Alexandre Baradez Analyste Marchés IG France : "On va assister à une prise de risque supplémentaire en faveur des marchés actions".
Bilan 2014 et perspectives 2015
Si en 2014, une nouvelle fois, les banques centrales ont été à la manoeuvre, la chute du pétrole est venue paerturbée la fin d’année boursière.
Nous parlons de cette année, et des perspectives avec mon invité : Alexandre Baradez Analyste Marchés IG France.
Web TV www.labourseetlavie.com : Alexandre Baradez, bonjour. Vous êtes analyste Marché chez IG France. On va parler avec vous peut-être pour commencer d’un petit bilan 2014, c’est vrai que, on le dit souvent, les Banques centrales sont à la manœuvre, qu’est-ce que vous retenez, vous, de cette année ? Il y a eu quand même un peu plus de volatilité, en tout cas en fin d’année ?
Alexandre Baradez, analyste marché chez IG France : Oui, c’est une année en deux parties clairement. On voit la première partie de l’année qui se déroule plutôt bien pour les marchés, malgré des statistiques macro-économiques déjà en déclin dès les premier et deuxième trimestres, les marchés continuent leur phase de hausse toujours catalysée par les discours de la Banque centrale européenne, et puis la réalité macro-économique qui rattrape les marchés, second semestre, la volatilité qui reprend très nettement sur les marchés européens et le marché américain, et puis une fin d’année qui est un petit peu en demi-teinte, qui est un petit peu à la médiane de ces deux dynamiques de l’année 2014, qui ouvre malgré tout, et malgré les derniers soubresauts sur la Grèce, sur l’Italie, je pense des perspectives plutôt optimistes pour 2015.
Web TV www.labourseetlavie.com : On peut dire que l’on a scruté de près les discours des banquiers centraux. Est-ce qu’il n’y a pas trop d’espoir ou en tout cas on sent qu’il y a un pari notamment pour la zone euro avec ce que pourrait faire Mario Draghi en début d’année 2015, est-ce que ce n’est pas un peu parier sur l’inconnu quand même ?
Alexandre Baradez, analyste marché chez IG France : C’est clair qu’il y a un pari des marchés sur la Banque centrale européenne. On a vu régulièrement l’Italie, malgré la dégradation récente de l’agence Standard & Poors qui a battu de nouveau record à la baisse en taux à 10 ans, la même chose pour les pays cœur de la zone euro, la France n’a jamais emprunté aussi peu cher, donc c’est forcément la traduction d’une adhésion totale des investisseurs sur le discours de la Banque centrale européenne. Des indices comme le Dacks qui bat de nouveaux records également, l’euro également qui tombe sous les niveaux pas vus depuis plus de deux ans, c’est une adhésion au discours de la Banque centrale européenne. Est-ce qu’il y a des risques de déception ? Je pense que la BCE ne prendra pas ce risque-là. Il faut forcément se projeter. Quand on entend Mario Draghi qui, lors de sa dernière conférence de presse, emploie le mot quantative easing, donc QUE, à des dizaines de reprises, plus les différents membres du conseil également qui emploient ce terme et qui vont plus loin dans la description, il n’aurait pas pris le soin d’aller aussi loin dans le détail pour ensuite ne rien faire. Donc je pense qu’il y a une réalité qui va se faire au premier trimestre 2015. Pour l’instant les marchés accusent un peu le coup de manière plus technique, prises de bénéfices je pense, et ensuite progressivement cela va repartir à la hausse pour l’Europe en tout cas dans les mois qui viennent.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc quelque part l’idée que la macroéconomie étant ce qu’elle est, c’est-à-dire dans la zone euro difficile avec les questions de dette publique pour beaucoup d’États, une croissance atone, quelque part la Banque centrale européenne doit agir ?
Alexandre Baradez, analyste marché chez IG France : C’est exactement cela, c’est-à-dire qu’elle n’a plus le choix. On voit bien que l’inflation à 0,3 % en zone euro, c’est extrêmement faible, et encore ces chiffres ne tiennent pas compte de la baisse des prix du pétrole, qui est négative à court terme parce que elle baisse sur les valeurs pétrolières, mais qui est tout à fait positive pour la reprise économique. Et qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui on peut être plutôt positif et optimiste pour les 12-18 prochains mois ? C’est la baisse de l’euro, la baisse du pétrole qui est le catalyseur de la croissance, ce sont les réformes structurelles qui, malgré qu’elles prennent du retard en France, en Italie, sont quand même présentes dans plusieurs pays, notamment des pays périphériques, c’est l’action de la Banque centrale qui va diffuser progressivement à l’économie réelle, et puis c’est le plan Juncker également, on n’en parle pas forcément beaucoup, mais qui ne pourra pas lui seul relancer la croissance en zone euro, mais qui vient en second dans la politique monétaire de la BCE, qui pourra ensuite, je pense, prendre des effets de levier, prendre de l’ampleur, et déboucher sur un scénario plus positif. Donc je ne crois pas du tout un risque de rechute de l’économie, comme lors de la crise de la dette, cela paraît très peu probable.
Web TV www.labourseetlavie.com : Aux Etats-Unis, là effectivement il y a eu plutôt les derniers chiffres qui étaient plutôt positifs, c’est vrai que tout au long de l’année on a scruté les chiffres de l’emploi de près, de ce côté-là, il y a encore… il y a un consensus sur 2015, juin 2015 en tout cas, mais il y a un discours aussi assez pragmatique de la Banque centrale américaine ?
Alexandre Baradez, analyste marché chez IG France : C’est tout à fait cela, c’est que les marchés, je pense, côté américain, et les investisseurs, les observateurs ne sont pas forcément très dupes., sachant que la Fed avait déjà fait le même coup, si je puis me permettre, il y a quelque temps de cela, notamment avec la question du tapering, si je me souviens bien, il y a quelques mois, juste avant que Bernakee n’annonce le fameux ralentissement des achats d’actifs, un mois, deux mois avant, le discours était encore ultra expansionniste, et quasiment d’un mois à l’autre, le discours a changé. Je pense que cela va être pareil pour la Banque centrale américaine. On a vu que les derniers chiffres de l’emploi américain, 5,8% de taux de chômage, la NFP qui grimpe, donc la création d’emplois qui grimpe à des niveaux totalement inattendus par le marché, plus une inflation qui repart progressivement, toujours tirée à la baisse par le prix de l’énergie, mais malgré tout on est à 1,4-1,5, donc cela reste quand même des niveaux qui suffisent à redresser le taux directeur, le taux principal, à 0,25 sans mettre pour autant l’économie en danger. Mais je pense qu’effectivement on est quand même beaucoup plus proche d’un resserrement de taux outre-Atlantique que le consensus ne le laisse croire en juin. Je pense que ce sera plus probable en fin du premier trimestre 2015.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc ça, ça la peut créer un peu de volatilité aussi forcément…
Alexandre Baradez, analyste marché chez IG France : Il y aura de la volatilité parce que quand on voit que le Nasdaq 100 par exemple a fait 300 % de performances depuis 2009, que le S&P, plus de 200 %, il n’y a eu que très peu de phase de correction entre 2012 finalement, lancement du QE3 et lancement des premières mesures de la Banque centrale européenne, on voit que cela a été une évolution quasi linéaire du S&P 500. Donc je ne pense pas que l’on continue au même rythme. Je pense que l’on va connaître des phases au minimum de consolidation, voire de correction, pas de krach, nous ne parlons pas du tout de cela, mais de phase de répit où le S&P pourra tomber sous les 2000 points, sans pour autant que durablement cela mette en danger la hausse. Donc je pense que l’on va connaître effectivement cela dans les mois qui viennent, une espèce de phase de répit et hausse potentiellement de la volatilité dans cette phase-là.
Web TV www.labourseetlavie.com : On a eu, avec ces évolutions des devises, des réactions du côté aussi des pays émergents. C’est vrai qu’aujourd’hui, quand on parle de cela avec tous les intervenants sur les marchés, ils disent « On parle pays par pays. On va parler du Brésil, on parle de la Chine ». Globalement, est-ce que ce qui s’est passé sur les devises a joué et est-ce que les pays émergents sont peut-être plus compliqués aujourd’hui pour les investisseurs ?
Alexandre Baradez, analyste marché chez IG France : Oui effectivement. Aujourd’hui on ne peut pas tous les classer dans la même catégorie. On voit les évolutions différentes d’un pays à l’autre. On voit par exemple sur la Russie, est-ce que on la qualifie toujours d’émergente ou non, mais l’évolution de la devise, elle est liée à l’évolution de la situation macro-économique, l’évolution des sanctions, l’évolution du prix du pétrole… Et c’est différent dans quasiment tous les pays. Donc on ne peut pas effectivement généraliser tous les pays émergents. En revanche, c’est vrai que l’on se rend compte que l’on est quand même, qu’on le nomme comme cela ou non, dans une guerre des changes aujourd’hui, on le voit très bien. L’Europe qui fait baisser volontairement, malgré le discours de Mario Draghi qui explique qu’il ne vise pas de taux de change, on ne fait pas revenir l’inflation si il n’y a pas de croissance. Donc le premier levier, c’est le taux de change, et évidemment que la BCE cherche à faire baisser massivement le taux de change, et je pense que la baisse de l’euro à ce titre la n’est pas encore terminée. Pour moi on va aller en 2015 sous les 1,20, je pense 1,18, 1,19, qui sont des niveaux macro-économiques justifiés sur l’euro-dollar.
Web TV www.labourseetlavie.com : On voit aussi la réaction du côté par exemple du Japon. Alors là on se pose des questions. On avait… il y a eu beaucoup d’articles positifs sur les Abenomics, ces fameuses mesures effectivement au Japon de relance de l’économie japonaise, et puis là, il y a à nouveau des doutes, on se pose la question sur son efficacité ?
Alexandre Baradez, analyste marché chez IG France : Effectivement, les Abenomics, c’était plusieurs flèches différentes. On voit bien qu’il y a une partie monétaire et une partie des réformes structurelles de relance. Toutes les flèches n’ont pas été complètement décochées et on sent que la dernière, qui concerne notamment l’ajustement des taux, notamment des taxes, a été repoussée et cela va générer la mise sous surveillance négative du Japon par l’agence Fitch il y a quelques jours, et on voit qu’effectivement le Japon connaît une espèce de phase de ralentissement dans cette reprise. Il faut quand même voir le chemin parcouru par le Japon. On parle souvent des deux ou trois dernières années parce que cela correspond à l’arrivée au pouvoir de Shinzo Abe et la mise en place de ses mesures. On est quand même dans un cycle aujourd’hui au Japon qui est sensiblement différent des années précédentes. Je pense que la Banque du Japon ne va pas arrêter sa politique expansionniste. Je pense même qu’elle va potentiellement l’accentuer encore en 2015, ce qui va faire encore baisser le yen par rapport à d’autres devises, mais il n’y a pas de raison que Shinzo Abe abdique alors qu’il a voulu créer la vraie rupture. S’il veut aller jusqu’au bout de la rupture, il faut décocher vraiment les trois flèches, et s’il décoche les trois, je pense qu’effectivement le Japon progressivement va sortir de l’atonie, sur les prix, c’est déjà partiellement gagné quand même.
Web TV www.labourseetlavie.com : En conclusion sur l’évolution de l’allocation d’actifs, on voit beaucoup d’acteurs qui sont aujourd’hui favorables aux actions, est-ce que cela reste… Il y a cette quête du rendement, bien entendu, mais il y a aussi la prise de risque, quelle est un peu l’évolution pour vous ?
Alexandre Baradez, analyste marché chez IG France : Je pense que ce que l’on va observer en 2015, on a vu que l’année 2014 était marquée par la recherche de rendement à tout prix sur la dette souveraine, sur la dette des emprunts d’états européens, toujours cette attente forte de la Banque centrale européenne. Aujourd’hui, on a une inflation qui est très basse mais des rendements sur l’obligataire souverain qui sont également extrêmement bas. Donc on va potentiellement assister à une rotation entre secteurs je pense, des investisseurs qui auront 2,5 %, cela ne suffit plus, ils vont aller sur le marché Actions chercher des dividendes et du rendement plus importants, et je pense que cette allocation va se faire de cette manière-là. Même si, sur certains pays, cela va mettre un peu plus de temps à redécoller, je pense aujourd’hui parier sur la France pour les deux ou trois prochaines années en termes de d’indices, le CAC notamment, l’Espagne également qui se redresse bien, le Portugal, l’Irlande, voilà, il y a plusieurs pays européens qui, au niveau de leurs valeurs, sont intéressants, pas trop chers aujourd’hui, et je pense que l’on va assister… On va toujours avoir des taux bas en 2015, il n’y a pas de raison que la BCE change son fusil d’épaule, mais en revanche je penche sur une prise de risque supplémentaire qui devrait favoriser les marchés actions.
Web TV www.labourseetlavie.com : Merci d’avoir fait le point avec nous Alexandre Baradez.
Alexandre Baradez, analyste marché chez IG France : Merci.
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