Finance : interview de Raphaël Chemla Responsable Dettes d'Entreprises Edmond de Rothschild Asset Management.
Financement des entreprises : les marchés financiers ou les banques ?

3 avril 2013 10 h 12 min
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Financement des entreprises : les marchés financiers ou les banques ?

Dans un contexte de crise financière et économique qui dure, les entreprises PME ou pas, ont toutes dû s’adapter à leur nouvel environnement.  La recherche de financement a été bien entendu au coeur de leurs préoccupations. Mais si les entreprises américaines ont l’habitude de cherche des fonds en dehors des marchés financiers, en Europe, les banques sont en première ligne.

Quelle évolution peut-on attendre en Europe ? Quelles conséquences pour les investisseurs ? Notre invité pour parler financement des entreprises est Raphaël Chemla Responsable Dettes d’Entreprises Edmond de Rothschild Asset Management.

Web TV www.labourseetlavie.com : Raphaël Chemla, bonjour. Vous êtes directeur adjoint en charge de la gestion des dettes des  entreprises chez Edmond de Rothschild Asset Management. On va parler  avec vous d’une question qui intéresse à la fois les entreprises et puis ceux qui les financent sur est-ce que le marché finalement ne va pas, les marchés financiers ne vont  pas à un moment donné remplacer les banques, on en a parlé un petit  peu au  début de la crise,  de votre  point de vue on va en parler de plus en plus  de ce sujet-là, de ce financement des entreprises ?

Raphaël Chemla, Responsable Dettes d’Entreprises Edmond de Rothschild Asset Management : Alors là, vous parlez de la désintermédiation bancaire et vous avez raison d’en parler. C’est un sujet d’actualité. On en parle depuis un moment. On n’en est pas au même niveau qu’aux États-Unis puisque les entreprises aux États-Unis se financent beaucoup plus par le marché que par les banques. Du fait de la nouvelle réglementation, du besoin de capital pour les banques et des nouvelles règles de Bâle 3 en Europe, le mouvement est en train de s’amorcer, a commencé à s’amorcer déjà depuis un petit moment en Europe. Les entreprises sont amenées sur le marché à se refinancer par de la dette, par de la dette obligataire notamment.

Web TV www.labourseetlavie.com : On avait du côté des banques souvent la réflexion de dire les PME par exemple ou un certain nombre d’entreprises, dans ce contexte de crise, demandent moins de crédit, est-ce que c’est le cas ?

Raphaël Chemla, Responsable Dettes d’Entreprises Edmond de Rothschild Asset Management : Non, elles ne demandent pas moins de crédit, mais elles le demandent différemment. Donc elles le demandent par le biais de cette dette obligataire. Elles ont besoin de se refinancer, de diversifier leurs sources de financement, elles ne vont pas se couper de leurs banques, mais on va dire qu’elles ont besoin d’avoir plusieurs sources de financement et donc être amenées à venir sur le marché obligataire.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a vu un certain nombre d’opérations justement sur ces marchés, on s’est dit que les entreprises, en tout cas certaines d’entre elles, s’étaient bien servi des marchés pour se refinancer « à bon compte » c’est-à-dire de profiter des opportunités sur les taux.

Raphaël Chemla, Responsable Dettes d’Entreprises Edmond de Rothschild Asset Management : Alors, elles profitent des opportunités sur les taux puisque on a bien compris que les taux sont bas et risquent de le rester encore un moment. On a une croissance en Europe qui est très faible, atone, voire parfois en récession dans certains pays. Il est clair qu’avec ses niveaux de taux bas, vous avez des niveaux de spread de crédit qui sont, même s’ils sont encore élevés, sont bien évidemment beaucoup plus bas qu’il y a 10 ans, et donc elles profitent du fait d’avoir des taux bas pour pouvoir se refinancer, et je dirais même reculer le mur de refinancement qu’elles avaient devant elles, le mur de dettes qu’elles avaient devant elles, pour aller beaucoup plus loin et pour pouvoir traverser un cycle économique beaucoup plus facilement.

Web TV www.labourseetlavie.com : On l’a vu pour des grandes entreprises mais aussi des entreprises moyennes, ce qui était plutôt dans le cadre d’une nouveauté, ces PME qui arrivaient à se refinancer, on a vu des produits obligataires, est-ce qu’il y a des nouveaux produits qui sont proposés aux entreprises ?

Raphaël Chemla, Responsable Dettes d’Entreprises Edmond de Rothschild Asset Management : On voit, pas forcément uniquement sur les petites et moyennes entreprises, mais sur des entreprises de taille moyenne, du SBF 120, du SBF 250, arriver sur le marché de manière, enfin de façon plutôt privée, un peu en une sorte de pool pour investisseurs, on appelle cela nous les placements privés, mais c’est vrai que l’on a commencé à voir cela un peu l’année dernière, on recommence à le voir cette année, mais des entreprises, telles que Lactalis, Bonduelle ou encore Plastic omnium, sont venues sur le marché obligataire, ont fait appel au marché, ce sont des entreprises de taille importante qui ne sont pas notées et qui sont venues voir les investisseurs pour leur proposer une maturité de dette à 5 ans, à 6 ans, un coupon relativement important en fonction du business qu’elles présentaient, et on sait très bien que ce type de placements privés sont amenés chez les assureurs en général et sont mis dans les comptes des entreprises jusqu’à la maturité.

Web TV www.labourseetlavie.com : Si on regarde du côté des investisseurs, il y a eu un appétit justement, vous parliez des assureurs, il y a un appétit pour ce crédit des entreprises ?

Raphaël Chemla, Responsable Dettes d’Entreprises Edmond de Rothschild Asset Management : Il y a un appétit surtout pour le rendement. Aujourd’hui aller chercher du rendement sur de la dette d’État, cela devient un tout petit peu compliqué, on a des taux 2 ans qui sont redevenus négatifs sur les emprunts d’État allemands, on a une dette même française qui redevient très attrayante et donc très chère. Pour aller trouver du rendement et offrir du rendement à ces assurés, clairement il faut prendre un peu plus de risques et donc aller sur de la dette à haut rendement par exemple et aller sur ce type d’entreprises.

Web TV www.labourseetlavie.com : On pourrait dire qu’il y a eu un peu deux périodes c’est-à-dire que il y a eu effectivement une première période où cette dette, effectivement on avait des rendements proposés aux investisseurs qui étaient assez intéressants, et puis cela a changé compte tenu de ce qu’il se passait sur les taux, est-ce que cela reste encore intéressant ou est-ce que c’est vraiment au cas par cas selon les entreprises, selon ce qu’elles peuvent proposer ?

Raphaël Chemla, Responsable Dettes d’Entreprises Edmond de Rothschild Asset Management : Alors, je pense en globalité c’est intéressant, mais clairement ce marché est un marché qui est relativement risqué également, et donc il va falloir être très sélectif sur le choix des entreprises que vous prenez et à qui vous prêtez, clairement. Donc, vous avez des rendements qui sont intéressants, entre 4 et 10 %, le choix est difficile à faire, il faudra comme je l’ai dit être très sélectif, mais il y a des opportunités et il y a encore de la marge pour un rétrécissement des spread de crédit et donc de faire encore un peu de performance pour l’année 2013.

Web TV www.labourseetlavie.com : Justement, est-ce que vous vous attendez à nouveau à des émissions dans les prochains mois du côté des entreprises ? Est-ce qu’il y a un potentiel important de refinancement ?

Raphaël Chemla, Responsable Dettes d’Entreprises Edmond de Rothschild Asset Management : Sur le marché du haut rendement en 2012, nous avons vu plus de 50 milliards de nouvelles émissions venir sur le marché. On s’attend à peu près au même type de montants venir sur le marché obligataire à haut rendement en 2013. On a eu un mois de janvier très fort, le mois de février et le mois de mars ont également été relativement importants en termes d’émission même si en général ce sont des périodes de résultats annuels et que les gens se calment un peu sur les nouvelles émissions, au contraire on a encore vu beaucoup de nouvelles émissions primaires arriver sur le marché du haut rendement.

Web TV www.labourseetlavie.com : De votre point de vue, donc on parlait en introduction des États-Unis, de ce marché européen qui est donc très structurellement, historiquement différent, c’est donc un marché, ce marché de la dette des entreprises est en train vraiment de s’installer, de prendre son ampleur en France et en Europe ?

Raphaël Chemla, Responsable Dettes d’Entreprises Edmond de Rothschild Asset Management : Clairement, c’est un marché qui a du retard par rapport aux États-Unis. Aux États-Unis, le marché du haut rendement représente plus de 1200 milliards de dollars, en Europe c’est un peu plus de 300 milliards d’euros, donc nous avons du retard. Mais c’est clair que par rapport à il y a 10 ans, c’est un marché qui a plus que doublé, qui a triplé. Clairement, on avait un marché très concentré il y a 10 ans, aujourd’hui nous avons un marché très diversifié en termes d’émetteurs, de secteurs et en termes de géographie également. Donc on a un vrai potentiel. Ce que l’on peut dire par rapport aux États-Unis, c’est que eux ont recommencé à avoir de la croissance, on retrouve un cycle normal et j’ai l’impression que les États-Unis ont plus l’habitude de ce type de marchés, refaire un peu les mêmes bêtises qu’il y a 10 ans, ce que l’on appelle nous le releveraging, on a revu des entreprises qui faisaient des fusions-acquisitions, des LBO, notamment Liberty Global qui a acheté Virgin Media pour plus de 20 milliards de dollars, clairement on a l’impression qu’aux Etats-Unis le releveraging est de retour. Vu notre croissance atone en Europe, on a plutôt l’impression que on est encore en zone de deleveraging, donc de désendettement et de repousser le mur de dettes que l’on avait devant ces entreprises européennes, devant nous on a encore un peu de temps avant de refaire des bêtises en Europe.

Web TV www.labourseetlavie.com : Voilà, des cycles différents. Merci d’avoir fait le point avec nous, Raphaël Chemla, on rappelle que vous êtes donc responsable de la gestion des dettes des entreprises chez Edmond de Rothschild Asset Management.

Raphaël Chemla, Responsable Dettes d’Entreprises Edmond de Rothschild Asset Management : Merci. 

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