Mabrouk Chetouane Responsable de la Recherche et Stratégie BFT IM : "Aux Etats-Unis, un resserrement monétaire de nature très mesuré".
Economie mondiale, quelle tendance se dessine ?

28 avril 2016 9 h 00 min
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L’économie mondiale est-elle sur une meilleure tendance ?

Après les inquiétudes des marchés financiers sur la croissance économique chinoise, comment se présentent les perspectives économiques ?

Etats-Unis, Europe, ou marchés émergents, tour d’horizon des principales zones économiques, de leurs risques et tendances. Quel impact des politiques monétaires ?

Mon invité pour en parler est Mabrouk Chetouane Responsable de la Recherche et Stratégie BFT IM.

Web TV www.labourseetlavie.com : Mabrouk Chetouane, bonjour.

Mabrouk Chetouane – Responsable recherche stratégie – BFT IM : Bonjour.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes responsable de la recherche chez BFT Investment Managers. On va parler avec vous de macro-économie, avec toujours des questions importantes, notamment sur la croissance américaine. Est-ce qu’elle sera au rendez-vous en 2016 ? Comment évolue votre analyse de la situation sur l’économie américaine ?

Mabrouk Chetouane – Responsable recherche stratégie – BFT IM : Alors, il est vrai qu’on aura vraisemblablement un premier trimestre assez en berne finalement. Quand on regarde les premiers indicateurs de croissance et d’activité dont on dispose. Néanmoins, il faut garder en tête que les chiffres de PIB ont systématiquement été révisés, par exemple l’an dernier. Donc, les quatre trimestres 2015 ont été révisés à la hausse d’une part. Et d’autre part, en 2015, on a eu également un rebond très fort au second trimestre qui s’est perduré, légèrement essoufflé, tout au long de l’année, mais qui a permis à l’économie américaine de croitre de 2,4 % l’an dernier. Et notre scénario aujourd’hui, on table sur une croissance d’économie américaine comprise entre 2,1 et 2,2 %. Donc finalement, un ralentissement cyclique, pas de récession du tout. Un premier trimestre un peu en berne, mais un rattrapage dans les trimestres à venir.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors pour la politique de la Réserve Fédérale Américaine effectivement, ça pose question. On le sait depuis le début. Est-ce que cette économie a les moyens de subir de nouvelles hausses de taux ? Est-ce que là-dessus l’économie américaine, vous diriez qu’elle est encore un peu faible ?

Mabrouk Chetouane – Responsable recherche stratégie – BFT IM : L’économie américaine a subi une crise de très grande ampleur qui a entrainé des changements de nature structurelle, notamment sur le marché du travail. Et effectivement, la grande question, c’est l’augmentation des salaires ne se traduit pas finalement par l’inflation qu’on devrait constater à ce stade du cycle économique. Néanmoins, la FED, si elle veut, un, reconstituer son arsenal de politique monétaire, si en plus, comme on le croit, l’économie américaine va vers un ralentissement cyclique de plus en plus marqué vers 2017 – 2018, la FED a tout intérêt à augmenter ses taux d’intérêt maintenant. C’est notre scénario. Cela dit, la hausse des taux d’intérêt sera bien sûr très graduelle. On voit entre deux et trois hausses de taux d’intérêt. Donc, à ce stade, l’économie américaine est capable d’encaisser en quelque sorte ce resserrement monétaire qui sera, encore une fois, de nature très mesurée.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors du côté européen, on est dans une autre situation. On voit les déclarations de Mario Draghi, président de la Banque Centrale Européenne, sur les mesures, sur ce qu’il pourrait faire encore en plus. Là, on se dit : il y a eu la baisse du pétrole, la baisse de l’euro, mais finalement est-ce que la zone euro en a tant profité que ça ?

Mabrouk Chetouane – Responsable recherche stratégie – BFT IM : Alors, la zone euro aurait pu en profiter davantage, il est vrai. Et ça pointe clairement ce que rappelle Mario Draghi systématiquement dans ses conférences de presse, à savoir le défaut ou du moins le déficit de réforme structurelle. Néanmoins, force est de constater que la croissance européenne est au rendez-vous. Elle n’est pas aussi importante, comme vous l’avez souligné, qu’elle devrait l’être, compte tenu de cet alignement des planètes. Néanmoins, on a quand même une croissance qui restera au-dessus de son potentiel, qui devrait vraisemblablement se maintenir au même niveau que celui de 2015, voire peut-être en légère accélération. Et ça, on le doit en partie aux mesures non conventionnelles de la politique monétaire. Tout l’assouplissement quantitatif qui a été mis en place par Mario Draghi et renforcé lors du dernier comité de politique monétaire, tout ceci plaide en faveur justement d’une croissance en zone euro qui devrait être au rendez-vous en tout cas pour 2016.

Web TV www.labourseetlavie.com : Les autres zones économiques quand on les regarde bien, et d’ailleurs c’est ce qui a inquiété les investisseurs au cours des derniers mois, c’est d’abord la Chine avec cette question de croissance plus faible. Est-ce qu’aujourd’hui, on commence à se rassurer vis-à-vis de la croissance économique chinoise ou il y a encore des craintes ?

Mabrouk Chetouane – Responsable recherche stratégie – BFT IM : Il y aura évidemment toujours des craintes, puisque l’économie chinoise est tributaire de ce qui se passe au niveau du commercer international, qui est aujourd’hui en fort ralentissement par rapport à ce qu’on a connu par le passé. Donc de facto, on aura une croissance soumise à des chocs externes, donc une croissance soumise à des à-coups. Néanmoins, là encore une fois, les autorités chinoises disposent des moyens pour pouvoir adoucir en quelque sorte l’atterrissage et disposent également des moyens pour relancer leur économie. Donc, on a quelque part finalement une croissance dont on sait qu’elle va ralentir, mais ça, c’est quelque chose de structurel puisqu’on ne peut pas croitre indéfiniment à plus de 10 %. Donc aujourd’hui, un taux de croissance compris entre 6,5 et 7 % finalement est la cible souhaitée par les autorités chinoises. Et malgré tout finalement, une croissance, encore une fois, soumise à des chocs externes et des chocs internes également pour gérer la transition vers une économie plus centrée sur une consommation interne.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors pas si loin que ça, on a le Japon. Et là on se pose des questions sur la suite des abenomics, des fameux abenomics, ces mesures économiques qui ont été prises et on se dit qu’on arrive un peu à la fin et que l’économie japonaise n’a pas effectivement peut-être bénéficié autant qu’on l’espérait au départ de ces mesures.

Mabrouk Chetouane – Responsable recherche stratégie – BFT IM : Alors, il est vrai que de plus en plus et ça, c’est une thématique qui revient régulièrement, à savoir l’effet marginal finalement d’une mesure de politique économique qu’elle soit budgétaire ou monétaire sur l’économie. On se rend aujourd’hui, enfin le débat autour de la politique monétaire européenne, l’ajout finalement d’un QE supplémentaire, est-ce qu’il sera efficace ? Au Japon, c’est à peu près le même discours, à savoir est-ce qu’en rajoutant finalement de la politique budgétaire et monétaire en plus, on arrivera à générer ce surcroit de croissance tant attendu par les autorités japonaises et sur surcroit d’inflation par ailleurs puisque c’est aussi un des objectifs cherchés par les autorités budgétaires, qui permettrait justement de sortir la banque centrale japonaise de cet assouplissement quantitatif sans fin que l’on connaît. Et les déclarations de Kuroda cette semaine ou du moins en début de semaine, montrent justement qu’il ira davantage vers plus d’assouplissement quantitatif.

Web TV www.labourseetlavie.com : On voit effectivement toutes ces questions sur l’effet des politiques monétaires. On a vu que ça avait pu avoir bien sûr des effets sur les devises. On a vu l’euro face effectivement au dollar. Est-ce qu’aujourd’hui, il peut y avoir des mouvements à nouveau sur les devises ?

Mabrouk Chetouane – Responsable recherche stratégie – BFT IM : Il peut y en avoir effectivement pour une simple et bonne raison, c’est qu’on a peu de visibilité encore sur l’action des banques centrales. Même si on sait que la Banque Centrale Européenne fera tout ce qui est en son pouvoir pour pouvoir finalement permettre à l’économie européenne d’atteindre cette cible de 2 % d’inflation, du côté des États-Unis, on ne sait pas encore de quels moyens dont elle dispose. Côté États-Unis, on attend effectivement encore plus de clarifications concernant finalement le calendrier de resserrement de politique monétaire qui est encore aujourd’hui incertain. La banque centrale britannique est soumise à un choc, on va dire, assez potentiellement très important qui est le Brexit. La banque centrale japonaise peut également intervenir à tout moment. Donc, on a sur le marché d’échange, à cause justement de ces incertitudes banques centrales, pas mal de vents contraires qui soufflent un peu dans toutes les directions et qui pourraient porter des devises dans des directions assez opposées.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le mot de la fin sur l’allocation d’actifs dans ce contexte-là. On sent bien qu’on n’a sans doute pas la croissance espérée en 2016, telle en tout cas que les investisseurs l’espéraient. Est-ce que ça va jouer justement sur l’allocation d’actifs ?

Mabrouk Chetouane – Responsable recherche stratégie – BFT IM : Alors, il y a bien évidemment la croissance qui jouera sur la classe d’actifs. Il y a également l’action des banques centrales qui sera incontestablement un pilier, en tout cas pour une classe d’actifs en particulier qui est le crédit, le crédit européen, high yield comme investment grade, avec les rachats de titres de dettes d’entreprises annoncés par la BCE lors de son dernier comité de politique monétaire. C’est clairement une des classes d’actifs qui devrait figurer parmi les champions au cours de l’année 2016. Maintenant, il reste encore un peu de valeurs à extraire du côté du marché des actions. Mais là, il faut faire preuve de sélectivité pour ne pas se laisser piéger.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Mabrouk Chetouane.

Mabrouk Chetouane – Responsable recherche stratégie – BFT IM : Merci.