Guillaume Truttmann Gérant Quilvest Gestion : "Le scénario de hausse des taux US au second semestre 2015 reste d'actualité".
Marchés obligataires : Stratégie et perspectives sur les taux

8 février 2015 12 h 30 min
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Après le QE de la Banque centrale européenne, la période de taux bas continue, mais la donne des marchés a pu changer avec une chute des cours du pétrole et pour les Etats-Unis un renforcement sensible du dollar.

Nous parlons de ces marchés obligataires avec Guillaume Truttmann Gérant Quilvest Gestion.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Guillaume Truttmann, bonjour. Vous êtes analyste gérant chez Quilvest Gestion. On va parler avec vous de taux de marché obligataire, bien sûr après la décision de la Banque centrale européenne de faire ce quantitative easing pour un montant de 60 milliards par mois, c’est énorme. Quel est, je dirais, le premier regard qu’ont eu les investisseurs ? Il semble qu’il ait été positif sur les marchés mais les conséquences sont déjà sensibles ?

Guillaume Truttmann, analyste gérant chez Quilvest Gestion : Oui, effectivement, les investisseurs ont eu un regard positif sur cette annonce pour plusieurs raisons. Le quantitative easing, on en parlait déjà depuis quelques mois, voire même presque un an, un an et demi, c’est-à-dire qu’en gros cela paraissait être une excellente solution pour relancer les anticipations d’inflation. Simplement c’est une mesure que la BCE ne prenait pas pour des raisons de discordances en interne, notamment avec la position de l’Allemagne qui était inflexible à ce sujet. La BCE a donc tardé à prendre cette décision, avec une inflation qui s’est effondrée, qui s’est rapprochée de 0. Et donc c’était une bonne nouvelle pour les marchés pour plusieurs raisons, c’est qu’en gros les analystes et tout un chacun s’entendaient à dire que le QE pourrait être aux alentours de 500, 600 milliards d’euros, et finalement le montant annoncé, 1000 milliards d’euros, a été la réponse apportée par la BCE à cette décision un peu tardive. Donc c’est effectivement une bonne surprise. Aujourd’hui, effectivement, les marchés ont bien réagi.

Web TV www.labourseetlavie.com : Justement, effectivement, il y avait cette question, est-ce que cela n’arrive pas trop tard face au risque que l’on a évoqué de déflation ? On peut se dire que la BCE a agi tardivement ?

Guillaume Truttmann, analyste gérant chez Quilvest Gestion : La BCE a agi tardivement, par contre, elle a largement répondu aux attentes des marchés par ce montant très important, sur 18 mois, avec donc essentiellement des obligations gouvernementales et puis, dans une moindre mesure, des ABS et des obligations sécurisées. Je pense que la BCE effectivement a fait ce qu’elle devait, sachant qu’auparavant elle n’avait pas la possibilité de le faire, les Allemands ayant opposé un « veto », en tout cas des négociations très difficiles avec les Allemands auparavant qui ont empêché la BCE d’agir.

Web TV www.labourseetlavie.com : On voit ce que cela donne sur les taux, notamment à 10 ans, on voit aujourd’hui à nouveau des records. Les marchés obligataires finalement, cela fait plusieurs années que l’on dit « C’est fini, sur les marchés obligataires, il n’y a plus rien à faire », et puis on voit que cela continue à baisser, on voit des courbes assez impressionnantes sur plusieurs années.

Guillaume Truttmann, analyste gérant chez Quilvest Gestion : C’est assez surprenant et je pense qu’il y aura encore des impacts de cette décision. On a un 10 ans allemand aujourd’hui autour de 0,30, il y a encore une prime de risque pour les investisseurs si ils investissent sur des titres obligataires gouvernementaux en Italie, en Espagne, même en France, il en existe, et puis une question que se posent aussi les investisseurs, c’est de savoir si la BCE ira racheter les obligations à des taux négatifs, et donc il n’est pas impossible que la BCE aille acheter des obligations sur la partie longue de la courbe et donc continue à faire baisser les taux longs, notamment les taux à 30 ans par exempl, et donc aplatir cette courbe des taux. Donc les effets ne sont peut-être pas encore à leur maximum aujourd’hui sur les taux souverains.

Web TV www.labourseetlavie.com : On voit quand même une différence avec… sur les taux périphériques, on a l’impression que, si on prend l’Italie ou l’Espagne, que les investisseurs en oublieraient presque les risques de ces pays-là ?

Guillaume Truttmann, analyste gérant chez Quilvest Gestion : Oui, après ce sont des pays qui ont quand même, en tout cas pour l’Espagne, le Portugal, qui ont mis en œuvre des réformes structurelles, alors effectivement il y a des risques et les risques sur l’année 2015 vont être similaires à ce que l’on a rencontré en Grèce dans une moindre mesure, certes, mais effectivement il y a des échéances électorales qui approchent. Donc il y aura toujours des risques, c’est certainement la raison pour laquelle il y a encore une prime de risque sur ces pays. D’autres problèmes ne sont pas résolus mais effectivement le fait que la BCE va déployer 1000 milliards d’euros sur 18 mois sur ces pays, la majorité sera finalement… la plus forte partie sera sur l’Italie puisque c’est au poids de la dette de chaque État. On comprend et cela explique pourquoi aujourd’hui les taux des états périphériques continuent de se resserrer et de tendre vers les taux allemands.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le sujet du moment c’est bien entendu le sujet grec, on a vu l’intervention de la Banque centrale européenne justement à ce sujet par rapport aux obligations grecques, on sent bien qu’il y a une pression qui est très forte sur la Grèce, est-ce que cela peut créer de la volatilité ? Est-ce que c’est déjà le cas ?

Guillaume Truttmann, analyste gérant chez Quilvest Gestion : C’est déjà le cas clairement, c’est le cas depuis que l’ancien premier ministre a annoncé effectivement la dissolution et les votes pour nommer un nouveau président. C’est le cas depuis également l’élection et ce sera, à notre avis, le cas dans les prochains mois pour les raisons que l’on observe aujourd’hui c’est-à-dire que le discours grec n’est pas le même quand ils sont chez eux que quand ils sortent de chez eux, c’est-à-dire qu’il n’est pas le même à l’égard des électeurs qu’à l’égard des instances européennes. Il ne semble pas très bien « ficelé ». Les mesures qui pourraient être prises ne sont pas réellement connues. Et puis, si on arrive à un accord prochainement, ce qui sera certainement le cas, avec les instances européennes, il faudra ensuite soumettre cet accord au nouveau parlement qui est un parlement de députés qui sont pour certains des débutants dans l’exercice de la fonction politique, et, en conséquence, il y aura certainement encore de la volatilité quand le projet sera présenté à l’assemblée grecque.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc là il y aura toujours une question politique, donc difficile à trancher.

Guillaume Truttmann, analyste gérant chez Quilvest Gestion : Est-ce qu’il n’y aura pas de nouvelles élections encore bientôt en Grèce puisque la Grèce s’enfonce, jour après jour, dans cette impasse qui est celle de la négociation sur leur dette et la mise en œuvre du programme qui a été présenté par Alexis Tsipras à ses électeurs.

Web TV www.labourseetlavie.com : Si en Europe on est sur ces taux bas, on avait en tête un scénario 2015 aux États-Unis de remontée des taux à la mi-2015, c’était le consensus en tout cas, mais comme tous les consensus, il faut s’en méfier, aujourd’hui ce n’est visiblement plus le cas. Est-ce que votre scénario a évolué vous aussi sur les taux aux États-Unis ?

Guillaume Truttmann, analyste gérant chez Quilvest Gestion : Effectivement ce scénario mi-2015, c’est une échéance qui devrait être retardée pour plusieurs raisons, notamment le fait qu’aujourd’hui on a un dollar qui s’est fortement renforcé, qui pourrait impacter effectivement les chiffres économiques américains, et puis une inflation qui est un peu à risque avec un pétrole aujourd’hui qui a fortement chuté et qui pourrait peser sur l’inflation américaine. Néanmoins, on voit qu’aujourd’hui les chiffres économiques aux États-Unis plaident toujours en faveur d’un dynamisme aujourd’hui de l’activité économique aux États-Unis, une croissance qui est élevée, un taux de chômage qui est très faible. Alors, certes, on a eu des commandes de biens durables qui ont surpris négativement, néanmoins il y a toujours une activité économique importante, dynamique aux États-Unis, et on conçoit mal finalement la Fed ne pas remonter dans les prochains mois, d’ici la fin de l’année 2015, ses taux au risque de ne plus être en phase avec le cycle économique dans lequel sont aujourd’hui les États-Unis.

Web TV www.labourseetlavie.com : Cela reste votre scénario aujourd’hui, en tout cas donc en 2015.

Guillaume Truttmann, analyste gérant chez Quilvest Gestion : Tout à fait, oui voilà, et certainement peut-être décalé à la fin du second semestre 2015, autour du second semestre 2015, mais voilà, effectivement peut-être pas dans les deux ou trois mois qui viennent.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci, Guillaume Truttmann, d’avoir fait le point avec nous.

Guillaume Truttmann, analyste gérant chez Quilvest Gestion : Merci à vous.