Eric Pictet Directeur du Bureau de Paris Muzinich & Co : "Il faut être discipliné dans ses investissements".
High Yield et Crédit : Revue de détails de ces marchés et perspectives

6 juillet 2014 17 h 36 min
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High Yield et Crédit : Revue de détails de ces marchés et perspectives

Bilan des marchés obligataires, quid du marché High Yield toujours aussi impressionnant, c’est une revue complète de la stratégie avec mon invité  Eric Pictet Directeur du Bureau de Paris Muzinich & Co.

Voici les derniers commentaires publiées le 30 juin 2014 par Muzinich & Co sur les marchés américains et européens :

Etats-Unis : Les rendements et les spreads ont terminé le semestre à leur niveau le plus bas de l’année, les investisseurs poursuivant leur recherche de rendement dans un environnement de taux d’Etat bas. En juin, la combinaison de statistiques économiques moyennes, la poursuite de la politique accommodante de la Banque Centrale ainsi qu’une volatilité basse ont favorisé les actifs risqués comme le haut rendement ou les actions par rapport aux obligations d’Etat et Investment grade. Le volume des émissions au deuxième trimestre 2014 a été bien plus important qu’en 2013. Ce niveau élevé s’explique par la possibilité pour les sociétés de se refinancer à des taux bas et par l’augmentation des M&A stratégiques. Il est intéressant de noter que des classes d’actifs non corrélées comme l’or, les obligations d’Etat et les actions ont produit des performances positives. Que cela peut-il signifier pour le futur ? Nous pensons que cet environnement actuel plaide pour une prise de risque mesurée, de la discipline dans les investissements et pour la diversification.

Europe : Il y a une quinzaine de jours, les commentaires optimistes de Janet Yellen ont amené un regain d’intérêt pour le risque. Les actions sont montées ainsi que le rendement des obligations d’Etat. Cependant, les annonces récentes de la baisse importante de la croissance du PIB ont amené une baisse des rendements des obligations d’Etat en Europe et ont augmenté les craintes d’une croissance molle dans les pays développés. Comme avant la crise, les rendements des obligations des pays périphériques se sont contractés dans une réaction d’aversion au risque. L’économie américaine a reflété les conditions climatiques et s’est contractée de -2.9% au premier trimestre contre -1% attendu alors que des statistiques économiques faibles en Europe soulignaient l’environnement économique fragile outre atlantique. Alors que nous sommes dans l’attente des effets de l’instauration de taux négatifs par la Banque Centrale Européenne, l’inflation dans la zone euro demeure en dessous de l’objectif pour le 9ème mois consécutif (0.5%). En Angleterre, l’inflation a également baissé (1.5%) mais demeure au-dessus de l’objectif pour le sixième mois consécutif. Ces statistiques augmentent les craintes d’une situation de stagnation à la japonaise en Europe. La production industrielle et le niveau de confiance sont plus faibles qu’attendus et les ventes de détail en Allemagne ont également été décevantes. Alors que l’environnement de taux bas se poursuit en Europe et que la Banque Centrale n’a pas d’autre choix que de maintenir sa politique accommodante, le crédit semble demeurer une classe d’actif appréciée en Europe. Le volume des émissions primaires a été important une fois encore avec beaucoup de demande et des spreads relativement stables dans le marché secondaire. Le volume d’émission devrait maintenant baisser pour des raisons saisonnières alors que nous rentrons dans l’été.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Éric Pictet, bonjour. Vous êtes directeur général du bureau de Paris de Muzinich & Co. On va parler avec vous de dettes, de crédits. Alors, sur ces marchés peut-être, comme on est à moitié de l’année, si on peut refaire un dessin quelque part de ce qui s’est passé depuis le début de l’année, dans quelle ambiance, on peut dire, de marché on a été ?

 

Éric Pictet, Directeur général de Muzinich Associés : On est dans une ambiance assez particulière. Qui aurait pensé avant que le… avant de parler du crédit, de parler des taux d’État, que les taux d’État auraient une telle performance avec une baisse du rendement ? En début d’année, les consensus étaient que les actions allaient bien performer et que les obligations allaient avoir des problèmes. Or aujourd’hui, à mi-année, on se retrouve avec des obligations à 10 ans américain qui sont à 2,5-2,60 qui ont baissé de 50-60 bp alors qu’on les voyait tous, enfin en tout cas le consensus, à 3,40. Bon, on est à un turning point néanmoins, on ne peut pas annualiser les performances en crédit puisque sinon on aurait dû 10 %, ce qui serait un petit peu beaucoup. Mais quand on regarde bien sûr aujourd’hui, 50 à 75 % des performances dans le crédit, cela dépend si on est High Yield sont venues donc de la performance des obligations d’État et de la baisse des taux.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc c’est, on va dire, un marché qui a été pris à contre-pied, comme cela arrive parfois, par rapport au consensus ?

Éric Pictet, Directeur général de Muzinich Associés : Exactement. D’un autre côté, on pourrait se demander, avec la France par exemple à 2000 milliards, pratiquement à 2000 milliards de dettes, on n’est pas à 100 %, mais cela va arriver assez vite, et avec des taux à 1,80, est-ce que c’est bien tenable ? On a le sentiment un peu que l’on est en apesanteur. On a une volatilité qui carrément est au plus bas en plus, donc combien de temps cela peut-il durer ? Alors sur le crédit sur nos entreprises, à la limite c’est difficile de faire de la macro, mais en termes de micro, les entreprises sont quand même très bien gérées, toujours, une petite croissance sans déflation cela suffit à faire de la performance, et comme beaucoup de gens essaient de trouver du rendement, il y a toujours des souscriptions, des souscriptions sur ce type de supports, sachant que maintenant bien évidemment cela n’est que le coupon au mieux que l’on peut arriver à capter.

Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, là-dessus c’est vrai que on a vu les entreprises peut-être même en profiter, profiter de cet environnement qui leur reste, on va dire, toujours favorable ?

Éric Pictet, Directeur général de Muzinich Associés : On a eu beaucoup, beaucoup d’émissions, surtout en Europe. L’année dernière il y avait eu 399 milliards d’émissions dans le high yield, si on reprend uniquement le high yield, dont environ 25 % en Europe, depuis le début de l’année il y a eu à peu près 200 milliards de souscriptions dont 78 milliards équivalents US, mais de sociétés… enfin en non USD. Et donc, le sentiment que l’on a, c’est que beaucoup de sociétés se sont refinancées. Il y a un peu de MNA qui arrive maintenant aussi, mais ce sont des MNA qui sont stratégiques, donc les leviers restent tout à fait, tout à fait modestes, et finalement, même si le levier a augmenté un petit peu, comme les taux ont baissé, finalement les intérêts payés par les entreprises ont plutôt réduit.

Web TV www.labourseetlavie.com : Il y a même eu dans ce contexte-là, comme disent les spécialistes, une dégradation des protections, des covenents, ça c’est un phénomène durable ?

Éric Pictet, Directeur général de Muzinich Associés : Oui, alors il faut voir cela un petite dans le détail parce que c’est… il faut regarder plus en détail comment les couvernents et les covenents et les couvertures sont réellement faites. Donc cela n’est pas inquiétant dans le principe. Il faut voir le trend. Ce qui est sûr, c’est que le cycle du crédit n’a pas pu se faire à cause des éléments que j’ai expliqués plus tôt, l’humain étant « greedy » de toutes façons, il va bien falloir à un moment donné, si la croissance repart fort, il y aura de plus en plus de MNA, il y aura de plus en plus de leviers et ces leviers-là vont apporter à terme, deux ou trois ans plus tard, des taux de défauts qui vont arriver. Pour l’instant, on n’en est pas là, on est à 400 bp de spread aux États-Unis, on a perdu 50 bp depuis le début de l’année, on est à 120 bp du plus bas que l’on a connu en mai 2007, on ne peut pas beaucoup baisser, mais il n’y a rien d’inquiétant par rapport au taux de défaut actuel.

Web TV www.labourseetlavie.com : Quelque part cet environnement sur le high yield reste favorable alors qu’effectivement on aurait pu dire, à un moment donné, ce que vous dites c’est-à-dire que les défauts, d’autres défauts peut-être auraient pu évoluer, on n’en est pas encore là ?

Éric Pictet, Directeur général de Muzinich Associés : Si je prends une métaphore, je dis que l’on est en sixième vitesse dans une voiture c’est-à-dire on appuie, mais il n’y a plus grand-chose. D’un autre côté, en face de nous, il y a quoi ? C’est du plat ou un léger faux plat montant, mais il y a assez de puissance aujourd’hui pour la montée, il faudra voir comment se passe à la fois la croissance, le levier des entreprises et les taux de défaut futurs.

Web TV www.labourseetlavie.com : On parlait tout à l’heure des obligations, quand on avait quand même que des marchés, enfin des taux espagnols quelque part présentaient moins de risques que des taux anglais par exemple, il y a à un moment donné des investisseurs qui se disent « quand même mais… » quels raisonnements peuvent tenir les investisseurs pour créer ce genre de marché ? »

Éric Pictet, Directeur général de Muzinich Associés : On est d’accord, la Grèce est à maintenant… était tombée le 11 juin, avant les annonces, à 50-55,50, le plus bas depuis décembre 2009. Alors, depuis, quand même le Portugal, la chambre constitutionnelle a refusé quelques réformes du gouvernement, donc on a repris 48 bp, mais ce que j’ai dit pour la dette française au début de l’intervention est encore plus valable pour les pays dits périphériques. Donc où est le risque ? C’est pour cela que je dis toujours, le risque dans un crédit, dans un portefeuille de crédits bien diversifié, et sans doute moins important que dans les états. D’un autre côté, si les états ont de réels problèmes, cela aura bien sûr des impacts importants sur la vie économique.

Web TV www.labourseetlavie.com : On est à la mi-2014, pour beaucoup d’investisseurs, il y a effectivement l’horizon 2015 avec ce que fera la Réserve fédérale américaine, c’est ce qui va créer peut-être un peu plus de volatilité à un moment donné de ce cycle-là ?

Éric Pictet, Directeur général de Muzinich Associés : On l’avait vu déjà il y a un peu plus d’un an, au moment d’annonces, que cela allait peut-être arriver. Il y a eu un impact énorme sur les pays émergents puisque tous les pays émergents avec des comptes courants négatifs ont vu leurs devises baisser de 10 à 20 %, d’ailleurs curieusement, c’est assez drôle, quand on regarde l’Inde, la Turquie, le Brésil, etc., ce sont les meilleures performances depuis le début de l’année alors que maintenant c’est réel. On a vu également que la croissance, en tout cas le froid, l’hiver rigoureux avait eu un impact beaucoup plus important qu’attendu puisque – 1, pourtant on était pratiquement à -3 de baisse, cela va avoir une influence, mais on est reparti sur une croissance à peu près effectivement correcte. Donc bien sûr qu’il y aura un effet, mais il faut voir cela, j’allais dire, step by step.

Web TV www.labourseetlavie.com : Si on termine sur les conséquences pour justement la stratégie sur ce segment-là, l’été peut être particulier, on le sait toujours, sur le marché en général, mais de quelle est la tendance que vous donnez vous ?

Éric Pictet, Directeur général de Muzinich Associés : La tendance, c’est une certaine prudence. Clairement, il faut être discipliné dans ses investissements. Les banques ne prennent plus rien dans leurs livres c’est-à-dire qu’aujourd’hui il y a des souscriptions positives. Le jour où il y aura des souscriptions négatives, des désinvestissements d’investisseurs, forcément il y aura des baisses de prix. Mais s’il n’y a pas de changement majeur au niveau économique, chaque baisse de prix, en tout cas dans le crédit, rend le rendement supérieur et rend à ce moment-là le rendement relativement attractif. Donc on devrait retrouver assez rapidement, sauf encore une fois mouvements majeurs soit économiques, soit géopolitiques, parce que on n’en a pas parlé, on devrait trouver des investisseurs qui reviennent assez rapidement sur les marchés.

Web TV www.labourseetlavie.com : Voilà, donc cela reste en tout cas… Il y aura encore des opportunités sauf, on va dire, cas de force majeure, mais cela, qui toucheraient tous les marchés ?

Éric Pictet, Directeur général de Muzinich Associés : Oui, c’est une allocation qui n’a pas beaucoup de risque aujourd’hui en termes de risques reward, mais qui a beaucoup moins d’opportunités que d’autres, qu’avant. D’un autre côté, je vois assez peu d’asset class qui ont un risque reward extrêmement attractif aujourd’hui, donc en relatif cela reste effectivement attractif.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Éric Pictet d’avoir été avec nous.

Éric Pictet, Directeur général de Muzinich Associés : Merci beaucoup, Didier.

 

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