Gaëlle Malléjac Directrice Gestion Taux Groupama AM : "On va plutôt privilégier les dettes périphériques en Europe".
Marchés obligataires : Stratégie et perspectives d'investissement sur les taux

26 février 2015 10 h 06 min
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Après le QE (Quantitative Easing), ou assouplissement quantitatif, décidé par la BCE, comment évoluent les marchés obligataires ?

Comment envisager l’évolution des politiques monétaires et leurs conséquences sur les taux ?

Mon invité pour en parler est Gaëlle Malléjac Directrice Gestion Taux Groupama AM.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Gaëlle Malléjac, bonjour. Vous êtes directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management. On va parler avec vous de ces marchés, marchés de taux, marchés obligataires, avec, je dirais, peut-être un nouveau scénario qui est en train de se mettre en place cette année. Si on revient d’abord sur l’Europe, le QE, quantitative easing « Bazuka » comme l’ont appelé les investisseurs de Mario Draghi, du président de la Banque centrale européenne, cela a changé la donne sur les marchés en tout cas ?

Gaëlle Malléjac, Directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management : Cela a changé la donne, pas tant que cela puisque le marché avait été bien préparé par les différentes interventions des membres de la Banque centrale européenne, donc le marché avait eu le temps de s’y préparer. Peut-être l’élément nouveau, ou en tout cas celui qui nous a surpris le plus, c’est le montant total que la Banque centrale européenne est prête à acheter tous les mois, donc ce fameux montant des 60 milliards au total d’achats de titres, qui est important, qui est significatif et qui, pour l’instant, est prévu jusqu’en septembre 2016, mais la porte reste ouverte pour des achats qui pourraient durer plus longtemps si les anticipations d’inflation et l’inflation ne venaient pas à remonter significativement. Donc c’est en cela que c’est plus important que ce que l’on pouvait anticiper.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc là c’est une nouvelle phase pour la Banque centrale européenne, elle va « gonfler » son bilan alors qu’elle l’avait effectivement plutôt réduit au cours des dernières années ?

Gaëlle Malléjac, Directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management : Disons qu’elle va le gonfler, exactement après avoir vu son bilan réduire, néanmoins elle l’avait déjà vu gonfler au préalable avec notamment les LTRO qu’elle avait mis en place, sauf que cette fois-ci elle va le faire d’une autre façon. Elle va acheter des titres, et de façon très importante, en quantité importante.

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce qu’il y a encore des inconnues dans ce qui a été… parce qu’on a toujours le moment de la déclaration, des annonces, et puis après il y a les choses concrètes, quels titres vont être achetés, etc., quels états ? Est-ce aujourd’hui on y voit clair ou il y aura encore peut-être des nouveautés ou des choses à attendre ?

Gaëlle Malléjac, Directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management : On connaît un certain nombre de grandes modalités qui nous ont été annoncées le 22 janvier, la clé de répartition entre les états, le partage ou pas d’une certaine quantité de titres entre la Banque centrale européenne ou qui vont rester au niveau des banques centrales nationales, mais il reste encore un certain nombre de modalités précises, par exemple quel type d’agence la Banque centrale européenne va acheter ? Comment est-ce qu’elle va orchestrer ses achats, avec les banques centrales nationales ? Est-ce que les banques centrales nationales vont acheter que leurs papiers d’État ou elles vont être aussi un opérateur pour le compte de la Banque centrale européenne ? Cela reste encore à définir.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le sujet derrière cela, c’est bien sûr la croissance, la faible croissance économique en Europe, mais le sujet de déflation aussi reste au cœur un petit peu des interrogations ?

Gaëlle Malléjac, Directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management : Cela reste un sujet préoccupant puisque l’on a vu que depuis les chiffres du mois de décembre, les chiffres d’inflation sont entrés en territoire négatif, alors évidemment cela pose beaucoup de questions, d’où l’importance que prend cette action de la Banque centrale européenne en début d’année. Et on le voit à travers les anticipations d’inflation qui ont fortement baissé ces derniers mois et qui peinent aujourd’hui à rebondir. Il y a encore beaucoup d’interrogations sur, finalement, l’impact réel de ce QE sur l’inflation dans l’économie. Il va falloir, je pense, avoir encore un petit peu de temps pour se rendre réellement compte de cet impact, sachant que l’on attend des chiffres d’inflation en territoire négatif tout au long du premier semestre de cette année au moins, voire encore au troisième trimestre.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc là, c’est un environnement, certains diront historique, c’est-à-dire que l’on n’a pas connu cela effectivement dans notre histoire, ce type de situation ?

Gaëlle Malléjac, Directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management : C’est une situation qui est historique en ce sens où on a aujourd’hui des chiffres d’inflation en territoire négatif, on a aussi les taux qui sont en territoire négatif, de façon assez substantielle, notamment sur la dette européenne puisqu’au global on a presque 30 % de la dette d’États européenne qui est en territoire négatif, donc en cela, oui, c’est une situation inédite en zone euro.

Web TV www.labourseetlavie.com : Si on passe de l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis, là on pourrait dire aussi que l’on avait ce consensus 2015 assez simple, augmentation possible des taux en juin 2015, c’est à peu près ce que le consensus voyait, il a évolué. Vous, de votre côté, est-ce que vous évoluez aussi ?

Gaëlle Malléjac, Directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management : De notre côté, on avait plutôt anticipé une Réserve fédérale qui pourrait commencer à remonter ses taux au cours du deuxième trimestre de cette année. Aujourd’hui, avec la baisse très forte des anticipations d’inflation aux États-Unis, notamment liée à la forte chute des prix du pétrole, c’est vrai que l’on est plutôt sur une attente autour de l’été pour un premier geste de normalisation de la part de la Réserve fédérale américaine.

Web TV www.labourseetlavie.com : Et ce qui a changé, c’est ce qui s’est passé sur le pétrole, ce qui s’est passé sur le dollar, les deux phénomènes de fin d’année 2014 ?

Gaëlle Malléjac, Directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management : Exactement, et ce que l’on a surtout retenu, c’est l’impact notamment de la forte baisse des prix du pétrole sur les anticipations d’inflation et sur les chiffres d’inflation aux États-Unis aussi qui, eux, ralentissent très nettement. Et on sait que c’est une statistique majeure pour la Réserve fédérale dans la conduite de sa politique monétaire.

Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté des perspectives, donc finalement on peut se trouver avec une année 2015 avec toujours une baisse sur les taux, cela va faire un certain nombre d’années, en début d’année en général peu de gens le prévoit, finalement pourrait à nouveau avoir une baisse de taux globalement ?

Gaëlle Malléjac, Directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management : Alors, ce n’est pas notre scénario central. Notre scénario central, c’est que l’on termine l’année, en tout cas pour les taux « core » européens, autour de niveaux qui étaient ceux que l’on avait connu en début d’année, donc légèrement supérieurs au niveau actuel. Le principal argument à ces taux un petit peu plus élevés par rapport au niveau d’aujourd’hui, c’est finalement un chemin d’inflation qui sera un petit peu plus positif au cours du deuxième semestre de cette année, avec une sortie de ce territoire négatif en zone euro. Et puis, un impact quand même de la forte baisse des prix du pétrole, de la baisse de l’euro et du bazuka de la Banque centrale européenne positif en termes de confiance et d’un point de vue conjoncturel en zone euro.

Web TV www.labourseetlavie.com : Pour les investisseurs qui s’intéressent à ces marchés de taux, comment évolue pour vous l’allocation d’actifs, les opportunités d’investissement ou de désinvestissement ?

Gaëlle Malléjac, Directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management : Aujourd’hui, dans nos stratégies, nous privilégions tous les actifs à « rendement » c’est-à-dire qui offrent des rendements positifs. Donc on va plutôt privilégier, dans le cadre notamment de l’intervention de la Banque centrale européenne, les dettes périphériques qui, selon nous, ont encore de beaux jours devant elles. Et puis on va privilégier aussi sur le marché de la dette privée plutôt toutes les dettes qui sont, que l’on appelle à haut bêta c’est-à-dire plutôt les titres les moins bien notés ou encore les titres financiers, les subordonnées financières, ou les subordonnés Corporate, en règle générale.

Web TV www.labourseetlavie.com : On n’a pas parlé de la Grèce, on en parle niveau politique, on en parle au niveau des solutions, cela veut dire que les investisseurs finalement envisagent un scénario de compromis ?

Gaëlle Malléjac, Directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management : Je crois qu’aujourd’hui le consensus est que finalement, même si cela va être compliqué, même si cela va être difficile, on va réussir à obtenir un compromis parce que c’est dans l’intérêt de toutes les parties finalement de trouver ce compromis. C’est aussi notre scénario central aujourd’hui et je pense que l’intervention de la Banque centrale européenne le 22 janvier a permis aussi aux autres actifs de finalement rester relativement protégés jusqu’à présent de ces tergiversations, en tout cas de ces négociations avec la Grèce. Et donc, c’est vrai que sur les dettes plus risquées, il y a aujourd’hui peu de volatilité et peu de réactions, il y en a un petit peu, mais pas tant que cela finalement, vis-à-vis de ce qui se passe en Grèce.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Gaëlle Malléjac d’avoir été avec nous.

Gaëlle Malléjac, Directrice de la gestion Taux chez Groupama Asset Management : Merci.