Cyrille Collet Directeur de la Gestion Actions CPR AM : "L'investissement dans une zone est beaucoup corrélée à l'évolution de la devise".
Bourse : Stratégie d'investissement et évolution de l'allocation d'actifs

1 mars 2015 9 h 11 min
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Actualités économique et financière : Marchés financiers, politique monétaire, zone euro, Fed, BCE, dollar, tous les sujets qui font l’actualité pour les investisseurs et les conséquences pour l’allocation d’actifs.

Mon invité est Cyrille Collet Directeur de la Gestion Actions CPR AM.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Cyrille Collet, bonjour. Vous êtes directeur de la gestion actions chez CPR Asset Management. On va parler avec vous de marchés et de perspectives sur ces marchés. Pour vous, aujourd’hui, les marchés européens sont les marchés les plus intéressants pour l’investisseur, compte tenu de ce qui a été décidé en Europe ?

Cyrille Collet, directeur de la gestion Actions chez CPR Asset Management : Oui, ils sont a priori les plus attractifs, notre scénario global, c’est moins de Fed, plus de BCE et plus de BOJ ce qui est très intéressant pour les actions européennes aujourd’hui, c’est que l’on a des taux bas, un pétrole qui vient de baisser et une devise qui s’est bien dépréciée contre le dollar, plus l’action de la BCE pour le côté, on va dire, un petit peu garantie, si cela veut dire quelque chose, donc oui, les actions européennes sont très, très bien orientées pour l’année 2015. La plupart des Européens croyaient au QE, assez peu les Asiatiques et assez peu les Américains, donc là, la vraie nouveauté aujourd’hui, c’est que le marché européen devrait continuer à progresser, principalement sur les flux d’investissements étrangers.

Web TV www.labourseetlavie.com : C’est effectivement ce qui a dopé…

Cyrille Collet, directeur de la gestion Actions chez CPR Asset Management : Ce qui continuera de faire progresser le marché. On peut dire que janvier s’est fait sur des hausses d’investisseurs européens et que la suite va s’écrire avec les investisseurs étrangers ou pas.

Web TV www.labourseetlavie.com : On peut dire en même temps qu’il reste toujours cette problématique de croissance en Europe, que, malgré ce QE, il y a toujours une croissance qui reste faible ?

Cyrille Collet, directeur de la gestion Actions chez CPR Asset Management : Le QE ne fabriquera pas la croissance, ça c’est évident. Par contre, un plan de relance qui avait été annoncé, dont on ne parle plus beaucoup aujourd’hui, je trouve, manque à l’appel parce que quand les entreprises françaises et allemandes, très tournées vers les exportations, vont profiter à plein de la baisse de l’euro, cela sera moins le cas pour les entreprises espagnoles et encore moins le cas pour les entreprises italiennes. Donc on va dire que l’Europe du Sud, ils ont principalement besoin eux d’un plan de relance. Maintenant, c’est vrai que même si la croissance économique n’est pas énorme dans la zone, elle est repassée positive, on nous annonce a priori des petites bonnes nouvelles à venir pour le deuxième semestre, ce qu’il est intéressant de constater, c’est que la croissance des bénéfices a été positive en 2014 pour les entreprises européennes, ce qui n’était pas arrivé depuis quatre ans, donc Alléluia. Et surtout, en 2015, cela va être mieux et peut-être encore en 2016. L’an dernier, on va finir entre 5 et 6 % de croissance en médiane, on est autour de 12 % pour 2015 contre 3 % aux Etats-Unis. Donc c’est cela le vrai changement, si l’on peut dire. Pendant quatre, cinq ans, les Américains ont dominé le monde, mais c’était normal, économie solide, croissance des bénéfices délivrée pour les entreprises, et là, la tendance est un petit peu en train de s’inverser. On a face à nous un risque de hausse de taux de la Fed, que notre responsable de stratégie a pointé en juin, on y croit effectivement beaucoup. On est aussi face à un marché américain qui est très dépendant des investissements dans le pétrole, donc une année 2015 un peu plus délicate, et ainsi de suite, la hausse du dollar… Bref, finalement, un coût d’opportunités intéressant à sortir du marché américain pour rentrer dans les actions européennes.

Web TV www.labourseetlavie.com : Sur le marché américain, on a vu sur les taux l’évolution des investisseurs, autant ce scénario, même si c’est effectivement aujourd’hui le vôtre aussi, de juin, certains commencent à dire : « Finalement, peut-être que cela pourrait être retardé » avec à la fois ce qui s’est passé sur les devises et sur le pétrole, aujourd’hui cela reste quand même ce scénario principal ?

Cyrille Collet, directeur de la gestion Actions chez CPR Asset Management : Oui, on n’est pas dans le consensus, on en est bien conscient, mais encore une fois, notre responsable de la stratégie, Philippe Weber, ne se trompe pas beaucoup depuis quatre, cinq ans, donc on a vraiment confiance en lui sur ce sujet-là. L’idée, en gros, elle est très simple, c’est la théorie du signal c’est-à-dire qu’il y a… à un moment donné, il va falloir relever les taux. S’ils ne commencent pas à le faire dès maintenant, en juin ou en août, enfin devant nous, ils vont devoir le faire massivement et trop tard. Donc ils vont envoyer des signaux finalement de fragilisation de marché à un moment donné où les gens ne s’y attendront le moins. Alors que, si ils commencent à remonter tout doucement les taux avec des formules d’accompagnement, cela sera beaucoup mieux pris par les marchés financiers et tout le monde va très bien comprendre, avec les très bons chiffres du marché de l’emploi américain, que oui, il va falloir remonter les taux tout doucement. Il y a une décorrélation qui s’est mise en place depuis six mois, un an, il y a le retour des créations d’emplois, pas encore des hausses des salaires, cela va venir, on espère en tout cas, mais donc, oui, tout cela est tout à fait cohérent.

Web TV www.labourseetlavie.com : En même temps on a vu des entreprises américaines commencer à souffrir de cette progression du dollar face à l’euro ?

Cyrille Collet, directeur de la gestion Actions chez CPR Asset Management : Oui, c’est vrai qu’il y a une partie de la bourse américaine qui souffre, mais c’est la partie qui travaille un peu à l’étranger. Le marché américain, contrairement à ce que l’on croit, et très centré sur lui-même. En moyenne, les entreprises américaines font 65 % de leur chiffre d’affaires aux États-Unis, quasiment l’inverse de ce que l’on peut trouver en Europe. Mais par contre, Caterpillar, lui, très exposé au secteur minier, très exposé aux pays émergents, il dit : « Le dollar commence à être un peu cher » mais il y a quelques Caterpillar et beaucoup, beaucoup d’entreprises américaines plus locales qui vont vraiment bien. Donc il est normal que les multinationales souffrent, mais je ne pense pas que cela remettra en cause, encore une fois, cette théorie du signal et le fait que la Fed doit tout doucement abaisser le niveau des liquidités.

Web TV www.labourseetlavie.com : Dans les perspectives économiques, il y a bien sûr ce qui se passe en Chine, à l’économie chinoise. Visiblement on a intégré le fait que l’on n’aurait plus les croissances aussi spectaculaires que l’on pouvait avoir année après année, quel est le regard aujourd’hui sur le marché chinois ?

Cyrille Collet, directeur de la gestion Actions chez CPR Asset Management : Les chiffres chinois sont toujours difficiles à analyser parce que, on va dire, un petit peu réglementés et contrôlés. Ce qui est évident, et le message qui est passé par la Chine depuis un an ou deux maintenant, c’est qu’ils ont entamé des réformes, que ces réformes vont être longues, ce sont des réformes structurelles, moins d’exportations, plus de consommation interne, et que tout cela a un coût et que la seule « personne », ce n’est pas une personne qui peut porter ce coût, c’est l’État, donc des investissements moins rentables, donc moins de croissance économique. Il faut croire à la transformation progressive du marché chinois. Il faut lui laisser aussi un peu de temps. C’est vrai que, dans les indices sur les pays émergents, c’est important. C’est vrai que c’était un moteur de croissance de par sa demande ces dernières années sur les matières premières et sur tout un tas de biens et services, il faut juste laisser du temps à la Chine, mais la partie asiatique, on va dire, du monde émergent est quand même celle qui est le mieux orientée puisque très importatrice de matières premières, pétrole inclus, et ce sont des gouvernements qui ont, depuis 98, émis une grande partie de leur dette en devises locales c’est-à-dire que, si vous vous souvenez, la crise asiatique de 98, un petit peu de spéculation, on va dire, sur les devises asiatiques et les gouvernements avaient assez peu apprécié ce jeu-là. Donc, depuis, ils ont changé leur fusil d’épaule. Ils font quelques émissions en dollars, mais principalement des émissions en devises locales et c’est pour cela qu’ils vont beaucoup moins souffrir que des pays d’Amérique latine ou que la Russie ou que l’Afrique du Sud qui, eux, sont très, très dépendants de la relation entre leurs devises et le dollar.

Web TV www.labourseetlavie.com : Toujours en Asie, est-ce qu’il y a une autre vision du Japon ? On avait vu ces mesures, ces Abenomics, avoir de l’impact effectivement sur l’économie japonaise, est-ce qu’aujourd’hui le marché japonais est plus favorable ou pas ?

Cyrille Collet, directeur de la gestion Actions chez CPR Asset Management : Le marché japonais a déjà fait un très beau parcours depuis fin 2012 quand même, donc ça c’est déjà bien. Économiquement, les résultats des Abenomics ne sont pas évidents. Il y a beaucoup, beaucoup de détracteurs. Je pense que la chose la plus importante à avoir en tête, c’est qu’avec les élections de décembre dernier, M. Abe a gagné quatre ans, et on le sait, en politique comme en économie, comme sur les marchés financiers, avoir du temps c’est un vrai luxe, et là ils ont quatre ans pour avancer leurs réformes, pour essayer de relancer la croissance. Après, la baisse du pétrole, c’est une manne extraordinaire parce que, vous savez que depuis pour Fukushima, plus de 30 % de l’électricité qui était produite par les centrales nucléaires avait été remplacée par des achats de pétrole, donc ça, pour la balance commerciale, ce n’était pas très bon. Donc effectivement, un yen qui se déprécie depuis deux ans et demi, un pétrole au plus bas, donc cela va être une vraie bouffée d’oxygène pour le gouvernement et pour l’économie japonaise. Mais le vrai sujet pour le gouvernement japonais, c’est effectivement la consommation locale, et la consommation était un tout petit peu repartie en début d’année 2014, malheureusement il y a eu la hausse de TVA, le deuxième semestre a été vraiment moins bon. Il faut voir aussi que les salaires en valeur nominale augmentent, mais en valeur réelle baissent depuis pas mal d’années au Japon. Donc le vrai sujet, c’est la relance de la consommation interne. Toyota, toutes les entreprises exportatrices japonaises se portent super bien et je dirais que c’est un peu l’inverse de ce qui se passe aux États-Unis. Ce sont les entreprises japonaises les plus locales qui souffrent, mais voilà, ils ont gagné du temps. Il faut les laisser faire leurs réformes. Le marché japonais a fortement rebondi depuis fin 2012, il devrait obtenir encore une bonne performance cette année. Dans nos options 2015, on pense que l’Europe et le Japon devraient dominer les marchés Actions, alors après aux ajustements de devises près. Attention, on dit que le marché européen fait 10 % depuis le début de l’année, mais pour un investisseur étranger, il a fait beaucoup moins parce que, en gros, il a fait entre 2 et 2,5 %. Donc il faut avoir cela en tête c’est-à-dire que l’investissement dans une zone, il est beaucoup corrélé aussi à l’appréciation de la devise de la zone. Il y a des ETFs qui se vendent beaucoup aujourd’hui, même si ce n’est pas ma tasse de thé, ce sont des ETFs en actions européennes qui sont couverts contre l’euro. Donc voilà, il faut toujours avoir en tête que il y a la progression de la bourse locale, ajustée de la devise

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Cyrille Collet d’avoir fait le point avec nous.

Cyrille Collet, directeur de la gestion Actions chez CPR Asset Management : Merci.