Bruno Fine Président Roche-Brune AM : "Les actions valeurs refuges de demain".
Stratégie et perspectives : bilan 2014 et évolution de la stratégie d'investissement
Dans la série Tv Bourse, avis d’experts, nous faisons des bilans de l’année 2014 et des perspectives 2015.
Mon invité pour cet exercice est Bruno Fine Président Roche-Brune AM.
Web TV www.labourseetlavie.com : Bruno Fine, bonjour. Vous êtes le président de Roche-Brune Asset Management. On va parler avec vous de stratégie et de perspectives. Peut-être pour commencer ensemble un petit bilan de cette année 2014 ? Cela a été quand même effectivement étonnant puisque on pourrait dire, pour résumer, que les marchés obligataires ont bien fonctionné, ce qui n’est pas forcément ce que l’on avait en tête en début d’année, en tout cas il y a de la performance sur ces marchés obligataires, et puis on a eu quand même plusieurs périodes avec bien sûr ce qu’ont fait les Banques centrales. Comment vous avez vécu cette année, vous ?
Bruno Fine, président de Roche-Brune AM : Cette année, pour dire qu’elle était difficile, on ne peut pas faire moins. Il y avait plusieurs occasions d’entrée, et donc c’était une année particulièrement heurtée. L’obligataire et le souverain ont été rémunérateurs, et ça, cela fait quand même cinq ans. Avant de parler de 2014, je voulais juste regarder un tout petit peu en arrière parce que on oublie que la bourse a pu être bonne, je parle de l’indice Actions européennes. Il a progressé de l’ordre de 60 % depuis cinq ans avec un accident dramatique, c’était 2011, mais 2010-2014, c’est une pente de progression entre 9 et 10 % sur le marché des actions européennes, c’est pas mal. L’obligataire a fait mieux. Donc nous, comment on l’a abordé ? On l’a abordé comme on le fait à chaque fois, c’est que l’on ne parle jamais du marché, on parle des valeurs. Et là-dessus, on doit dire que l’on se porte pas mal parce que, cette année, on réplique la même performance avec notre fonds Europe Actions, 9 à 10 % sur l’année, à aujourd’hui, et malgré les accidents. Alors, on a plutôt profité des accidents pour renforcer nos convictions sur quelques valeurs qui étaient captives de thèmes généraux c’est-à-dire retour à la rentabilité parce que les années passées ont été consacrées à la solvabilité, remettre les bilans d’aplomb, le tiroir-caisse d’aplomb. Et puis cette année c’est formidable, si vous regardez les résultats du dernier trimestre, on est dans un niveau assez élevé, même le plus élevé qui ait existé en termes de marge opérationnelle, je parle de marge d’exploitation. Et là, c’est assez formidable parce que c’est en ligne avec ce qui s’est passé aux États-Unis, cela veut dire que, quand on n’a pas de croissance, on rentre à la maison et on fait les efforts nécessaires pour mettre de la marge.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc quelque part les entreprises réagissent assez vite à un contexte économique qui reste, si on prend l’Europe, peu favorable ?
Bruno Fine, président de Roche-Brune AM : C’est-à-dire que si vous me parlez de réactivité, je vais vous dire oui, les entreprises sont plus réactives que les états, mais les états ont beaucoup fait et il reste encore beaucoup à faire, mais je pense que l’on n’a pas d’autre solution que de se mettre dans la situation de rembourser une dette. Pour rembourser une dette, il faut d’abord restaurer son bilan, se défaire de certains actifs, restaurer et réduire des charges, la rentabilité doit être là, et ensuite on doit avoir le courage de l’investissement. Et c’est cette année 2015 qui va être favorable à l’investissement. En 2014 finalement, la croissance n’étant pas là, on a continué à faire de la rentabilité et on a différé l’investissement. Mais cette année sera l’année de l’investissement, ou ne sera pas, pour aller capter la croissance perdue de 2016 parce que je pense que c’est à cet horizon-là que cela reviendra.
Web TV www.labourseetlavie.com : Oui parce que l’on pourrait dire qu’au total il y a un environnement macro-économique, même au-delà de la zone euro, on a vu des ralentissements dans les pays émergents, les États-Unis jusqu’à encore récemment, il y a eu pas mal d’inquiétudes sur est-ce que finalement toutes ces injections de liquidités ont eu de l’effet sur l’économie, il semble que le consensus dise pour les États-Unis c’est oui, mais on se pose encore des questions par exemple sur les marchés émergents ?
Bruno Fine, président de Roche-Brune AM : Sur les pays émergents, je dirais que… je préférais que l’on s’intéresse aux pays émergents en travaillant par les pays dits émergés ou développés, l’Europe a une chance extraordinaire. En termes de valorisation, je l’ait dit tout à l’heure, les entreprises ayant recréé de la trésorerie, on se retrouve en valeur d’entreprise, c’est-à-dire dette incluse ou trésorerie incluse, avec des niveaux qui sont plus intéressants, malgré la hausse du marché de 10 %. Donc, de ce point de vue-là, on a de la place pour aller sur l’Europe et jouer les pays émergents. Les pays émergents, ne nous trompons pas, ce sont les devises qui ont été le plus dommageables pour ceux qui ont su prendre le risque, mais il faut conserver le risque émergent plutôt moins en direct qu’au travers des sociétés européennes.
Web TV www.labourseetlavie.com : Justement il y a eu pas mal de réactions sur les devises, on peut parler de l’euro-dollar, c’est le plus symbolique pour nom en Europe, il y a eu d’ailleurs à un moment donné beaucoup d’investisseurs qui disaient « on va jouer les valeurs dollars » par exemple en disant… Est-ce que pour vous c’est une thématique ou pas ou est-ce que c’est trompeur finalement ces variations que l’on a pu avoir ?
Bruno Fine, président de Roche-Brune AM : Nous on est bottom up, donc on est stock picker, ce qui nous intéresse, c’est la création de valeurs, mais on ne va quand même pas passer à côté de certains effets d’aubaine. Donc on ne joue pas une parité, bien malin qui peut jouer une parité, longue, ce n’est pas notre métier la lecture des devises. Mais en revanche, ce que je peux dire, c’est que aujourd’hui la baisse de l’euro relativement au dollar qui se raffermit, qui est de l’ordre de 10 %, est un effet d’aubaine, de compétitivité, que sauront capter des entreprises qui sont dans notre portefeuille. Mais attention, on ne se déplace pas vers des entreprises parce que elles ont cet effet d’aubaine, on sait que cet effet d’aubaine va donner du levier à la rentabilité, et ça, très franchement, on le prend volontiers, oui.
Web TV www.labourseetlavie.com : Il y a eu aussi à l’inverse le choc pétrolier avec cette chute, il y en a même qui aujourd’hui parlent de 50 $ le baril, donc cela a été très rapide, en quelques semaines cette chute, est-ce que cela, pour le coup, cela remet en cause ou pas une stratégie, cette chute du pétrole ?
Bruno Fine, président de Roche-Brune AM : Didier, j’aime beaucoup dans cette conversation sur le pétrole parce que bien entendu je n’y comprends rien au pétrole, donc je m’exprimerai sur ce que j’ai pu lire et entendre sur le pétrole. Le pétrole, 200 $ le baril, il y a des banques anglo-saxonnes, le Peak Oil, on a eu cela, donc prenons les argumentaires qui ont valu à ce moment-là. Mais ce qui est très important, c’est que là aussi, pourquoi ne pas tirer avantage dans la micro-économie d’un effet du baril qui, autour de 60 $, je ne sais pas le prix du baril, je dis simplement qu’il existe des entreprises, j’en citerai une parce qu’elle me vient à l’esprit, elle vient de rentrer dans notre portefeuille, elle a fait des efforts de restructuration très importants, c’est Acerinox, eh bien vous avez des entreprises et des industries qui sont consommatrices d’énergie, si en plus des efforts qu’elles ont faits, elles peuvent tirer avantage d’un prix de l’entrant moins cher, allons-y. Donc il y a des effets macro-économiques qui sont des effets d’aubaine, ce n’est pas tout le temps que les étoiles sont alignées.
Web TV www.labourseetlavie.com : Justement c’est plutôt favorable, alors en même temps vous avez rappelé ces dernières années favorables sur les marchés Actions, on pourrait dire que c’est ce que souhaitaient les Banques centrales, mais on pourrait dire aussi de l’autre côté, les particuliers n’ont peut-être pas bénéficié de cela ? Finalement ils ont assisté à cette hausse de la bourse sans avoir envie forcément d’y retourner, est-ce que pour eux c’est trop tard ? Parce qu’ils sont passés à côté de cela.
Bruno Fine, président de Roche-Brune AM : Je vais paraphraser… mais il y avait un très bon papier dans les journaux et Guillaume Pepy, votre confrère des Échos, a fait un papier extraordinaire avec 200 chefs d’entreprise, mais on arrive aujourd’hui à dire que le risque c’est important. Donc est-ce que les actions ne seraient pas les valeurs refuge de demain ? J’adore cette expression un peu provocante, l’aversion au risque est très présente, mais il faut vraiment réfléchir qu’il ne peut pas y avoir de rendement sans risque, et aujourd’hui tout le monde est à la recherche du rendement perdu. Je veux bien que l’on joue encore le souverain, mais je pense que le grand du chemin a été fait.
Web TV www.labourseetlavie.com : Début 2015, on se dit aussi que l’environnement sur cette partie-là justement, cela va être une hausse des taux aux États-Unis, certains la mettent fin d’année 2015, d’autres au mois de juin 2015, on sait qu’historiquement quand même, si on va un peu plus loin dans l’histoire, que quand il y a ce type de mouvement de banques centrales, ce n’est pas forcément favorable pour celui qui a un portefeuille Actions, en tout cas pas tout de suite ? Comment on gère cela justement, ce timing ?
Bruno Fine, président de Roche-Brune AM : Comment on gère cela ? D’abord les mots en disent long. On va dire en Europe tout va mal et c’est bien, c’est assez paradoxal parce que si le dollar se raffermit vis-à-vis de l’euro, est-ce que c’est l’euro qui s’affaiblit par rapport à sa situation compétitive ? Est-ce que ce sont les taux d’intérêt bas ? On se réjouit des taux d’intérêt bas, mais si ils sont bas, c’est parce que tout ne va pas si bien et qu’il faut abonder en liquidités et s’assurer que cela rentre dans l’économie réelle. On parle de la hausse des taux, mais si la hausse des taux aux États-Unis peut se faire, il faut peut-être aussi savoir se réjouir du fait que si cela se fait, c’est que cela marche, c’est que cela va bien, on est sur un site de plus de cinq ans de hausse du marché qui correspond à une économie réelle qui va mieux. Donc le paradoxe, le paradoxe, c’est ce que redoute le boursier, c’est la hausse des taux qui viendrait couper cette dynamique. Moi je pense que le marché américain, d’un point de vue valorisation, il est à son prix et que la déformation du marché se fera au rythme de l’économie. L’économie ne va pas mal, donc il n’y a pas… Ce n’est pas un mauvais risque, mais ce n’est pas le risque qui sera le plus rémunérateur. Je préfère garder une main aux États-Unis et avoir l’autre tendue vers l’Europe.
Web TV www.labourseetlavie.com : Merci d’avoir fait le point avec nous Bruno Fine.
Bruno Fine, président de Roche-Brune AM : Merci beaucoup.
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