Jacques-Antoine Bretteil Président Financière ICG : "On ne pourra pas faire l'économie d'un krach obligataire".
Bourse : Stratégie et perspectives
Bourse : Stratégie et perspectives.
Retour sur l’actualité économique et financière avec mon invité Jacques-Antoine Bretteil Président Financière ICG.
Web TV www.labourseetlavie.com : Jacques-Antoine Bretteil, bonjour. Vous êtes le président de la Financière ICG. On va parler avec vous de marchés financiers et de perspectives sur ces marchés. Je voudrais d’abord avoir votre regard sur ce qui se passe sur les taux parce que on pourrait dire que, en tant que gérant, ce qui se passe aux États-Unis, là, quel est votre point de vue ?
Jacques-Antoine Bretteil, président de la Financière ICG : D’abord j’aimerais revenir un petit peu sur ce qui s’est passé cet été parce qu’il y a eu une articulation entre quatre sentiments, un sentiment quand même de confirmation que l’économie américaine tournait bien et continuait à bien tourner, un sentiment, je dirais, d’inquiétude parce que l’on s’est aperçu que l’économie européenne était en décroissance un petit peu partout, même l’Allemagne, ce qui était une surprise, un sentiment de déception vis-à-vis de la macroéconomie et de la conjoncture géopolitique puisque, entre la Libye, l’Irak, l’Ukraine, on a été gâté cet été, et le seul sentiment positif, je dirais que c’est plutôt du côté de la devise, et cela rejoint un peu ce que vous posiez comme question sur les taux, le seul point positif, c’est la baisse de l’euro vis-à-vis du dollar et évidemment qui est une corollaire de cette inondation de liquidité des marchés par les banques centrales. Tout n’est pas gagné, il faut dire qu’évidemment on ne peut pas imaginer, si vous voulez, que les marchés financiers continuent sur leur lancée uniquement pour des raisons de thérapeutique anesthésiante parce qu’en fait, ce qui s’est passé, c’est qu’effectivement, que ce soit au Japon, que ce soit en Chine, que ce soit en Europe, que ce soit aux États-Unis, tous les marchés ont été et continuent à être inondés par ces liquidités qui viennent sur le marché et qui finalement cherchent désespérément à s’investir. Donc on a eu depuis quelques mois une hausse un peu par défaut et la baisse des taux d’intérêt étant telle que évidemment les investisseurs se sont repliés sur les marchés actions.
Web TV www.labourseetlavie.com : On ne peut pas en même temps, on le sait bien, jouer contre la Fed, comme on dit, il y a même une expression anglaise…
Jacques-Antoine Bretteil, président de la Financière ICG : Non, mais il faut faire très attention. Rien n’est sûr, mais enfin je pense que de toute façon, le jour, non pas où les taux vont remonter, mais où le sentiment des marchés va commencer à imaginer que les taux vont remonter, à mon avis ce n’est pas très éloigné parce que les taux vont remonter probablement d’ici entre mars et juin 2015, mais on l’anticipera certainement avant. Donc ce jour-là, je pense qu’effectivement on aura du souci à se faire parce que il y aura probablement… on ne pourra pas faire l’économie d’un krach obligataire. Il y a de telles liquidités sur ces marchés que, de toute façon, à partir du moment où vous allez avoir les taux passer de 0,9 ou 1 % à 2,5 ou 3 %, là vous allez avoir une rupture de vagues et probablement, je vous dis, un krach obligataire. On pourra difficilement faire l’économie de ce krach obligataire.
Web TV www.labourseetlavie.com : C’est-à-dire qu’aujourd’hui ceux qui pensent que l’on peut l’éviter parce que ce pilotage est si fin que le discours évolue par vraiment des petites fenêtres, on y va vraiment piano, ce n’est pas possible ?
Jacques-Antoine Bretteil, président de la Financière ICG : Non, non, on est vraiment dans le verbe de toute façon, on est dans le verbe. Le jour où on sera dans l’action, où effectivement les taux vont remonter, là je pense que l’on aura probablement des réactions complètement différentes. Et évidemment, si vous voulez, je pense qu’après, ce ne sera peut-être pas un krach obligataire, mais cette espèce de chaos que l’on risque d’avoir sur les marchés de taux va probablement dans un deuxième temps profiter au marché actions, forcément, avec un système presque de plomberie, si vous voulez, entre les flux qui vont déferler des marchés de taux vers les marchés actions, je pense que là on aura probablement dans un deuxième temps une hausse des marchés actions. Mais pour le moment, les fondamentaux, de toute façon, ne sont pas suffisamment bons pour que l’on puisse imaginer que les marchés continuent comme cela de manière exponentielle.
Web TV www.labourseetlavie.com : Il y a un avis minoritaire, il y a des avis minoritaires qui disent que finalement il est possible que la Fed devance les investisseurs, donc fasse un peu le contraire de ce que pensent les investisseurs aujourd’hui, c’est-à-dire aille plus vite, et là effectivement on est dans une situation où la réaction peut être violente ?
Jacques-Antoine Bretteil, président de la Financière ICG : Il n’ira pas plus vite à mon avis parce que Mme Yellen a emboîté les pas de M. Greenspan, mais enfin de toute façon je crois, de M. Bernanke, je crois que de toute façon on n’ira pas plus vite, mais plus fort. Cela veut dire que probablement le jour où on aura déterminé la date de reprise des marchés de taux, certainement cela sera beaucoup plus fort qu’on ne l’anticipe aujourd’hui.
Web TV www.labourseetlavie.com : Cela veut dire qu’effectivement il y a, à un moment donné pour le gérant, il faudra peut-être faire moins de performance parce que, pour l’instant, on va dire, les marchés Actions continuent quand même sur leur lancée ?
Jacques-Antoine Bretteil, président de la Financière ICG : Oui, ils continuent, ils continuent parce que effectivement ils sont abreuvés de ces liquidités et que les gérants, ils sont obligés d’investir. Comme les marchés de taux ne rapportent plus rien, ils viennent sur les marchés actions, ce qui n’est pas forcément un mauvais calcul, mais cela ne sera ni si exhaustif qu’on le connaît aujourd’hui, ni aussi général. Donc il faudra avoir une politique de stop-picking, vraiment de pilotage à vue des marchés actions et choisir vraiment une sélection de valeurs de manière très précautionneuse. Et je pense en particulier, je vous coupe la parole, je m’excuse, mais je pense en particulier au dernier point que je soulignais tout à l’heure, le point positif, c’est donc cette parité eurodollar qui redevient favorable. Donc il faut, à mon avis, essayer de déterminer une liste d’achats de valeurs dollars, en tout cas pour ce qui concerne les marchés européens, qui profiteront à plein effectivement de cette baisse de l’euro.
Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que vous diriez que votre expérience joue aussi un poids important puisque finalement les crises, on pourrait dire qu’il y a certains investisseurs qui jusqu’à présent n’ont pas connu de crise, ils n’ont connu que la hausse sur les marchés…
Jacques-Antoine Bretteil, président de la Financière ICG : Oui, enfin, si on se retourne un petit peu en arrière, les crises, elles ont quand même été sporadiques, elles ont quand même été échelonnées entre 1987 et 2014, on en a connu pas mal. Mais si vous voulez, c’est vrai que celui qui a l’expérience, qui a vu un petit peu comment cela se passait, qui sait un petit peu manipuler les marchés, qui a peut-être une anticipation un petit peu plus grande que d’autres, effectivement à ce moment-là l’expérience parle.
Web TV www.labourseetlavie.com : C’est-à-dire que finalement c’est cet afflux de liquidités qui a complètement changé la donne sur les marchés ?
Jacques-Antoine Bretteil, président de la Financière ICG : Complètement. Je vous dis, les marchés sont anesthésiés. On leur fait des piqûres de rappel en permanence et le fait que ces liquidités soient a priori en profusion et sans fond, cela continue, cela continue à affluer, cela continue à affluer. Mais je vous dis, encore une fois, il ne faut pas non plus se réjouir trop vite parce que cela veut dire que fondamentalement les économies sont extrêmement fragiles, on l’a vu avec l’économie allemande par exemple, et à mon avis l’économie américaine est fragile aussi, ce qui veut dire que, dans le courant des prochains mois, on aura peut-être de moins bonnes surprises sur la macro-économie américaine.
Web TV www.labourseetlavie.com : Mais cela ne devrait pas changer ce planning de taux qui aujourd’hui, effectivement… Le consensus, c’est le printemps 2015 ?
Jacques-Antoine Bretteil, président de la Financière ICG : Absolument. Je pense que de toute façon ce sera probablement le printemps 2015, mais, je vous dis, n’est pas inclus dans le consensus la force de remontée des taux d’intérêt. Je crois que ça, ça va être assez rapide et cela peut être effectivement assez cassant pour les marchés.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc cela veut dire effectivement… s’intéresser finalement à un certain nombre de valeurs sur les fondamentaux quelle que soit « l’évolution du cours » c’est-à-dire en ayant en tête ces fondamentaux et celles qui vont pouvoir bénéficier de cette appréciation du dollar…
Jacques-Antoine Bretteil, président de la Financière ICG : Absolument, des valeurs dollars, des valeurs dollars, et puis faire vraiment une politique très stricte de stop-picking et plutôt d’ailleurs dans les moyennes valeurs parce que je pense que… Les performances, elles seront plutôt dans ces fameuses second lines stocks que dans les très, très grosses valeurs, sauf des valeurs comme Alcatel. Moi je suis toujours très partisan d’Alcatel parce que je pense que le virage a été pris, c’est une vraie valeur dollar, et puis des valeurs comme Orange, Orange qui est en passe de fédérer tout le secteur télécom en Europe, qui est obligé de se rationaliser parce que finalement il y a beaucoup trop d’opérateurs en Europe. Il doit y avoir trois ou quatre opérateurs sur le marché américain et il y en a une centaine en Europe, c’est beaucoup trop. Là, je pense que Orange a effectivement pris le pli de commencer à fédérer avec l’OPA qu’ils sont en train de lancer sur Jazztel en Espagne, je pense que ça, c’est probablement une bonne porte d’entrée.
Web TV www.labourseetlavie.com : On suivra cela. Merci Jacques-Antoine Bretteil d’avoir été avec nous.
Jacques-Antoine Bretteil, président de la Financière ICG : C’est moi qui vous remercie.
© www.labourseetlavie.com. Tous droits réservés, le 21 septembre 2014.
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