Julien-Pierre Nouen Economiste et Stratégiste Lazard Frères Gestion : "Très confiant sur les actions des sociétés de la zone euro".
Bourse : Stratégie et perspectives 2016

29 mars 2016 8 h 00 min
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Bourse : Evolution de l’allocation d’actifs et économie

La politique monétaire de la FED, celle de la BCE, des cycles différents, la croissance chinoise en questions, les devises, les pays émergents confrontés à la baisse des cours du pétrole…, les investisseurs ont de quoi être circonspects. Faut-il pour autant être en dehors de ces marchés ?

Mon invité pour en parler est Julien-Pierre Nouen Economiste et Stratégiste Lazard Frères Gestion.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Julien-Pierre Nouen, bonjour.

Julien-Pierre Nouen – Économiste Stratégiste Lazard Frères Gestion : Bonjour.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes économiste stratégiste chez Lazard Frères Gestion. On va parler avec vous de marchés et de perspectives. Alors, avec une actualité riche pour les banques centrales notamment bien sûr. Commençons peut-être par la dernière, la Réserve Fédérale Américaine. On l’a senti effectivement en train un petit peu de revoir son scénario initial. Alors, c’est vrai que si on avait regardé les marchés, il y avait déjà un petit peu cette idée. Est-ce que de votre point de vue effectivement, elle s’adapte à la conjoncture ? Quel est un peu le regard que vous portez sur sa stratégie ?

Julien-Pierre Nouen – Économiste Stratégiste Lazard Frères Gestion : Cette stratégie nous laisse en réalité assez perplexes. Parce qu’en décembre, nous avions une Réserve Fédérale qui prévoyait quatre hausses des taux, qui nous disait qu’elle allait regarder l’emploi et les chiffres d’inflation. Les chiffres d’emploi restent toujours très forts, les chiffres d’inflation sont en train d’accélérer et là, la banque centrale américaine nous dit qu’au lieu de quatre hausses qu’elle anticipait, ça sera plutôt deux. Donc, on a un peu d’interrogations à ce niveau-là. On pense que ça s’explique évidemment par ce qui s’est passé sur les marchés en début d’année, avec beaucoup de volatilité. D’un autre côté, on a aussi un discours de Janet Yellen qui nous dit que les prévisions actuelles peuvent évoluer dans un sens comme dans l’autre, en fonction des évolutions économiques et donc pour nous, un rythme de trois hausses de taux n’est pas exclu encore.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc, elle peut peut-être reprendre la main, comme disent les investisseurs, pour se garder l’opportunité de faire ce qu’elle devra faire à un moment donné dans l’année.

Julien-Pierre Nouen – Économiste Stratégiste Lazard Frères Gestion : Tout à fait. On pense que… voilà. Un mot qui revenait souvent dans son discours et dans sa conférence de presse, c’était l’incertitude. Et lorsqu’on lui demandait de définir un petit peu l’équilibre des risques, sur beaucoup d’aspects, que ce soit sur la croissance ou sur l’inflation, elle nous disait que les risques étaient aussi bien à la hausse qu’à la baisse. Donc, je pense que la banque centrale garde un discours très « dovish » pour éviter tout emballement sur les marchés, mais qu’elle garde toutes les options ouvertes.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, du côté de la Banque Centrale Européenne, on pourrait dire que là, c’est de nouvelles mesures qui ont été annoncées. Est-ce que le discours est plus clair côté Banque Centrale Européenne . 

Julien-Pierre Nouen – Économiste Stratégiste Lazard Frères Gestion : Oui, parce que la situation économique est plus claire. Aux États-Unis, on a un taux de chômage qui est proche de ses niveaux les plus bas, donc plutôt un signe très positif sur l’activité économique, une inflation qui est encore basse, mais qui commence à accélérer. Dans la Zone euro, on a un taux de chômage qui est plus élevé, donc beaucoup plus de marges de manœuvre pour la banque centrale pour soutenir l’activité. Et effectivement, on a eu un ensemble de mesures plutôt cohérentes qui ont surpris favorablement les marchés qui ne s’attendaient pas à autant de choses. Nous, notre sentiment est que parmi les trois mesures principales, donc baisse des taux, augmentation des achats de titres et de nouvelles opérations de refinancement ciblé, c’est sans doute le dernier élément qui sera le plus important pour la reprise économique dans la Zone euro.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a eu effectivement des réactions bien sûr sur les marchés. Ce qu’on voit aussi globalement sur les marchés, c’est bien sûr ce qui se passe au niveau des taux, c’est-à-dire qu’on a de plus en plus effectivement de taux négatifs dans le monde, que ce soit effectivement en Europe, que ce soit aux États-Unis, que ce soit sur certains nombres d’échéances. Comment on analyse ce qui se passe là ? Parce que ça, ça fait peur à un certain nombre d’investisseurs, en se disant, on ne sait pas où on va.

Julien-Pierre Nouen – Économiste Stratégiste Lazard Frères Gestion : C’est sûr que pour un investisseur, acheter une obligation avec un taux négatif, c’est l’assurance de perdre de l’argent si on la porte à maturité. Maintenant, on a des évolutions dans les équilibres d’offre et demande sur ces marchés qui font qu’on a beaucoup de demandes, que ce soit du côté avec les achats des banques centrales ou alors les investisseurs qui sont contraints, pour des raisons réglementaires, de détenir des actifs, les actifs les moins risqués possible et qui donc sont contraints d’acheter ces obligations. C’est sûr que si on se positionne sur un horizon de quelques années, il est probable que les taux vont remonter et donc ces niveaux extrêmement bas pour les investisseurs représentent un risque de perte en capital.

Web TV www.labourseetlavie.com : Il y a eu aussi, du côté toujours de ces marchés, bien sûr ce qui s’est passé sur le pétrole. Il y en a même qui disaient qu’on voyait une corrélation entre la baisse du pétrole, la baisse des marchés et une remontée du pétrole, remontée des marchés. Comment vous avez vu ce phénomène-là ?

Julien-Pierre Nouen – Économiste Stratégiste Lazard Frères Gestion : Alors, cette corrélation entre le pétrole et les actions est assez surprenante. Lorsqu’on regarde historiquement, on est sur un phénomène qui est assez récent, qui date de quelques années. D’un point de vue économique, une baisse du prix du pétrole est une bonne chose pour l’économie mondiale, parce que ça redonne du pouvoir d’achat aux consommateurs. Et ce qui est peut-être différent dans le cycle actuel, c’est que les coupes d’investissement ont été beaucoup plus rapides et donc ça a un peu occulté l’impact positif de la baisse du prix du pétrole sur la croissance, mais on pense que cet impact positif reste là et devrait continuer de jouer sur 2016.

Web TV www.labourseetlavie.com : On sent qu’il y a un peu moins de visibilité et donc plus d’incertitude pour les investisseurs. Il y a quelques mois, on ne parlait que des marchés actions européens par exemple, comme type d’investissement. Comment évolue votre allocation d’actifs dans ce nouveau contexte ?

Julien-Pierre Nouen – Économiste Stratégiste Lazard Frères Gestion : Alors, nous restons très confiants sur les actions des sociétés de la Zone euro parce qu’on a une reprise économique qui gagne en vigueur, qui devrait également bénéficier des annonces de la Banque Centrale Européenne. On est un peu plus prudent sur les actions américaines parce qu’on voit justement un début d’accélération des salaires qui devrait pénaliser les marges des entreprises américaines. Sur le marché actions japonais, on pense que l’histoire d’amélioration structurelle de la rentabilité des entreprises japonaises reste valable. La question qu’on peut se poser aujourd’hui, c’est celle des actions des pays émergents. En termes de valorisation, on est sur des niveaux extrêmement bas. On a eu un news flow très négatif, des flux relativement négatifs, on peut se demander : est-ce qu’on est sur un point d’entrée ou pas ? Si vous me posez la question avec un horizon de 4-5 ans, je vous dirai très certainement oui, mais on ne peut pas exclure encore des phases de volatilité durant l’année.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors bien sûr, ce qui a aussi inquiété les investisseurs, ça a été ce qui s’est passé en Chine. Est-ce qu’aujourd’hui, ça peut revenir, c’est-à-dire typiquement, si on a un peu moins de croissance chinoise ? C’est ce qui inquiète fondamentalement les investisseurs ?

Julien-Pierre Nouen – Économiste Stratégiste Lazard Frères Gestion : Alors, il était inéluctable d’avoir un peu moins de croissance chinoise parce que la Chine est en train de changer de modèle de croissance et donc les chiffres de 10 % qu’on a pu connaître par le passé sont à oublier. La question en fait pour le gouvernement chinois est d’accompagner ce mouvement de ralentissement qui ne s’emballe pas et débouche sur ce qu’on appelle un hard landing, donc une récession, mais qu’il se fasse de manière très progressive. Et selon nous, le gouvernement, les autorités chinoises ont encore les outils pour accompagner ce ralentissement, que ce soit au niveau de la politique monétaire ou au niveau de la politique budgétaire. Ils sont, selon moi, assez conscients des risques et des déséquilibres qu’on peut observer au sein de l’économie chinoise et disposés à les traiter.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Julien-Pierre Nouen.