Jean-Jacques Friedman Directeur des Investissements Vega IM : "Pas simplement se laisser porter, mais être dans le choix de valeurs".
Bourse : Evolution de la stratégie d'investissement
#Bourse, Avis d’Experts.
Les investisseurs semblent avoir repris confiance dans les marchés actions. L’environnement économique s’est amélioré modestement mais il semble que les craintes sur le ralentissement global de l’économie aient diminué. Cela est-il suffisant pour modifier la stratégie d’investissement ?
Que faut-il penser des politiques monétaires des banques centrales, de la faiblesse des cours du pétrole ?
Mon invité pour parler de ces sujets est Jean-Jacques Friedman Directeur des Investissements Vega IM.
Web TV www.labourseetlavie.com : Jean-Jacques Friedman, bonjour.
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Bonjour Didier.
Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes le directeur des investissements de VEGA Investment Manager. On va parler avec vous de stratégies et de perspectives sur les marchés financiers. On a senti peut-être une meilleure forme des marchés actions. Est-ce que véritablement la confiance est revenue ou on n’est plus sur des questions techniques ?
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Je pense qu’on est plus sur des questions techniques. On est plus sur le fait qu’on contredit un peu le mouvement de début d’année qui était quand même étonnant. Alors, c’est facile de le dire après, mais tout le monde l’a un peu ressenti quand même. Je pense qu’on baissait pour des raisons qui pouvaient être à un moment contestées. Sur la Chine, nous, on avait le sentiment que le plus dur avait été fait l’année dernière. Et donc la prise en compte de la croissance officielle, c’est plutôt pas les 7 %, mais en réalité, c’est 3-4. Le marché s’en est rendu compte. Mais par contre, le point bas avait été atteint l’année dernière et là, on est au contraire, par rapport aux politiques budgétaires et monétaires plutôt à un peu plus de croissance. Et puis sur le pétrole, il y avait aussi le sentiment que ça aurait pu déjà se retourner, même en début d’année, mais à un moment donné, le rééquilibrage entre l’offre et la demande se faisait. Donc, ces deux éléments-là, on revient un peu à la case départ. C’est un peu le sentiment qu’on a. Par contre, ça manque de construction encore, oui.
Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, il faut dire que sur le plan économique, on a encore pas mal d’interrogations. Est-ce que ce n’est pas ça qui freine un peu les investisseurs finalement ? On a un peu ce manque de visibilité entre ce qui se passe aux États-Unis, l’Europe, la Chine.
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Ce qui se passe aux États-Unis, on a le sentiment que… alors, ce qui serait catastrophique, c’est si la croissance calait maintenant aux États-Unis parce qu’il n’y a plus de munitions monétaires. Donc, le problème, ce serait celui-là. Nous, on a vraiment le sentiment que ce n’est pas encore pour cette année. On le voit bien avec les créations d’emploi, on voit bien qu’il y a encore un taux de participation qui est encore assez faible, donc il peut y avoir des créations d’emploi. Finalement, ce qu’il y a, c’est que je ne trouve pas qu’il y a tellement d’incertitude là-dessus. C’est-à-dire qu’il y a quelque chose de moyen. C’est-à-dire qu’en Europe, on aura 1,5 % de croissance qui engendre peut-être 5-6 de résultat. Par contre, ça, c’est le scénario, je dirais, moyen. On va peut-être finir finalement sur ces niveaux-là, mais en face, il y a beaucoup de risques, beaucoup d’incertitudes, beaucoup de problèmes. Donc, c’est ça un peu la symétrie. On se dit d’un point de vue économique, si on regarde ça, ça paraît tenir et c’est un scénario moyen plus. Par contre, il peut y avoir des phases à un moment donné de risk off qui se remanifestent très violemment.
Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, alors on va eu aussi à un moment donné, ce marché pétrolier qui finalement dictait les marchés actions.
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Oui.
Web TV www.labourseetlavie.com : Ce qui était quand même assez inquiétant. En tout cas, on pouvait se poser des questions en tant qu’investisseurs. Ça, c’est des moments de stress ? C’est lié à quoi ?
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Je pense qu’à un moment donné, on va se redéconnecter. C’est-à-dire que le marché, pendant plusieurs semaines, il s’est connecté à cela, mais en fait, il n’a pas besoin de se connecter TIC par TIC. Parce que, soit on est dans un scénario où le pétrole retourne à 25 et là, non seulement, on voit tout ce que vit l’Arabie Saoudite, avec des vrais changements non seulement de gouvernance, mais de prospectives, l’introduction Aramco, une vraie diversification et donc là ça veut dire que, je ne parle pas de l’Arabie Saoudite, mais d’autres pays sont vraiment à risque géopolitique (l’Algérie, le Nigéria) et là il y a un vrai déséquilibre. Et là, l’avantage qu’il y avait sur la baisse du pétrole est totalement mis à mal et c’est grave. Soit, ils se recentrent sur une zone un peu de confort, comme on vit à l’heure actuelle, et là finalement, c’est plus l’avantage de la baisse initiale entre 120 et 40 qui prédomine. Nous, on n’est plus dans ce scénario-là. Tout à l’heure, on disait, soit il y avait un accord et ça a quand même été en échec à Doha et la réunion de juin, je pense qu’elle ne va pas changer grand-chose. Et donc soit, il y avait cet accord-là, mais on n’est pas là-dedans et je crois que mécaniquement, l’offre et la demande de pétrole vont se rejoindre à horizon 2017 – 2018. Avant, il y avait 2 millions de suroffres par rapport à la demande, mais la demande, elle croît mécaniquement avec l’accroissement du PIB et l’offre malgré tout, il y a quelques faillites au niveau États-Unis. Donc, je crois que ça se rejoint. Et donc c’est plus ce scénario-là. Et à moment donné, un peu comme on l’a fait avec la Chine, on était très corrélé TIC par TIC à la Chine. La semaine dernière, le marché chinois baissait fortement. Le marché européen a compris que la bourse domestique chinoise, c’était plus un casino que vraiment un indicateur de la réalité de la croissance chinoise. Donc, je pense qu’on va se redécorréler à ça dans quelque temps, me semble-t-il.
Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté des entreprises, on voit un certain nombre de résultats qui ont été publiés. On voit peut-être une baisse aussi du point de vue des analystes qui révisent à la baisse régulièrement les perspectives. Est-ce qu’il n’y a pas un sujet d’inquiétude là, en ce moment, en tout cas ?
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Je pense qu’ils l’ont déjà fait beaucoup. Parce qu’ils se sont tellement fait avoir les dernières années, avec finalement des prévisions qui étaient toujours à 12-15 et en fin d’année, c’était ajusté, que là l’ajustement est peut-être brutal et peut-être que la totalité de l’ajustement a déjà eu lieu. Donc là, de ce côté-là, il y a plutôt quelques bonnes surprises qui peuvent survenir, me semble-t-il, avec – alors, plus personne n’ose dire les mots – alignement de planètes. Mais d’un autre côté, on s’aperçoit que les charges d’intérêt bas, ça marche ; l’euro qui était plus faible, ça a aidé et puis la facture pétrolière qui était moins chère, ça a aidé aussi. Donc, ces éléments-là qu’on n’ose plus mettre en avant, ils concourent quand même à ce que… c’est les 5-6 de hausse des résultats dont je parlais tout à l’heure.
Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, parce que l’alignement de planètes, c’était quand on nous disait que le pétrole baissait, l’euro baissait, donc tout allait bien effectivement. La croissance revenait un petit peu.
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : En tout cas, ça avait quand même un effet sur la sensibilité, c’est-à-dire que le lien entre croissance et croissance des BPA, avec ça, devaient normalement se faire avec une élasticité assez forte. Alors, ça peut être remis en question, mais quand même, le fait que sur la croissance, on ne revient pas en arrière sur la croissance européenne, ces éléments-là aident à ce qu’on n’ait pas de nouvelles révisions baissières, me semble-t-il, sur le résultat des entreprises européennes.
Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, comme toujours sur les marchés, il y a des risques qui sont évalués plus ou moins bien. Il y en a qui sont peut-être sous-évalués. On pense au Brexit là dont on entend parler de plus en plus où certains écrivent que finalement, les marchés sous-estiment l’impact qu’aurait le Brexit. Est-ce que c’est quelque chose qu’on doit avoir en tête ça ?
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Oui, je crois qu’on doit l’avoir en tête, mais pas forcément par rapport à l’impact économique du Brexit qui, pour la Zone euro, est quand même relativement mesuré. C’est plus l’échec politique de la Zone euro. Le vrai impact économique serait pour la Grande-Bretagne. Je crois que ça plutôt sur la Zone euro, c’est un ensemble d’éléments qui concourent à ça. C’est ce qui se passe avec la Grèce, c’est l’accord avec la Turquie, c’est le risque qui pèse sur Mme Merkel de non-réélection l’année prochaine. Donc, c’est d’autres pays finalement à part le Brexit. Alors, on va inventer plein de noms avec « it » partout. Donc, c’est plus ces éléments-là. C’est une masse d’incertitude qui commence le 23 juin avec les élections en Grande-Bretagne et qui vont durer un an et demi jusqu’aux élections allemandes, avec un risque évidemment sur la réélection de Mme Merkel. Donc, c’est plus un imbroglio et justement il n’y a aucune nouvelle où on pourrait dire, ça y est, c’est fini. Je veux dire, c’est une espèce de masse informe d’informations qui vont continuer finalement à créer une opacité sur le marché européen.
Web TV www.labourseetlavie.com : En termes de valorisation quand on regarde les actions européennes, pour vous, elles se situent où ?
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Elles sont moyennes. Elles ne sont plus bon marché. C’est ça. C’est-à-dire que pendant longtemps, on pouvait être très optimiste et très confiant et on l’a vraiment été parce qu’il y avait à la fois une valorisation faible, une récession et on voyait plutôt de prémices de croissance. Aujourd’hui, la valorisation est à niveau. Il y a quand même un petit peu de croissance. Donc, le marché est susceptible de connaître des éléments de stress. C’est pour ça que dans ces phases-là de remontée, nous, on reprend quelques billes en se disant, il peut y avoir quelques éléments de stress, il n’y a quand même pas d’alternative au marché actions et malgré tout, il ne nous semble pas en risque, mais il faut se donner quelques billes pour intervenir lors de décrochage. C’est ce qu’on fait à l’heure actuelle.
Web TV www.labourseetlavie.com : Le mot de la fin. Justement, cette allocation, elle est tactique en ce moment plutôt que stratégique ?
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Oui. Je pense qu’elle est plus tactique que l’année dernière. Il y a plus de différenciation. Il y a quand même des entreprises en croissance, même s’ils sont chers et la croissance devient rare et tout le monde le comprend, qui bénéficient, je pense, de cet environnement. Oui, ce n’est pas simplement se laisser porter et c’est vraiment être dans le choix de valeurs de manière beaucoup plus active encore que les années précédentes.
Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Jean-Jacques Friedman.
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Merci Didier.
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