Bourse - Marchés : Interview de Christian Cambier Gérant Prigest.
Un regard sur "la bulle d'optimisme" qui concerne les actions et l'actualité économique
Regard porté sur « la bulle d’optimisme » sur les actions et l’actualité.
Nous passons en revue les sujets d’actualité sur les marchés financiers : des indices au plus haut pour les Etats-Unis, un CAC40 à Paris qui passe les 4.000 points, les marchés actions sont à la fête. Quid des valorisations ? Quid de l’investissement actions ?
Tous ces sujets avec notre invité, Christian Cambier Gérant chez Prigest.
Web TV www.labourseetlavie.com : Christian Cambier, bonjour. Vous êtes gérant chez Prigest. On va parler avec vous de marchés financiers et de perspectives sur ces marchés. Quand on s’était vu, on pouvait dire la dernière fois que on était en crise, que de ce point de vue-là rien n’a véritablement changé, du côté de la bourse ces différents. On a vu des marchés progresser nettement, alors pas autant qu’aux États-Unis, c’est vrai, mais une vraie reprise, et en même temps on voit ce qui se passe sur le plan économique, on est tombé en récession, c’est officiel, comment vous voyez, vous, ces marchés ? Est-ce qu’ils ne sont pas partis un peu trop vite, comme on dit, et qu’ils sont presque euphoriques ces marchés ?
Christian Cambier, Gérant de Prigest : Non, ils sont sous-évalués. Il faut prendre de la durée pour soi. Quand j’ai vanté les mérites du Japon, il y a plusieurs mois, et malheureusement plusieurs années, cela fait 24 ans que j’attends, tout le monde rigolait parce que « oui c’est mauvais, c’est mauvais », il n’empêche que le marché japonais a doublé en six mois. Donc il faut s’habituer maintenant à ce que cela aille très, très vite. Et la bourse de Paris, la bourse européenne, allez on va parler des bourses aux européennes, et en particulier celle de Paris, elle est plombée pour des raisons évidentes, en France, par la psychose, l’ambiance qui est absolument débile et démoralisante. Et en réalité, la bourse monte alors que tout le monde s’en va. Les actionnaires, tout le monde le sait, sont de moins en moins nombreux, les compagnies d’assurances ont dû liquider leurs positions à cause de Solvency II Bâle 2, Bâle 3, 3,5, etc. et donc tout le monde…, l y a un flux vendeur, et pourtant, elle monte, alors cherchez l’erreur. L’erreur elle est très simple, c’est que les étrangers achètent. Il n’y a pas seulement que les Qatari qui ont tout raflé dans l’immobilier, dans les valeurs mobilières, mais vous avez tous les fonds étrangers qui achètent, pourquoi ? Parce que nous avons les valorisations de sociétés les plus faibles du monde aujourd’hui, c’était les Japonais qui étaient les plus faibles du monde, ça y est, ils ont doublé en six mois, donc maintenant c’est nous. Nous avons des valeurs, c’est celles que j’achète, qui sont à la masse, elles donnent des rendements, et comme il y a un flux gigantesque d’argent dans le monde, il y a un excès de liquidités, que le monétaire est à zéro, que l’obligataire est à 1,80 ou 2. Qui a envie de prêter au gouvernement français à 10 ans à 2 % ? C’est suicidaire, avant fiscalité, avant ISF, avant inflation, etc. Donc les gens vont chercher du rendement et des actifs réels. Qu’est-ce qu’il y a comme actif réel ? Vous avez des actions. L’immobilier, tout le monde le sait, est surévalué, le gouvernement veut qu’il baisse. L’or, on a vu que tous les banquiers suisses qui ont fait acheter de l’or à leurs clients à 1900 et qui ont fait un marketing terrible sur l’or, tout le monde en prend plein la figure, et mes petits clients qui sont concernés viennent me voir et me disent « on a acheté de l’or à 1900 », pas chez moi, je vous rassure, « on a acheté de l’or à 1900, qu’est-ce qu’il faut faire ? ». « Écoutez, voyez vos conseils ». Donc aujourd’hui il n’y a que les actions, depuis maintenant deux siècles, il n’y a que les actions qui protègent leurs détenteurs et il y a de quoi faire. Il y a les valeurs hollandaises qui étaient une de mes thèses. Quand vous voyez, il y a des valeurs hollandaises qui ne marchent pas encore mais il y en a qui marchent très bien.
Web TV www.labourseetlavie.com : Cela a pris du temps sur ces valeurs-là.
Christian Cambier, Gérant de Prigest Oui cela prend du temps mais il faut d’abord se faire à l’idée que M. Hollande va changer de politique. M. Montebourg va dégager j’espère, je ne devrais pas dire j’espère, mais je pense qu’il va dégager. M. Pascal Lamy, je le vois très bien remplacer les sept ou huit personnes qui sont là-bas à Bercy, il en suffit d’un d’ailleurs, un bon, et Pascal Lamy a dit de M. Montebourg qu’il avait un problème de GPS. Donc il y a manifestement une divergence dans la façon de conduire l’économie française, il va falloir faire un choix. C’est au président de la république de le faire, cela sera fait cet été, c’est obligatoire, cela va redonner confiance aux milieux d’affaires. Expliquez-moi pourquoi Bernard Arnault a fait la une du Monde et vanté la politique du gouvernement ? Expliquez-moi pourquoi on a fait…, on a arrêté cette fameuse loi scélérate sur l’amnistie, les travailleurs qui avaient tout cassé ? Expliquez-moi pourquoi on a reçu 300 employeurs ? Expliquez-moi pourquoi on a emmené en Chine 150 patrons ? Etc., etc. Il y a un changement de stratégie, c’est M. Hollande qui le met en route et donc les valeurs hollandaises vont pouvoir être privatisées, c’est Safran, c’est ADP, c’est Thalès, des gens comme cela, et après, quand EDF, France Telecom, Air France voudront bien remonter et on fera en sorte qu’elles remontent… Vous savez EDF cela rapporte 8 %. On fait une oblig à 2 et une action EDF à 8, il n’y a pas photo, c’est contrôlé par l’État dans les deux cas, je préfère toucher 8 que 2.
Web TV www.labourseetlavie.com : Les actions, on voit que les banquiers centraux clairement veulent que les investisseurs aillent sur les actions, vous l’avez rappelé par rapport à ce qui se passe sur les marchés obligataires, mais on se dit que finalement les investisseurs aujourd’hui sont obligés de faire ce que les banques centrales leur disent de faire.
Christian Cambier, Gérant de Prigest Elles alimentent surtout de la liquidité et le problème c’est que tant qu’il y aura des taux 0, et c’est parti pour longtemps… En plus, on commence à parler beaucoup, vous savez du quantitative easing américain, la dernière fois qu’il y a eu un quantitative easing de même nature, c’était en 1994, vous n’étiez pas né, mais en 1994 la sortie a été très violente, le fameux krach du 2 février 1994, je l’ai vécu, cela a été saignant sur le marché obligataire mais surtout sur les actions, et la FED va devoir gérer la sortie du quantitative easing, et il ne faut surtout pas que les actions subissent un grand dégât. Mais ce qui veut dire surtout qu’il ne faut pas être en obligations. Quand vous avez des taux longs, même en Corporate, autour de 3 à 4 %, vous êtes prêts à avoir un krach obligataire un de ces jours, cela ne peut pas tenir, et donc être sur des actions, il ne faudrait pas qu’il y ait un krach obligataire majeur comme en 1994. Mais un krach obligataire soft c’est-à-dire que les taux repassent de 2 à 2 ou de 2 à 4, cela va très bien et cela arrivera un jour dans les deux ans qui viennent. Et ce jour-là, la bourse des actions va doubler.
Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, on attend en tout cas de ce côté-là effectivement des actions qui peuvent reprendre à un moment donné, on a quand même été assez échaudé sur les dernières années, il faut le dire. Vous parlez de ces actionnaires qui ne sont pas là aujourd’hui, finalement il y en a deux millions qui sont partis en France notamment et qui regardent cela avec circonspection en disant « oh la la, trop compliqué pour moi ».
Christian Cambier, Gérant de Prigest Oui, mais en même temps, j’ai fait un petit retour sur image là récemment parce qu’il se trouve que j’ai un fond que je gère depuis maintenant 29 ans sur les actions françaises, et pour s’en tenir à 10 ans, j’ai quand même triplé sur 10 ans. Alors je sais qu’il y a eu des hauts et des bas, des gens qui sont mal arrivés et puis, etc., mais ça c’est le lieu commun, mais j’ai quand même triplé en 10 ans sur les valeurs françaises. Donc c’est possible de gagner de l’argent en France sur les actions françaises, mais il faut avoir une perspective longue. Il n’y aura pas de retraite, les retraites ne seront pas payées dans cin5q ans, dans 10 ans. Donc si vous ne constituez pas vous-même votre fonds de retraite, vous serez misérable.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc il faut effectivement aller sur cette partie action, après on pourra expliquer qu’il faut avoir du cash, qu’il faut aussi diversifier ses actifs. Quand on va sur les actions aujourd’hui, est-ce qu’il faut se positionner en se disant « j’y vais pour quelques années » ou est-ce que l’on va être obligé quelque part de regarder son cours de bourse tous les jours ? Comment on va faire ?
Christian Cambier, Gérant de Prigest : Non, bien sûr, si vous voulez, ce qui a pollué notre métier, c’est évidemment tous les hedge funds, tous les algorithmes, tous les traders à haute fréquence qui nous ont cassé tout cela. Vous savez la définition d’un trader à haute fréquence, c’est un gars qui dans la file au cinéma vous passe devant, vous revend la place au double du prix, et en plus il va au cinoche avec votre femme. Donc si vous voulez, il y a un moment il faut arrêter, et revenons aux basiques c’est-à-dire vous achetez un titre et vous le gardez 25 ans, c’est ce que je fais depuis longtemps. Par contre il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Bien sûr, il faut avoir des actions japonaises, des actions américaines, des actions européennes. Un gars qui a du Nestlé, qui a de l’IBM, qui a du Mitsubishi UFJ ou du Kyocera ou de, je ne sais pas moi, j’allais citer des mauvais exemples, mais du Murata ou des choses comme cela au Japon, il est tranquille pour la vie, il s’assied dessus et il attend. Du Toyota, tiens, pour parler de valeurs que les gens connaissent, Toyota c’est une valeur sublime. Celui qui a acheté cela, il est tranquille. Celui qui a acheté du Nestlé, celui qui a acheté du Michelin, du L’Oréal,… Il faut faire un beau portefeuille de grandes valeurs, vous ne bougez plus, vous les stockez, vous encaissez vos dividendes et vous ne bougez pas, d’autant plus que si vous bougez, vous payez 50 % d’impôt sur les plus-values.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc il faut attendre de toute façon aujourd’hui c’est que cette fiscalité…
Christian Cambier, Gérant de Prigest : Il faut attendre de mourir, donc vous attendez de mourir, c’est déjà pas mal.
Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce qu’il y a des erreurs dans les prochains mois, il y en a toujours, mais à ne pas faire ? Est-ce que l’on va aussi aller s’intéresser aux valeurs moyennes, des valeurs qui s’en sortent pas mal ?
Christian Cambier, Gérant de Prigest Oui, bien sûr, alors il est évident que ce n’est pas sur les grandes valeurs malheureusement aujourd’hui, ce n’est pas sur L’Oréal, LVMH et Essilor que vous ferez de l’argent. Vous ferez de l’argent si vous allez chercher des valeurs moyennes qui sont…, je prends quelquefois l’exemple de Bongrain qui est ma plus grosse position, je le dis, cela ne me gêne pas, cela vaut 700 millions en bourse et le chiffre d’affaires de 4,5 milliards, cela gagne de l’argent, cela vend des choses que tout le monde, des fromages produits dans 38 pays, la poudre de lait en Nouvelle-Zélande, en Chine, cela monte tous les jours. Donc il faut aller chercher des valeurs que l’on garde, où on est sûr, cette valeur est à la moitié de sa valeur à la casse, cela rapporte de l’argent, cela gagne de l’argent, cela distribue, vous attendez. Vous êtes sûr de gagner, d’ailleurs tous les jours on m’en en demande de tous les pays. On sait que j’ai une grosse position, je ne vends pas à ce prix-là, j’attends.
Web TV www.labourseetlavie.com : Voilà, c’est un bon conseil pour les investisseurs se dire « on achète mais on est capable d’attendre, on va diversifier ». C’est ce que vous nous avez dit aujourd’hui. Merci d’avoir fait le point avec nous Christian Cambier, donc gérant chez Prigest.
Christian Cambier, Gérant de Prigest Je vous en prie, merci.
© www.labourseetlavie.com. Tous droits réservés 18 mai 2013