Jean-Philippe Lahana Président JPL Finances : "Les économies développées sont dans un cycle récessif".
Bourse : Stratégie d'investissement et perspectives

16 septembre 2015 15 h 55 min
+ de videos
235
Views

Jean-Philippe Lahana Président JPL Finances partait en vacances en vendant tous ses actifs, en « raison du prix des différents actifs ».

Comment voit-il aujourd’hui les marchés financiers ?

La croissance économique est insuffisante, la vraie question  selon lui ce sont des phénomènes structurels fondamentaux.

Vieillissement de la population, poids de la dette, chômage, il n’y a plus de moteur de croissance dans les pays développés, me dit Jean-Philippe Lahana Président JPL Finances.

« Pas de transmission du monétaire à l’économique » remarque-t-il.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Jean-Philippe Lahana, bonjour.

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Bonjour, Didier.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes donc président de JPL Finances. On va parler de marchés avec vous, de perspectives sur ces marchés. Vous avez vécu comme nous ce qui s’est passé, bien sûr, cet été avec de la volatilité, des peurs inconsidérées ou pas. On a l’impression que le marché avait besoin de souffler, comme on dit. Mais est-ce qu’il y a de véritables raisons à s’inquiéter de ce qui se passe en Chine plutôt que d’autres sujets ?

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Écoutez, je crois qu’il faut s’inquiéter de tout, à condition bien sûr que les inquiétudes soient légitimes. Mais bon, je vous ai envoyé, comme j’ai envoyé à tous les clients de ma société de conseil, une lettre à la fin du mois de mai, dans laquelle je disais clairement que je partais en vacances et que je vendais la totalité des actifs que j’avais pu initier à l’achat, que ce soit des actifs dans les domaines des marchés d’actions, des marchés d’obligations, des marchés de commodities et autres, et que j’estimais à ce moment-là que le prix des différents actifs était trop élevé, compte tenu des incertitudes et que, d’autre part, on vivait dans une conjoncture dangereuse.

Web TV www.labourseetlavie.com : On n’entend pas souvent sur le prix des actifs le fait que c’est trop élevé. On l’entend parfois pour les marchés américains, mais globalement, on trouve souvent une justification.

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Mais on trouve toujours des justifications. Le problème c’est qu’on trouve ces justifications a posteriori ou a priori. Et quand les évènements interviennent, après on dit : « Oui, mais effectivement, c’était trop cher ou autres ». Le problème d’un actif ou de la définition du potentiel d’un actif, c’est de savoir, lorsqu’on l’acquiert, s’il a devant lui un potentiel important de réévaluation de valorisation. Moi, j’estimais, j’ai eu la chance de gérer toutes les classes d’actifs, c’est-à-dire que j’ai géré les obligations, j’ai géré les actions, j’ai géré les commodities, j’ai géré même du AI. Enfin, j’ai géré toutes les cases d’actifs. Et à mon sens, quand j’ai fait l’analyse, mais j’avais déjà attiré l’attention de mes clients à la fin mars, j’estimais que les prix étaient trop élevés. C’est-à-dire que quand on arrive à des taux de rendement sur les marchés obligataires qui sont voisins de zéro, quand on arrive à des price earning sur les marchés d’actions qui sont voisins de 20, quand on arrive sur les commodities à des prix qui ne prennent pas en compte l’effet récessif qu’on était en train d’apercevoir, je veux dire, ça veut dire qu’en tout cas, il n’y a pas de grand potentiel de réévaluation sur ces actifs. Alors, comme je l’écrivais et je dis « Là où la perte est sûre, il n’y a rien à gagner » ou « Là où il n’y a rien à gagner, la perte est sûre ». Donc, c’est un peu comme ça que je raisonne. Moi, j’essaie de raisonner en termes de potentiel et d’intérêt que peut représenter une case d’actif.

Web TV www.labourseetlavie.com : On aura beaucoup parlé après ça, si vous prenez l’agenda du mois de mai, on aura parlé de la Grèce énormément. Finalement, ça n’aura pas été le sujet grec qui aura déclenché quoi que ce soit, c’était plutôt la Chine en tout cas dans la…

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Oui, je pense que c’est un peu le même sujet. La Grèce et la Chine, bizarrement, c’est la même chose. C’est-à-dire que le vrai problème que nous vivons aujourd’hui dans le monde, c’est que les économies développées sont dans un cycle qui est récessif. Et donc, il y a une croissance qui est insuffisante pour l’ensemble du monde. Alors, cette croissance, elle est insuffisante pour les Grecs pour satisfaire les contraintes de dette, de remboursement et de développement de leur activité. Elle est insuffisante pour les Chinois qui ont besoin d’exporter leur production vers les pays développés. Donc en fait, le vrai problème ou la vraie question qu’il faut se poser, c’est que les pays développés sont dans un processus récessionniste qui tient à des phénomènes structurels fondamentaux. Alors, je vais les énumérer simplement. Il y a, bien évidemment, le vieillissement de la population. Ça, c’est l’élément numéro un. Il y a le sous-emploi des capacités de production, le taux de chômage. Ça, c’est le numéro deux. Il y a le poids de la dette, c’est-à-dire qu’on a accumulé des dettes considérables pour pouvoir permettre à la machine de fonctionner à un moment où elle se grippait, dans les années 2008. Et donc aujourd’hui, il n’y a plus de moteur de croissance dans les pays développés.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc, on ne retrouve pas ce ressort, alors que les banques centrales n’ont pas arrêté de faire des…

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Ce sont deux choses différentes. Si vous voulez, les banques centrales, elles agissent sur le monétaire, moi je raisonne sur l’économique. L’important c’est la transmission du monétaire à l’économique. Il n’y a pas de transmission du monétaire à l’économique. Et l’autre problème qui est posé aujourd’hui, c’est qu’il y a quelques années, on pensait à tous ces phénomènes, je veux dire que ce soit les phénomènes malthusiens ou autres de vieillissement de la population, de poids de la dette et on se disait : « Mais ce n’est pas grave, on aura les pays émergents avec leurs milliards d’individus qui vont représenter une source de développement futur ». Ce n’est pas vrai. Le développement des pays émergents tient à la puissance ou au taux de croissance des économies développées.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc, il y a plus de liaison finalement. On est dans un monde interconnecté.

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : On est interconnectés avec simplement une chose. C’est que les pays développés sont des pays riches qui ont les moyens de consommer, mais il faut qu’ils aient des besoins. Et les pays émergents sont les pays pauvres qui fournissent de la production aux pays riches, mais pour qu’elles leur fournissent quelque chose et qu’elles aient quelque chose d’avant, il faut que les pays riches soient demandeurs. Le problème, c’est que les pays riches aujourd’hui sont moins demandeurs parce qu’ils ont un potentiel de croissance qui s’étiole. Donc, le meilleur exemple, c’est le Japon, qui est une population vieillissante, qui tourne avec une croissance de l’économie qui tourne autour de zéro, avec des déficits budgétaires qui représentent 200 – 220 % – 250 % du PNB. Et en fait donc, le problème de la Grèce, le problème de la Chine, c’est le même problème. C’est-à-dire que si on était en période de croissance économique forte, il n’y aurait pas eu de problème grec. Si on était en croissance économique forte, il n’y aurait pas eu de problème chinois.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a eu l’illusion de penser qu’en fait, la transformation notamment de la Chine vers… on parle toujours des classes moyennes, on parle de ce potentiel. Finalement, ça allait se mettre en place rapidement. Ce n’est pas le cas ça. Ça prend du temps.

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Mais non. Pour que ça se mette en place, il faut que les classes moyennes aient les moyens de consommer. Or, les Chinois, si on élimine les quelques centaines de millions qui tournent dans la partie développée, Shanghai, Shenzhen et autres, les autres centaines de millions qui sont beaucoup plus importants, qui sont dans l’autre partie extrême du pays, elles n’ont pas les moyens de consommer. Donc, elles ne consommeront pas, sauf si le pays devait s’enrichir et connaître une phase d’accroissement de richesse. Donc, on est vraiment dans une situation de risque de panne de croissance. Et ça, c’est très grave, c’est-à-dire qu’on est en train de toucher du doigt ce problème et on n’a pas de remède. Il n’y a pas de solution.

Web TV www.labourseetlavie.com : On parlait des banques centrales, elles ont fait ce qu’elles pouvaient faire.

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Ce n’est pas la solution. Vous avez un fantastique accroissement de la masse monétaire dans tous les pays. Ce n’est pas pour ça que vous avez une transmission à l’économie et un accroissement de l’activité. On a espéré à un moment donné que ça serait une courroie de transmission vers plus d’inflation, que la vitesse de circulation de la monnaie s’accélèrerait, il n’en est absolument rien.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, en même temps, vous dites ça, mais on s’oriente quand même vers une hausse de taux aux États-Unis qui…

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Je pense très franchement que là, on se gargarise ou on s’inquiète d’un phénomène qui n’existe pas. Je veux dire, la hausse des taux, si elle intervient, c’est 25 centimes et elle s’arrêtera là. Et je ne suis même pas sûr qu’elle ait lieu. Je veux dire 25 centimes de hausse de taux quand on est à zéro et qu’on passe à 0,25, ce n’est pas ça qui va changer la face du monde.

Web TV www.labourseetlavie.com : Mais en même temps, on voit que les investisseurs, on sent qu’ils ont peur. Plus on se rapproche de l’échéance et plus ils ont peur.

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Mais ils ont peur parce qu’on est dans une situation où la croissance est très fragile. Ce qui fait qu’il faut raisonner comme tout économiste devrait raisonner, c’est-à-dire à la marge. La croissance est très fragile. Il suffit qu’on crée un tout petit problème pour que cette fragilité soit mise en évidence. Donc en fait, c’est ça la question. C’est que la croissance est fragile.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, vous étiez parti en vacances avec ce mot là. Vos clients se sont peut-être inquiétés. Ils vous voient revenir.

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Je suis parti trois mois quand même.

Web TV www.labourseetlavie.com : Félicitations ! Qu’est-ce qu’on fait là, en cette rentrée alors ?

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Moi, je pense qu’aujourd’hui, il ne faut pas… Si vous voulez, il y a deux phénomènes qui s’opposent : un environnement macroéconomique qui reste négatif et qui va être négatif tout le temps et un environnement monétaire qui est favorable, voire positif, voire ultra-positif et qui va le rester. C’est-à-dire que les banques centrales sont à la manœuvre. Pour vous donner l’idée quand même, le 24 août, le jour où la bourse américaine a perdu 1 000 points, la réserve fédérale a acheté pour près de 19 milliards de dollars d’actions. Ce qui veut donc dire que les banquiers centraux sont là. Donc, l’argent est gratuit. C’est comme si on avait donné à des enfants des billets ou si à des joueurs de casino dans les machines à sous, on avait donné des jetons gratuits. Donc l’argent est gratuit et il faut l’investir dans les marchés. Donc, il y a de temps en temps des inquiétudes. C’est le plus fondamental sur l’activité. Et à côté de ça, l’argent vaut zéro et on dispose tous plus ou moins d’un peu d’argent ou voire de pas mal d’argent. Par exemple, c’est le cas des banquiers ou c’est le cas de certains investisseurs institutionnels. Il faut bien qu’ils fassent quelque chose avec cet argent. Donc, ils achètent les marchés et donc, on est pris entre les deux et on connaît des cycles de reprise boursière sans reprise de l’activité. Et on se rend compte que la reprise boursière a été en fait sans fondement puisqu’il n’y a pas de reprise de l’activité. À ce moment-là, on s’inquiète sur la croissance et on rebaisse. Et on fait des espèces de yoyo comme ça.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc on va jouer sur cette…

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Quand on regarde à la loupe, on est dans cette situation depuis deux ans pratiquement. Mais moi, je pense à deux choses : un, que la croissance ne reviendra pas. En tout cas, elle sera insuffisante pour satisfaire les contraintes que l’on a de vieillissement de population, de niveau de la dette et autres. Et à côté de ça, qu’on nous déversera beaucoup d’argent si nécessaire. C’est pour ça qu’il y a un actif qui est, à mon avis, pas cher que je regarde, mais sur lequel j’investis, je pense que la contrepartie normalement de la masse monétaire, c’est les biens de production. Il n’y a pas de production, un excédent de masse monétaire qui est inutilisé et ça va créer, un jour, un problème sur la valeur des monnaies. D’ailleurs chaque fois qu’il y a un problème sur une monnaie, comme il y en a eu sur le Yuan, il a dévalué et on se demande s’il va dévaluer fortement ou pas. C’est pour ça que j’avoue que le seul actif qui m’intéresse, c’est l’or. D’abord, je pense qu’il est assez bas et alors, je trouve surtout que quand on regarde les actifs corrélés à l’or comme les mines d’or par exemple, on a eu 80 ou 90 % de baisse sur les plus hauts. Ça me paraît quand même assez surréaliste d’autant que la production aujourd’hui annuelle doit être capitalisée un peu moins d’un an de chiffres d’affaires. Ce n’est quand même pas beaucoup.

Web TV www.labourseetlavie.com : Ça et un peu de cash si dans les…

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Et du cash. Il faut choisir des monnaies. Je pense qu’il faut, à un moment ou un autre, choisir des monnaies. Moi, je m’intéressais un petit peu au Sterling, je pense que c’est une monnaie qui est attractive. Sinon l’euro, à mon avis, ne présente pas un très grand danger contre le dollar, parce que les Américains sont gênés par la force de leur monnaie quand elle intervient. Donc, quand elle monte trop, ils feront tout pour la faire baisser.

Web TV www.labourseetlavie.com : Voilà. Une rentrée active, en tout cas, on le voit. Merci, Jean-Philippe Lahana, d’avoir été avec nous.

Jean-Philippe Lahana – Président JPL Finances : Je vous en prie Didier, avec plaisir.