Frédéric Rollin Conseiller en Stratégie d'investissement Pictet AM : "La Fed est devenue un économiste comme nous".
Stratégie et perspectives de la stratégie d'investissement

21 octobre 2014 17 h 12 min
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Dans la nouvelle configuration des marchés (consolidation, croissance européenne plus faible, Chine,…), comment évolue la stratégie d’investissement ?

Nous parlons de cette actualité avec Frédéric Rollin Conseiller en Stratégie d’investissement Pictet AM.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Frédéric Rollin, bonjour. Vous êtes conseiller en investissement pour Pictet Asset Management. On va parler avec vous de cette stratégie d’investissement. Comment évolue-t-elle aujourd’hui, j’ai envie de dire dans un nouveau contexte de marché ? Clairement le contexte a évolué. On se serait vu il y a quelques semaines encore, peut-être qu’il n’y avait pas cette inquiétude, est-ce que votre scénario doit changer ?

Frédéric Rollin, conseiller en investissement chez Pictet AM : Notre scénario a légèrement évolué. On était déjà neutre action mondiale, mais maintenant, on a une position plutôt positive sur les actions européennes et plutôt prudente sur les actions américaines. Et puis, on rajoute progressivement un petit peu plus de risques sur les obligations émergentes. En somme, finalement, il y a eu une consolidation de marché qui a été forte et on commence progressivement, finalement, à revenir à l’achat sur les marchés sur des niveaux qui nous paraissent aujourd’hui plus attrayants.

Web TV www.labourseetlavie.com : C’est-à-dire que vous diriez qu’il y a une peur peut-être de certains investisseurs, que l’on consolide trop sur les marchés Actions ?

Frédéric Rollin, conseiller en investissement chez Pictet AM : Effectivement, je pense qu’il y a deux raisons pour lesquelles les marchés sont en train de consolider aujourd’hui. D’abord, il y a eu quand même des déceptions sur la croissance, notamment la croissance européenne, qu’il y a des risques en Chine qui sont matériels et on voit quand même que les autorités chinoises ont du mal à maintenir des croissances élevées. Et puis la deuxième raison, c’est finalement la hausse du dollar, c’est la Fed, c’est-à-dire qu’à un moment donné, avec cette hausse du dollar, la croissance est redistribuée, elle va partir des États-Unis et aller en Europe, mais on ne sait pas exactement de combien. Alors, quand on est un investisseur américain, on ne sait pas de combien la croissance va baisser, cela met en doute. Quand on est un investisseur européen, on ne sait pas de combien elle va remonter, cela met un doute. Et sur les émergents, on se demande si les émergents vont continuer, par exemple, d’obtenir du financement parce que la Fed montant ses taux et les investisseurs américains rapatriant du dollar, elles auront moins de financements. Donc cette hausse du dollar qui est finalement un jeu à somme nulle, malgré tout crée des inquiétudes sur le marché parce qu’il y a des croissances qui sont plus difficiles à estimer.

Web TV www.labourseetlavie.com : Justement, vous parliez de la Fed, est-ce qu’il n’y a pas en ce moment, peut-être, pas d’incompréhension, mais en tout cas moins de lisibilité finalement par rapport, toujours pareil, au scénario d’il y a quelques mois qu’il était assez clair, 2015, là il y a peut-être plus de discussions au sein même de la Fed, donc pour les investisseurs c’est un petit moment de transition ?

Frédéric Rollin, conseiller en investissement chez Pictet AM : Effectivement, c’est intéressant parce que la Fed est en train de vivre une transition de sa politique monétaire, mais elle le vit finalement d’une façon tellement transparente que l’on pourrait presque dire que la Fed est devenue un économiste comme un autre où il regarde, comme nous, la hausse d’emploi, comme nous l’absence ou la quasi-absence des hausses de salaire, et finalement ils n’ont plus cet aspect sécurisant qu’ils pouvaient avoir auparavant où on savait que, pour un an, deux ans, leur politique monétaire. Là, elle va être dépendante des données économiques et donc elle n’apporte plus aujourd’hui cette sécurité au marché, et puis, finalement, on sait quand même que le prochain mouvement, c’est plutôt des restrictions de liquidités, donc que la Fed est en train de souffler un vent contraire, et c’est une des raisons, c’est la raison finalement principale, avec la hausse du dollar pour laquelle nous sommes plutôt prudents aujourd’hui sur les actions américaines par rapport aux actions européennes.

Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté de l’Europe tout de même, on peut s’inquiéter de la faible croissance en Allemagne, quand on voit l’indice Zew notamment, on voit cette tendance sur effectivement plusieurs mois, on voit que cela va dans le même sens. Si l’Allemagne au cœur de l’Europe ralentit, on se dit que l’on ne voit pas quelle reprise on peut avoir en Europe ?

Frédéric Rollin, conseiller en investissement chez Pictet AM : Nous on pense qu’il va y avoir une reprise en Europe. On pense effectivement qu’il y a… ce sont des facteurs pour l’instant qui sont temporaires, qui sont en train de peser sur la croissance européenne, et un des facteurs temporaires, peut-être le plus important, c’est aujourd’hui, je dirais, l’absence d’activité ou la très faible activité des banques. On voit que le crédit, en fait, en Europe n’est pas véritablement en train de reprendre, sur un an il est toujours en baisse. Pourtant, quand on regarde les enquêtes auprès des banques et les enquêtes auprès des emprunteurs, on devrait avoir en fait un crédit qui est plutôt en hausse, qui devrait être en hausse même de 3 à 4 %. Alors pourquoi cet écart entre la volonté de prêter et d’emprunter et puis les marchés du crédit aujourd’hui ? Tout simplement, nous le pensons, parce que les banques attendent le jugement de la BCE qui est en train de travailler sur ses stress tests et sur ce que l’on appelle ces AQR, donc la revue des bilans des banques, et tant que le tampon n’est pas donné aux bilans bancaires, pour l’instant les banques sont en train plutôt de travailler en retrait. Une fois que cela sera passé, et là on sera en novembre, décembre, on va avoir probablement déjà une reprise du crédit en Europe. Donc ça c’est un premier facteur. Et puis, le deuxième facteur, c’est quand même que l’euro a baissé quand même assez considérablement par rapport au dollar. On considère qu’aujourd’hui il est sous-évalué de l’ordre de 10 %, et 10 % quand même, cela commence à être assez matériel pour une monnaie aussi stable d’ordinaire que l’euro, et donc on va avoir une reprise des exportations et des bénéfices pour les exportatrices. Donc ce sont deux raisons qui nous laissent penser que oui, c’est vrai, on constate, le Zew, l’IFO, les PMI, la production industrielle allemande, ce n’est pas terrible, mais c’est aujourd’hui probablement fin d’année et début d’année prochaine, on aura de meilleurs signes sur l’économie européenne et donc nous on s’est mis positif sur les actions européennes.

Web TV www.labourseetlavie.com : On peut regarder aussi du côté des matières premières, là quand on voit les niveaux du cours de pétrole, cette baisse spectaculaire sur le pétrole, on se dit que les marchés de matières premières souvent anticipent ce qui va se passer, si ce qu’ils disent est vrai, les prochains mois ne sont pas forcément très, très bons, en tout cas ils anticipent plutôt un ralentissement ?

Frédéric Rollin, conseiller en investissement chez Pictet AM : Je crois que les matières premières, je ne sais pas si elles anticipent, en tout cas elles constatent, elles constatent effectivement aujourd’hui que l’on a quand même une maturation des économies émergentes, donc probablement le grand cycle des matières premières est derrière nous, on parle bien d’atterrissage en douceur, en catastrophe, de l’économie chinoise, mais bien d’atterrissage, donc on a ceci. Et puis on a eu des déceptions tout simplement sur la croissance mondiale, à la fois émergente et européenne, et cela justifie une baisse des matières premières. Je pense que, si effectivement, comme on le pense, la croissance revient en Europe, et elle va être aussi tirée dans les émergents par des programmes de relance et aussi par la baisse des devises, à ce moment-là on aura des matières premières qui vont de nouveau effectivement reprendre une tendance un petit peu plus haussière. Pour nous, voilà, c’est coïncidant. Cela va effectivement avec la baisse des marchés, mais ce que nous cherchons à faire, c’est anticiper, aller un petit peu plus loin, et donc nous on pense plutôt que ces économies-là vont se reprendre.

Web TV www.labourseetlavie.com : On parlait de l’évolution du dollar, effectivement avec l’euro cela a été assez spectaculaire. On a vu, à un moment donné effectivement pas mal de gestions dire, reprendre en tout cas de l’intérêt pour les valeurs dollar, est-ce que cela a un sens encore aujourd’hui de s’intéresser à ces valeurs dollar ?

Frédéric Rollin, conseiller en investissement chez Pictet AM : Sur la monnaie oui, sur les actions non. Effectivement aujourd’hui on a une croissance américaine qui va commencer à souffrir de cette hausse du dollar. En revanche, nous on pense que on est un petit peu en fin de mouvement de hausse du dollar, à notre sens, mais néanmoins il y a probablement encore quelque chose à venir, pourquoi ? Parce que on a quand même une Fed qui est à la restriction, une BCE qui va probablement préciser de plus en plus son programme et activer son programme d’injection de liquidités. Et donc cela reste quand même quelque chose qui est en faveur de la baisse de l’euro contre le dollar, mais probablement dans des proportions moindres, pour deux raisons, parce que cela va commencer à avoir des effets déjà sur les économies qui vont se rééquilibrer, et puis parce que, après tout, quand on regarde les opinions des investisseurs, à peu près tout le monde en fait ou presque tout le monde aujourd’hui est haussier dollar. Et on sait que, quand tout le monde est haussier dollars, tout le monde a acheté du dollar, donc il n’y a plus personne pour en acheter et donc cela ne devrait plus monter beaucoup. Donc, pour le moment, on est un peu dans une fin de mouvement, mais une stabilisation entre 1,22 et 1,25 nous paraît raisonnable. Donc on n’en rajoute pas. On songe plutôt à prendre nos bénéfices.

Web TV www.labourseetlavie.com : Peut-être pour terminer sur les marchés obligataires, quand on voit, là toujours l’Allemagne, avec le bund et le niveau atteint par le bund, cela fait plusieurs fois finalement cette année 2014 que l’investisseur obligataire aurait pu faire de la performance effectivement, sur les marchés obligataires, quelle est la stratégie ?

Frédéric Rollin, conseiller en investissement chez Pictet AM : Les marchés obligataires, nous on privilégie quand même les marchés obligataires émergents qui produisent quand même des rendements assez importants, donc pour l’instant plutôt en devises dures, mais bientôt je pense aussi en devise locale, quand on aura un dollar qui sera un peu stabilisé et que l’on aura un petit peu plus de visibilité sur les émergents. Sur la partie Crédit, on reste en attente aujourd’hui. Donc on songerait à réinvestir sur du high yield sur lesquels on avait pris nos bénéfices, mais c’est peut-être un petit peu tôt encore. Et sur les obligations d’État, en revanche, même si on reconnaît que la BCE va garder ses taux à 0 ou négatifs pendant une période considérable, on estime aujourd’hui qu’il est risqué quand même d’aller sur le bund tout simplement parce que il est risqué d’aller sur les obligations américaines qui vont avoir la Fed contre eux et nous on pense que les obligations européennes vont suivre, au moins momentanément, les actions américaines. Donc voilà, des petites hausses des taux, probablement des taux longs en Europe, achats sur faiblesse parce que malgré tout on est plutôt dans des situations de faible inflation, mais aujourd’hui en tout cas prudence parce que on ne peut pas dire qu’il y ait une faiblesse sur les obligations allemandes.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci d’avoir fait le point avec nous, Frédéric Rollin.

Frédéric Rollin, conseiller en investissement chez Pictet AM : Merci.

 

Cet interview a été tournée au Club Confair, 54 rue Laffite, 75009 Paris :

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