Laurent Geronimi Directeur Gestion Taux Swiss Life Banque Privée : "Les politiques monétaires arrivent à bout de souffle".
Bourse : l'après Brexit et les perspectives

29 juin 2016 20 h 35 min
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Bourse : Après le choc du #Brexit, la donne est-elle profondément modifiée sur les marchés financiers ?

Quelles conséquences pour la stratégie d’investissement, alors que les taux restent à des niveaux historiquement bas ? Les banques centrales ont-elles encore les clés des marchés ?

Mon invité pour parler de la situation et des perspectives pour cet été est Laurent Geronimi Directeur Gestion Taux Swiss Life Banque Privée.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Laurent Geronimi, bonjour.

Laurent Geronimi – Directeur Gestion Taux – Swiss Life Banque Privée : Bonjour, Didier.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes le directeur de la gestion de taux chez Swiss Life Banque Privée. On va parler avec vous bien sûr de ce post-Brexit pour les marchés financiers. Alors justement sur cette partie obligataire, qu’est-ce que vous avez remarquez de significatif sur ce qui s’est passé ? Puisqu’on a vu bien entendu la forte baisse d’indices boursiers sur les actions, mais sur la partie obligataire ?

Laurent Geronimi – Directeur Gestion Taux – Swiss Life Banque Privée : Donc, il y a en premier lieu un niveau historique pour le taux de rendement de l’emprunt à 10 ans allemand, qui a été proche de – 0,10 %. Il avait déjà flirté avec un niveau négatif, mais là ça a enfoncé le clou, donc ça continue actuellement. Il faut rappeler que le 30 ans suisse, quand il y a eu un premier sondage qui était favorable au Brexit, a atteint un niveau négatif, donc au niveau 30 ans en Suisse. Aujourd’hui, ce qu’on observe et ce qu’on observait vendredi, c’est qu’à l’ouverture, le spread des obligations risquées dites à haut rendement s’est tendu, avec un niveau supérieur à celui de la faillite de Lehman. Donc, il y a eu un effet, un choc comparable à celui de Lehman, voire supérieur, à cause de la problématique bancaire.

Web TV www.labourseetlavie.com : On entame une nouvelle semaine sur les marchés, cette nervosité peut-elle continuer ou est-ce que finalement elle va un petit peu s’essouffler parce qu’on n’a pas finalement beaucoup de visibilité sur ce qui va se passer ?

Laurent Geronimi – Directeur Gestion Taux – Swiss Life Banque Privée : Vous l’avez dit, c’est une incertitude, c’est un manque de visibilité. Le choc a été très fort vendredi, à l’ouverture, parce que toute la semaine, en fait, et sous l’effet des sondages qui étaient favorables au remain, on a eu l’effet inverse. Donc évidemment, il y a eu un choc, une violence, dans la baisse des bourses, qui s’est traduit aussi sur les spreads obligataires. Et puis, tout d’un coup, il y a un peu un effet Tchernobyl, on va dire. C’est-à-dire que Tchernobyl, on disait, on met un sarcophage, le réacteur s’est fissuré et puis le nuage reste au niveau des frontières. Puis, on se rend compte qu’il y a une onde de choc politique. Évidemment au Royaume-Uni, avec l’Écosse qui pourrait demander un deuxième référendum sur son indépendance, l’Irlande qui voudrait se réunifier. Et puis au niveau de la Zone euro, il n’y a pas actuellement une unité de parole vis-à-vis du traitement du Royaume-Uni. Donc, cette incertitude, on la retrouve. Les élections espagnoles étaient un premier test. Et donc finalement, le parti d’extrême Gauche Podemos a perdu des voix. Donc, on se rend compte que par rapport au discours des leaders politiques au Royaume-Uni, tout d’un coup, le peuple se méfie, se méfie des leaders politiques. Et tout ce qui est extrême, tout ce qui est changement, aujourd’hui, il faut le faire dans une atmosphère apaisée. Donc pour nous, on peut y aller. Sur des cours extrêmes, nous avons osé acheter un petit peu, vendredi au moment de la baisse. Actuellement, nous sommes très prudents. Nous avons toujours des positions de liquidités très importantes, mais il faut observer ce qui va se passer.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors justement, on peut dire que ces échéances politiques sont arrivées dans un contexte économique pas forcément très favorable. En tout cas sur la croissance économique mondiale, on a vu la Réserve fédérale américaine attendre justement cette date clé et puis visiblement reporter sa décision de remonter les taux. On est toujours dans ce contexte où on ne voit pas la hausse de taux américain arriver.

Laurent Geronimi – Directeur Gestion Taux – Swiss Life Banque Privée : Non et le marché d’ailleurs ne va plus du tout puisque le 10 ans américain est aux alentours de 1,50 alors que nous sommes en fin de cycle aux États-Unis, donc a priori il devrait être beaucoup plus important. Ce qu’on observe de toute manière au niveau mondial, c’est une stagnation du revenu réel. Et ça pose problème. Donc on voit bien que la politique de quantitative easing, et la FED était la première à l’initier, a porté ses fruits à un moment donné, qu’aujourd’hui on a du mal à en sortir, que la Banque Centrale Européenne, dans le contexte en plus du Brexit, est condamnée à injecter des liquidités. La banque d’Angleterre, je n’en parle même pas. Et la banque du Japon également puisque la Chine ne va pas si bien que ça puisqu’actuellement on n’a pas quand même une certitude que la Chine ait une croissance économique très favorable. Donc dans ce contexte-là effectivement, le Brexit rajoute une incertitude politique, puisque, je viens de le dire, les politiques monétaires arrivent à bout de souffle. Ce que les marchés attendent aujourd’hui, ce sont des gestes politiques forts, des gestes d’espoir, une nouvelle orientation politique qui va donner un sens à l’économie.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors pour les entreprises, il y a aussi des questions. On a vu déjà le secteur bancaire. On a vu en Italie 40 milliards d’aide pour les banques, en tout cas le besoin de soutenir un certain nombre de secteurs. On a vu ce qui se passe bien sûr au Royaume-Uni. Il y a des secteurs qui peuvent être plus touchés que d’autres dans ce contexte-là ?

Laurent Geronimi – Directeur Gestion Taux – Swiss Life Banque Privée : Oui. Donc, le secteur bancaire évidemment. Puisque Londres est une place financière très importante, le Brexit pose la question de la place financière de Londres, donc des banques anglaises qui sont d’ailleurs des banques systémiques. Donc, la question des banques anglaises est une question qu’on doit traiter au niveau mondial. Ça, c’est le premier point. Le deuxième point, on a quand même aujourd’hui une problématique de profitabilité des banques puisque la solvabilité fait qu’elles doivent consacrer beaucoup moins de fonds propres aux activités de marché à cause d’un coût du risque. Ça, c’est la règlementation. Mécaniquement, leur profitabilité baissant, le fait que l’économie stagne, elles ont moins de revenus liés à la partie injection de crédits, bien qu’il y ait eu des aides des banques centrales dans ce cadre-là. Donc, la problématique bancaire demeure très importante.

Web TV www.labourseetlavie.com : Pour l’investisseur, toujours la même question, on va dire, depuis des mois, voire même des années maintenant. C’est la question du rendement, d’aller chercher là où il doit aller trouver du rendement. On pourrait dire aussi qu’entre les actions et les obligations finalement le marché obligataire, on a pu gagner de l’argent sur les marchés obligataires.

Laurent Geronimi – Directeur Gestion Taux – Swiss Life Banque Privée : Là, sur les emprunts d’État, on ne peut plus gagner d’argent puisqu’en fait, ceux qui s’endettent sont rémunérés pour s’endetter. Donc les emprunts d’État, il faut le regarder de très loin. Après, au niveau des entreprises, également vous avez aujourd’hui des entreprises de premier plan, comme Air Liquide ou Pernod, qui sont venues s’endetter sur les marchés avec des taux de rendement actuariels compris entre 0 % et 1 %. Donc, on voit bien qu’également aujourd’hui, les entreprises lèvent sans difficulté, par rapport au taux de rendement négatif, des capitaux. Maintenant, elles ont une trésorerie pléthorique. Elles ont des bilans qui sont totalement restructurés. Il n’y a qu’une problématique, c’est qu’il n’y a pas de consommation, il n’y a pas d’investissements et il n’y a pas de confiance. Donc à un moment donné, est-ce qu’on n’aura pas une dépression déflationniste telle qu’effectivement, tant sur le marché des obligations que sur le marché des actions, on pourrait avoir un krach lié finalement à une crainte d’une japonisation de l’économie mondiale.

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que ça veut dire pour l’investisseur que, presque par obligation, il va aller sur les marchés actions ? Alors en profitant peut-être de certaines baisses, on ne peut pas toujours en profiter, mais pour aller trouver ce rendement ?

Laurent Geronimi – Directeur Gestion Taux – Swiss Life Banque Privée : Oui, parce que finalement ce sont les banquiers centraux qui l’orientent dans ce cadre-là. Vous voyez la Banque Centrale Européenne, le fait que le gisement des emprunts d’État devient de plus en plus problématique en termes de supports, en tout cas en fournitures de supports à acheter, s’est réorienté depuis le 8 juin dernier sur des emprunts d’obligation d’entreprises d’excellente qualité. Et juste à titre indicatif, le Wall Street Journal a publié une idée du revenu de la volatilité. En 1995, vous pouviez avoir 7,5 % annuels avec une volatilité de 5 %. En 2015, donc on est aujourd’hui 20 ans plus tard, vous avez ce même rendement de 7,5 % avec une diversification extrême. Donc vous avez du private equity, vous avez un peu d’actions, vous avez un peu d’immobilier, vous avez des obligations rendement, vous avez des produits structurés, etc., vous avez ces 7,5 %, mais avec 17 % de volatilité. Donc, c’est quoi le message quand vous avez des taux négatifs ? C’est que si vous voulez de la rentabilité, il faut accepter de prendre du risque.

Web TV www.labourseetlavie.com : Eh bien, ça sera le mot de la fin. Merci Laurent Geronimi.

Laurent Geronimi – Directeur Gestion Taux – Swiss Life Banque Privée : Merci.