Julien-Pierre Nouen Directeur des Etudes économiques Lazard Frères Gestion : "Aller sur des classes obligataires plus risquées comme la dette subordonnée bancaire".
Bourse : l'après Brexit et l'économie mondiale

29 juin 2016 19 h 11 min
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Après le Brexit, l’économie mondiale déjà faible peut-elle être impactée ?

Quelles sont les zones les plus concernées, dans un environnement incertain.

Quid de l’allocation d’actifs dans un contexte de taux durablement bas et de volatilité sur les marchés actions ?

Mon invité est Julien-Pierre Nouen Directeur des Etudes économiques Lazard Frères Gestion.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Julien-Pierre Nouen, bonjour.

Julien-Pierre Nouen – Directeur études économiques – Lazard Frères Gestion : Bonjour.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes directeur études économiques chez Lazard Frères Gestion. On va parler avec vous bien sûr de Brexit, quelques jours après ce Brexit, donc cette décision des Anglais de sortir de l’Union Européenne. On a vu les premières conséquences sur les marchés financiers bien entendu. Aujourd’hui, on commence à y réfléchir d’un peu plus près. Quelle analyse déjà sur l’impact économique que ça peut avoir ? Est-ce qu’on commence à y voir un peu plus clair ?

Julien-Pierre Nouen – Directeur études économiques – Lazard Frères Gestion : Alors, il faut passer effectivement l’effet de sidération qu’on a vu jouer à plein sur la séance de vendredi, d’autant plus fortement que les marchés s’étaient un petit peu convaincus de la victoire du maintien. Ce qui s’ouvre devant nous, c’est une période finalement assez longue de négociation entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne pour savoir dans quelles modalités le pays va sortir de l’Union Européenne. L’incertitude est aussi même sur le cadre de ce que veulent véritablement les Britanniques. Et on a vu que parmi les partisans de la sortie, on a des visions très différentes entre une ligne « you keep » qui veut un certain isolationnisme et les conservateurs amenés par Boris Johnson qui veulent plutôt ouvrir très fortement l’économie britannique. Alors, quels impacts économiques cela va-t-il avoir ? Le premier, c’est une forte baisse de la devise britannique, car le Royaume-Uni a un déficit courant très important, c’est-à-dire un besoin de financement du reste du monde très important. Et ça, cela veut dire qu’il faut attirer ces capitaux et sans doute qu’un Royaume-Uni hors de l’UE sera moins attractif pour les capitaux.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc ça, on a vu l’effet déjà se produire sur la devise britannique. Si on se place de notre côté à nous, c’est-à-dire de la Zone euro, la nouvelle Zone euro, est-ce que d’ores et déjà il faut commencer à situer là où il va y avoir plus d’impacts ? Est-ce que c’est la France ? Quels sont les pays finalement qui vont souffrir ?

Julien-Pierre Nouen – Directeur études économiques – Lazard Frères Gestion : Les pays effectivement sont plus ou moins exposés au commerce avec le Royaume-Uni. Des pays comme les Pays-Bas par exemple, ils sont relativement exposés. Si on prend la Zone euro dans son ensemble, il faut bien faire la part des choses. C’est-à-dire qu’on va avoir un impact direct parce qu’on a une baisse de la devise britannique, on aura sans doute une croissance très faible au Royame-Uni qui va peser sur les importations britanniques en provenance de la Zone euro, mais elles ne représentent jamais que 3 % du PIB de la Zone euro. Et en contrepartie, on a pu constater que l’euro baisse également en même temps que la livre et que donc ça, c’est un facteur qui peut être compensé un petit peu au niveau du commerce extérieur pour l’ensemble de la Zone euro, l’important pour la Zone euro est de maintenir la confiance. Est-ce que – et certains se posent la question – nous sommes à l’orée d’une nouvelle crise de la Zone euro ? Nous ne le pensons pas parce que la BCE fait son œuvre en achetant massivement des titres. La Cour constitutionnelle allemande a validé le principe de l’OMT. Donc, si on a des dislocations entre pays, la BCE pourra ajuster ses achats. Et on a une dynamique conjoncturelle qui reste très domestique dans la Zone euro et donc relativement bien orientée.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, on a cet évènement politique dans un contexte économique pas forcément très favorable. On a vu la Réserve fédérale américaine justement sur sa politique monétaire mettre en stand-by quelque part avec ce Brexit qui arrive. On n’a pas une croissance mondiale quand même terrible, on peut dire.

Julien-Pierre Nouen – Directeur études économiques – Lazard Frères Gestion : Alors, la croissance mondiale effectivement est en dessous. Tout dépend du point de référence qu’on prend. Si on prend la période 2003 – 2008 qui avait été une période un petit peu bénie parce que tout le monde connaissait un rythme de croissance très fort, effectivement, la croissance est plus faible. Mais en fait, la croissance actuellement depuis deux – trois ans est en ligne avec la moyenne historique des 40 dernières années. Ce qui est certain, c’est que ce Brexit va sans doute peser notamment sur les décisions de politique monétaire. Vous l’avez bien dit effectivement, la Réserve fédérale va sans doute profiter de ça, en tout cas les partisans au sein de la Réserve fédérale d’une très grande prudence dans la remontée des taux vont sans doute targuer de cela pour repousser les remontées des taux. Et on peut penser que la BCE, la banque du Japon, vont sans doute prendre d’autres mesures.

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce qu’on peut s’orienter aussi vers une guerre des devises quand on voit ces mouvements assez violents sur certaines devises et l’action des politiques des banques centrales ?

Julien-Pierre Nouen – Directeur études économiques – Lazard Frères Gestion : Alors, la guerre des devises, c’est un sujet relativement complexe, d’autant que personne n’y avait véritablement intérêt. Lorsqu’on regarde les déclarations de la banque du Japon, c’est vraiment lorsque les mouvements sont extrêmes qu’elle pense agir. Les grandes banques centrales ont plutôt intérêt à une relative stabilité des devises.

Web TV www.labourseetlavie.com : On est finalement là dans un nouveau schéma – on a eu les élections aussi, on peut le rappeler, en Espagne – de sujets politiques finalement qui viennent interférer sur l’économie et sur les marchés financiers.

Julien-Pierre Nouen – Directeur études économiques – Lazard Frères Gestion : Alors effectivement, on n’est plus du tout dans un schéma classique où les marchés réagissent aux nouvelles économiques qui ont été globalement, depuis le début de l’année, plutôt bonnes, en voie d’amélioration. Mais on voit qu’on a cette dimension politique qui joue énormément. C’est une dimension que les marchés ont souvent du mal à prendre en compte, parce qu’on ne peut pas vraiment la modéliser pour faire évoluer les portefeuilles en fonction. Ce qu’on voit, c’est que ça peut jouer aussi dans les deux sens. C’est-à-dire que sur l’élection espagnole, tout le monde attendait effectivement un très gros score de Podemos. Or, Podemos est plutôt en retrait par rapport à ces attentes. Le parti populaire de centre droit est plutôt confirmé, même s’ils n’ont pas encore la majorité pour gouverner. Il est probable que ce parti sera le cœur du gouvernement qui en sortira, ce qui est plutôt une bonne chose pour les marchés.

Web TV www.labourseetlavie.com : On se dit que dans ce contexte global, on va rester sur des taux toujours très bas. Qu’est-ce qu’on fait en termes d’allocation d’actifs justement dans ce contexte-là, avec ces incertitudes ? Parce qu’on parlait du Brexit, ça peut durer deux ans.

Julien-Pierre Nouen – Directeur études économiques – Lazard Frères Gestion : Alors, ça peut durer deux ans, mais on n’aura pas des nouvelles sur le Brexit toutes les semaines. Ce qui avait pu peser par exemple pendant la crise de la Zone euro, c’est que chaque semaine, on entendait parler des difficultés de telle banque qui se répercutaient sur les difficultés de tel pays, avec des espèces de suites qui n’en finissaient pas de mauvaises nouvelles. Là, on a eu cette décision britannique. On va avoir des négociations qui vont prendre le temps qu’elles prendront. Le plus probable est qu’on ait in fine un accord d’association du Royaume-Uni avec l’Union Européenne sans doute similaire à ce que la Norvège ou la Suisse ont pu avoir. La question pour les Européens sera de quantifier en fait le niveau de peine infligé à l’économie britannique pour dissuader éventuellement d’autres pays de suivre cette voie, mais l’impact économique global devrait rester assez limité et surtout passer un petit peu au second plan par rapport au reste.

Web TV www.labourseetlavie.com : Globalement sur l’allocation d’actifs, il y a plus de choix du côté des actions, des actifs risqués, qu’effectivement… en tout cas, pour aller chercher du rendement, il faut aller forcément sur ces marchés actions ?

Julien-Pierre Nouen – Directeur études économiques – Lazard Frères Gestion : Lorsqu’on regarde la hiérarchie des rendements, effectivement, il reste essentiellement le marché actions. Ce qu’on peut faire effectivement, vu que les remontées des taux sont quand même repoussées de par ces évènements, c’est aller sur des classes d’actifs obligataires qui sont un peu plus risqués et qui offrent donc en conséquence un rendement un peu plus élevé. On peut penser à la dette subordonnée bancaire, au crédit high yield notamment dans la Zone euro ou éventuellement aux crédits émergents.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Julien-Pierre Nouen.

Julien-Pierre Nouen – Directeur études économiques – Lazard Frères Gestion : Je vous en prie.