV www.labourseetlavie.com : Oui parce que là, les débats des dernières semaines portaient largement sur les questions de déflationet certains pensaient qu’effectivement la banque centrale européenne arrive trop tard ?
Marc Craquelin, directeur GA chez la Financière de l’Equichier : Oui, alors c’est vrai que on l’a vu cet été. D’abord il y a eu des « mauvais chiffres d’inflation », il faut les prendre aussi avec un peu de prudence parce que c’est vrai que les matières premières ont beaucoup baissé, donc il y a un peu d’éléments positifs, si je puis dire, dans cette baisse d’inflation, mais c’est vrai que le scénario de déflation a beaucoup progressé au cours de l’été et les anticipations d’inflation ont beaucoup baissé et d’ailleurs M. Draghi y a aussi fait référence. Il a fait référence au swap d’inflation, au swap forwards 5 ans d’inflation, cela aussi c’est assez nouveau, cela veut dire que la réflexion de la BCE évolue. Est-ce que c’est trop tard ? Je serais tenté de dire : « Mieux vaut tard que jamais » c’est-à-dire que, avec la trajectoire effectivement qui a été prise ces derniers mois, heureusement qu’il y a eu cette réaction. Est-ce que cela aurait été mieux avant ? Peut-être. Au fond on ne le saura jamais, mais je pense que cela va quand même dans le bon sens.
Web TV www.labourseetlavie.com : Cela veut dire quel type d’arbitrage entre les actions américaines, on a vu qu’il y avait la performance au cours des dernières années, et les actions européennes ? Les actions européennes retrouvent de l’intérêt dans ce cadre-là ?
Marc Craquelin, directeur GA chez la Financière de l’Equichier : Je pense que cela va retrouver un peu de momentum. Après c’est vrai que la grosse différence, depuis trois ans, entre les États-Unis et l’Europe, c’est qu’aux États-Unis vous avez une reprise de la progression des bénéfices par action, donc les marchés montent, mais les résultats des entreprises montent, ce qui n’est pas le cas en Europe pour le moment, cela fait deux ans que l’on a des résultats totalement stagnants. Je pense que, à cause de l’effet de devises, cela devrait s’infléchir positivement en Europe sur le prochain semestre. Après, les valorisations, on le sait, sont moins chères en Europe mais les perspectives de croissance sont aussi beaucoup plus basses. C’est certain qu’en termes de momentum, l’annonce de M. Draghi va remettre un petit peu de push positif, si je puis dire, sur l’Europe. Après je pense que l’on a des marchés qui ne sont pas valorisés, donc il ne faut pas trop rêver sur les indices, nous on est assez prudent sur les progressions d’indices. Cela va être des marchés de stock-picking. On ne peut pas se les fait porter par la tendance, il n’y a plus de sous valorisation criante des actions.
Web TV www.labourseetlavie.com : Un mot du Japon, on a vu ce qui se passe avec la hausse de la TVA et les fameuses conséquences des abenomics, là c’est du concret, on voit même des manifestations au Japon. Qu’est-ce que cela veut dire pour l’investisseur qui aurait raté ce qui s’est passé au Japon ? Il regarde comment le marché japonais aujourd’hui ?
Marc Craquelin, directeur GA chez la Financière de l’Equichier : Le Japon, oui, c’est compliqué parce que il y a des mesures très fortes de QE, en même temps il y a des effets… parce qu’effectivement alors là pour le coup l’inflation, contrairement à ce qui s’est passé en Europe, repart mais en même temps il y a une grosse partie qui est de la mauvaise inflation puisque, en fait, les prix, vous avez évoqué les hausses de TVA, donc les prix progressent plus vite que les salaires, donc du même coup en fait vous mettez de l’inflation mais cela n’aide pas beaucoup la reprise de la consommation et autres, donc on peut être dubitatif. Et après, les effets mécaniques sur les marchés, baisse de la devise, hausse des actions, restent là, mais c’est vrai qu’il faut transformer cet impact et pour le moment on est un peu à la croisée des chemins, à ne pas savoir si finalement il y a plus de d’effets bénéfiques que négatifs.
Web TV www.labourseetlavie.com : Sur les pays émergents, on voit bien, on a vu le Brésil en récession, cela faisait longtemps que ce n’était pas arrivé quand on parlait des émergents il y a encore quelques années, on voit la Chine où la croissance n’est plus la même bien entendu, cela veut dire qu’il faut être encore plus vigilant sur les émergents qu’avant ?
Marc Craquelin, directeur GA chez la Financière de l’Equichier : Sur les émergents, nous on est passé assez positif cette année, non pas d’ailleurs parce que les perspectives de croissance s’améliorent, vous avez raison de le rappeler, elles sont plutôt en retrait, mais parce que en fait ce sont des marchés qui ont été très sous-performants depuis maintenant trois ans, que pour le reste, la situation en Chine est plutôt en trains de se stabiliser, on voit bien que 7,5 de croissance auquel personne ne croyait en début d’année, il est peut-être finalement pas si improbable pour 2014. Après, le cas du Brésil, c’est un peu différent parce que là on a eu un très gros rallye sur le marché alors que là la situation s’est dégradée, les gens « achètent » les élections qui vont venir et un changement majeur au Brésil. Donc ils refont un petit peu le scénario que l’on a eu en Inde où les marchés avaient beaucoup monté avant les élections de M. Modi et le mouvement s’était poursuivi après. Après, les émergents, c’est vrai, ont été, c’est vrai, très, très « bullish » tout au cours de l’été, à l’exception de la Russie, mais quand il faut aller un peu dans le détail parce que c’est vrai que ce sont histoires très, très différentes.
Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Marc Craquelin d’avoir été avec nous.
Marc Craquelin, directeur GA chez la Financière de l’Equichier : Merci.
© www.labourseetlavie.com. Tous droits réservés, le 13 septembre 2014.
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