Catherine Huguel Directrice Générale Hugau Gestion : "La réorientation des flux a déjà commencé".
Wall Street : Marchés américains et politique monétaire
La politique monétaire de la Réserve Fédérale Américaine (FED) reste au coeur des interrogations des investisseurs avec la baisse des cours du pétrole et la hausse du dollar.
Nous parlons de la stratégie de la Fed, de l’état de l’économie américaine avec mon invitée Catherine Huguel Directrice Générale Hugau Gestion
Web TV www.labourseetlavie.com : Catherine Huguel, bonjour. Vous êtes directrice générale chez Hugau Gestion. On va parler avec vous des marchés américains et des perspectives sur ces marchés. C’est vrai que l’on se pose pas mal de questions, d’abord sur l’économie américaine. Est-ce qu’elle est vraiment repartie cette croissance américaine ? On a eu un petit peu des signaux, peut-être pas divergents, mais contradictoires au cours des derniers mois. Quelle est votre analyse aujourd’hui de cette économie américaine ?
Catherine Huguel, Directrice générale chez Hugau Gestion : Oui, l’économie américaine est indéniablement repartie. Elle est calée sur un cycle de moyen, long terme, tirée par la reprise de l’investissement. En fait, l’investissement a beaucoup, beaucoup baissé pendant la grande récession, et on a aujourd’hui un rattrapage du cycle d’investissement. Donc c’est une reprise de moyen, long terme qui entraîne le marché de l’emploi et, à partir du moment où l’emploi redevient dynamique, on est…, 95 % de la détérioration du marché de l’emploi pendant la grande récession a été récupéré, donc les ménages ayant de l’emploi, si vous voulez, repartent, se remettent à consommer. Les bilans des ménages sont bien meilleurs, après une hausse de la bourse depuis cinq ans, ils sont désendettés, plus la baisse des prix du pétrole qui leur donne du pouvoir d’achat. Non, l’économie américaine, indéniablement, est repartie sur un sentier voisin de 3 % cette année et pour 2016.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc pour vous cette reprise clairement, malgré peut-être des aléas qu’il a pu y avoir au mois le mois, elle est là ?
Catherine Huguel, Directrice générale chez Hugau Gestion : Il y a des aléas trimestriels, les comptes trimestriels sont toujours des comptes relativement volatiles, en particulier le premier trimestre 2015, après déjà un quatrième trimestre 2014 ralenti sur un rythme de 2,2 %, celui du premier trimestre 2015 devrait également être ralenti autour des 2,2-2,4, disons, pour une raison simple, la vague de froid qui a touché la côte Est, et une autre raison dont on parle moins, qui est la grève des ports de la côte Ouest. Donc il y a eu un approvisionnement d’un certain nombre de secteurs américains qui a été limité par cette grève, donc on a quelques impacts. La grève s’est terminée dans le courant de février, donc on aura un effet sur le premier trimestre 2015. Mais le trend de fond, mais il est maintenant sur l’année 15 et 16 supérieur au sentier potentiel qui est défini aujourd’hui comme étant de 2,2 %. Donc c’est la raison pour laquelle certains membres de la Fed, qui croient à la reprise du business cycle, pensent qu’il faut commencer à relever les taux d’intérêt dès le mois de juin.
Web TV www.labourseetlavie.com : Ce qu’il y a eu sur le dollar, bien sûr, face à l’euro, cette appréciation du dollar et puis, de l’autre côté matières premières, la baisse du pétrole, cela a pu compliquer la vision que l’on pouvait avoir justement de cette future décision de la Fed ?
Catherine Huguel, Directrice générale chez Hugau Gestion : Je pense en fait, la Fed aujourd’hui tient compte, vous le savez, de deux paramètres centraux, d’un côté le taux de chômage et l’évolution du marché de l’emploi et, de l’autre côté, l’évolution des prix c’est-à-dire les perspectives d’inflation. Donc, en ce qui concerne le marché de l’emploi, les chiffres de février qui étaient exceptionnellement forts par rapport aux prévisions, et malgré la vague de froid, ont réamorcé les anticipations de hausse des 25 points de base dès le FOMC du mois de juin. Par contre, quand on regarde les risques inflationnistes et les anticipations inflationnistes dans l’économie américaine, elles sont très basses. Donc, à cet égard, l’appréciation du dollar qui réduit les prix importés, plus l’effet Baisse des prix énergétiques, fait que pour le moment il n’y a pas d’inflation. Mais au-delà même de ces aléas de court terme qui sont l’appréciation du dollar américain et la baisse des prix de l’énergie parce que la Fed essaie de travailler sur des déterminants de long terme c’est-à-dire elle prend essentiellement l’évolution salariale. Et sur l’évolution salariale, là on retrouve un partage des opinions très fort entre les membres de la Fed, c’est-à-dire ceux qui croient au retour du business cycle classique pensent que la baisse du taux de chômage va déboucher avec un horizon de deux ans, si vous voulez, sur une remontée des salaires c’est-à-dire un business cycle classique. Donc il faut commencer à resserrer par anticipation, c’est la normalisation de la politique monétaire. Et puis, vous avez toute une école qui aujourd’hui, si vous voulez, non des moindres, au sein des Etats-Unis, mais également en Europe, qui estiment que l’inflation, ce n’est plus du tout une question. Il n’y a plus d’inflation sur la planète, il y a même au contraire un risque de déflation. Et les tenants de cette thèse, et il y en a beaucoup au sein de la banque centrale, estiment donc qu’il n’y a pas urgence, si vous voulez, à resserrer la politique monétaire, ont plutôt tendance à avoir une approche très pragmatique des choses. Et, à mon avis, ils pensent que juin c’est un peu tôt pour resserrer, d’autant que mondialement la Chine ralentit et on voudrait avoir… si vous voulez, l’impact de ce ralentissement, en connaître plus.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc là on serait dans le scénario de taux durablement bas et encore, encore pendant une période encore plus longue ?
Catherine Huguel, Directrice générale chez Hugau Gestion : Oui parce que l’output gap ce qui est leur approche, il ne disparaît pas avant fin 2016 aux Etats-Unis, même sur le rythme de croissance actuel. Donc ceux qui sont les partisans, si vous voulez, de cette politique monétaire relativement pragmatique sur le moyen terme, les partisans s’appellent quand même la présidente Janet Yellen, le Vice-Président qui est Dudley, qui est le président du fédéral de New York, donc un poids très, très important, également le vice président du board qui est Stanley Fischer, donc ce sont les gros poids de la Fed qui sont en faveur de cette approche très pragmatique par rapport aux tenants classiques du business cycle, d’où la Fed très partagée.
Web TV www.labourseetlavie.com : Pour l’investisseur, ce n’est pas évident, on a vu en tout cas ces marchés américains profiter largement des derniers mois et aller effectivement afficher des niveaux importants, pour l’investisseur, les Etats-Unis cela reste… Il y a encore des choses à faire ou, compte tenu peut-être de ces éléments un petit peu d’incertitudes, il va se rabattre sur d’autres marchés ?
Catherine Huguel, Directrice générale chez Hugau Gestion : Je pense que, d’une façon ou d’une autre, la réorientation des flux a déjà commencé. La hausse des marchés européens, au début de l’année, est le reflet de cette réorientation des flux, favorisée par le QE de la Banque centrale européenne et l’anticipation d’une reprise en Europe in fine aidée par la dépréciation de l’euro et la division par deux des prix du pétrole avec des taux zéro. Donc on a une réorientation des flux sur la planète en faveur des marchés européens et celui qui prouve, le plus exportateur c’est-à-dire l’Allemagne, qui en définitive est l’économie qui profite le plus de la dépréciation de l’euro. Donc imaginez tous les pays du Golfe qui touchent des recettes en dollars américains, certes ils ont vendu moins de pétrole, mais ils ont eu des recettes en dollars américains et le pouvoir d’achat du dollar américain vis-à-vis de l’euro a fortement monté. Donc vous allez avoir une réorientation des flux de tous ces gros pays à fort patrimoine du Golfe qui va se réorienter sur une demande en biens d’équipement européens, en automobiles, en produits chimiques, etc., européens. Donc c’est quand même un vrai plus pour l’Europe. Ceci étant, nonobstant, la performance des marchés américains, c’est vrai que depuis le début de l’année elle est nettement plus faible que celle des marchés européens, mais si vous n’êtes pas couvert en dollars, vous avez une excellente performance. Et puis, le marché boursier américain depuis le début de l’année, il est très différencié c’est-à-dire qu’en effet les entreprises, les grandes exportatrices, ont commencé à souffrir. Par contre il y a une réallocation sur les valeurs domestiques et vous avez un certain nombre de valeurs domestiques qui, sur le marché, on fait des très bonnes performances. Donc si vous ajoutez à ces performances l’appréciation du dollar, vous avez encore pour certains fonds Actions américain et Actions internationales d’excellentes performances depuis le début de l’année, d’autant que le Japon également a été un bon marché depuis le début de l’année.
Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Catherine Huguel d’avoir fait le point avec nous.
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