Jacques-Antoine Bretteil Président Financière ICG : "Une distorsion entre la sphère économique et la sphère financière".
Stratégie d'investissement et perspectives 2015

11 mai 2015 17 h 50 min
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Si les marchés sont moins tranquilles depuis quelques jours, l’engorgement des flux sur les marchés actions pose problème à l’investisseur.

Pas facile d’être contrariant sur ces marchés car il faut bien investir sauf à être dépassé par ces flux, oui mais avec précaution !

“Je suis très méfiant sur les Etats-Unis” confie également dans cet interview Jacques-Antoine Bretteil Président Financière ICG.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Jacques-Antoine Bretteil, bonjour. Vous êtes le président de la Financière ICG. On va parler avec vous de marchés et de perspectives sur ces marchés. Dans quelle configuration, on pourrait dire, êtes-vous aujourd’hui quand on voit ces marchés Actions qui, avec tous ces flux…, vous vous sentez à l’aise, vous ?

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Non, justement, vous parlez de flux, c’est presque un problème de plomberie. Vous avez d’un côté des flux qui se déversent sur les marchés, qui viennent essentiellement des banques centrales, qui ont alimenté cette hausse depuis maintenant cinq, six mois, qui continuent et qui continuent d’autant plus qu’il n’y a pas, apparemment aujourd’hui, de placements alternatifs. Donc vous avez cette espèce d’engorgement sur les marchés qui fait que les cours ont été tirés à la hausse et souvent sans rapport avec la réalité. Moi, ce que je n’aime pas, si vous voulez, c’est qu’il y a une distorsion trop forte entre la sphère économique réelle et la sphère financière. Or aujourd’hui, je crois que depuis 1987, avant le krach, on n’a jamais vu cela. Donc je suis en position inconfortable. J’ai fait pas mal de liquidités mais malheureusement pas au top puisque les marchés ont continué, mais j’ai beaucoup de liquidités, entre 30 et 40 % de liquidités, que j’espère pouvoir mobiliser dans les semaines qui viennent, justement à la faveur d’une correction du marché ou d’une phase de respiration du marché que tout le monde attend finalement.

Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, l’enjeu est là c’est-à-dire qu’on l’attend, elle n’arrive pas, et on voit ces progressions sur les marchés Actions qui continuent, ces flux qui sont toujours là ?

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Ces flux sont toujours là d’autant plus que vous avez maintenant les fonds d’investissement qui commencent un petit peu à se délester du marché américain, qui viennent vers les marchés européens et cela continue à alimenter cette hausse, cette hausse que je considère un peu comme artificielle. Donc le jour où effectivement les résultats de sociétés ne seront en adéquation avec le niveau des cours, là je pense qu’il y aura un mouvement de repli assez sévère, un mouvement de correction qui ne sera certainement pas neutre.

Web TV www.labourseetlavie.com : De votre point de vue, c’est plutôt aux États-Unis avec notamment la hausse du dollar que l’on devrait avoir de mauvaises surprises ?

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Je pense que l’on aura des mauvaises surprises du côté américain alors que personne ne s’y attend. Donc c’est probablement là une mauvaise nouvelle qui risque de guider les marchés dans la deuxième partie de l’année. Donc je suis très, très méfiant sur les États-Unis. Moi je n’ai plus de position américaine, que des positions européennes, et cela peut prendre un certain temps, mais je pense que l’on risque d’être déçu.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a toujours les « mêmes risques », notamment du côté de la Grèce, on voit que cela discute, on voit que cela…

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Oui, mais justement, tout cela a été occulté jusqu’à présent, or le problème grec n’est pas réglé, le problème ukrainien n’est pas réglé, vous avez des tas de problèmes qui ont été mis un peu sous le tapis et ces flux d’investissement qui sont venus ont complètement occulté la réalité, ce qui fait que, un jour, on va se réveiller avec un gros problème.

Web TV www.labourseetlavie.com : C’est vrai que de l’autre côté, du côté des marchés obligataires, on voit ces niveaux de taux, on commence à avoir un peu de réaction quand même sur les taux allemands, mais on a surtout mis en avant le fait que la Banque centrale européenne avait réussi son programme de quantitative easing, même peut-être plus vite que prévu ?

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Beaucoup plus vite que prévu et c’est vrai que M. Draghi a pris le taureau au moment où il fallait le prendre et ce fait d’injecter des liquidités à la suite de la Réserve fédérale américaine, de la banque de Chine, de la banque du Japon, de la banque britannique, donc toutes les banques centrales se sont mises quasiment à l’unisson, ce qui fait qu’effectivement ce déversoir est devenu quasiment planétaire. Mais vous avez raison de dire qu’il commence à se passer quelque chose sur les marchés de taux. D’abord parce qu’on a le sentiment que le point d’inflexion bas a été dépassé et que cette fois-ci les taux ne peuvent que remonter, ce qui va probablement se passer. Alors, on n’a pas de calendrier, on ne sait pas exactement, je pense que c’est la Réserve fédérale américaine qui appuiera sur le bouton la première. Est-ce que c’est à la rentrée ? Est-ce que c’est à la fin de l’année, au début de l’année prochaine ? Personne ne sait. Mais, ce qui est certain, c’est qu’effectivement le jour où les taux d’intérêt vont commencer à remonter de manière manifeste, aujourd’hui on sent qu’il y a effectivement ce point bas qui a été touché, mais le jour où les taux vont commencer à remonter sérieusement, là vraisemblablement, je pense qu’il y aura une prise de conscience pour le marché des actions.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a commencé aussi, et cela nous rappelle des souvenirs des années 2000, à voir des articles parlant des Français qui s’intéressent à la bourse, des gens qui n’avaient pas d’actions s’y intéresser, cela, cela peut être symptomatique ?

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Ça, ça ne sent pas bon, cela ne sent pas bon, c’est toujours comme cela que cela se termine, un cycle, c’est toujours le pékin qui met un doigt dans la confiture et qui finalement se faire refermer le pot sur les doigts. Donc je me méfie beaucoup, beaucoup, beaucoup, et je vous dis, en ce moment, j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de problèmes, beaucoup de problèmes et beaucoup de points d’interrogation qui risquent de marquer la deuxième partie de l’année.

Web TV www.labourseetlavie.com : On pourrait dire, pour ajouter à cette question, comme il y a eu beaucoup de flux, quand les flux effectivement bougent sur les indices, sur les actifs, les classes d’actifs, cela se sent de manière effectivement spectaculaire ?

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Oui, ça c’est évident. On a changé de mesures, on a changé de monde. On est dans un autre monde et le fait qu’effectivement, pour le moment, on a canalisé ces énormes flux d’investissement sur les marchés d’actions, ils se sont envolés. Mais le jour où les taux d’intérêt vont commencer à remonter, je pense qu’il y aura des réelles allocations d’actifs vers les marchés obligataires, ce qui me fait dire que, à ce moment-là, il pourrait y avoir de gros soucis sur les marchés Actions.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a aussi, il faut le prendre comme une déclaration, ce qu’a dit Christian Noyer, là récemment, le gouverneur de la Banque de France, qui dit : « Finalement, les taux bas, il y en a au moins pour 18 mois », on se reprojette , on parle de l’Europe bien entendu, mais est-ce que cela veut dire, quand il dit cela, que c’est peut-être exact sauf qu’il y a ce qui va se passer aux États-Unis   entre temps ?

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Moi je pense que, de toute façon, les taux vont remonter effectivement, alors le calendrier, je vous dis, encore une fois, je ne sais pas, mais à partir du moment où ils ont commencé à remonter aux États-Unis, cela aura forcément des implications immédiates au niveau européen, forcément. Donc c’est à partir de ce moment-là que l’on pourra mesurer l’impact justement de cette hausse de taux sur les marchés européens.

Web TV www.labourseetlavie.com : C’est-à-dire que l’on peut continuer à dire qu’ils vont rester bas sauf qu’ils auront quand même bougé ?

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Ils auront certainement bougé. Bien sûr on ne retrouvera pas des taux de 7 %, de 6 %, c’est clair, mais à mon avis on peut raisonnablement imaginer que les taux longs seront à 3, 4 %, ça ce n’est pas du tout impossible, et je peux vous dire qu’entre 0 et 3, 4 %, c’est là aussi un monde différent. Donc cela peut avoir des implications malheureusement assez sanglantes sur les marchés.

Web TV www.labourseetlavie.com : Un particulier qui aujourd’hui aurait raté quelques pas ces mouvements que l’on vient de rappeler, que l’on vient d’évoquer ensemble, aujourd’hui il a intérêt à attendre ?

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Aujourd’hui, il aurait, à mon sens, plutôt intérêt à attendre ou en tout cas être très sécuritaire. Alors, il y a deux, trois titres que… justement, il faut parler du rendement aussi parce que finalement quand vous n’avez plus d’intérêt sur les taux, voir un peu le rendement, et vous avez sur la cote aujourd’hui des taux de dividende de 4, 5 % sur des EDF, sur des Gaz de France qui ne s’appellent plus Gaz de France, qui s’appellent Engie maintenant, qui sont sécurisés et qui à mon avis devraient pouvoir se mettre un petit peu en avant alors que justement ce sont des titres qui n’ont rien fait depuis le début de l’année. Donc ça, c’est effectivement le genre de titres que je pense que l’on peut mettre en portefeuille sans trop de risques.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le mot de la fin, une valeur emblématique que vous aimiez bien, Alcatel-Lucent, qui passe, qui va passer, si cela se fait, sous le contrôle de Nokia, donc une fusion, l’actionnaire, il s’en sort bien si il participe à ce projet ?

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Justement, il s’en sort bien, oui et non, c’est-à-dire que, vu le contexte, effectivement, c’est une belle opération pour l’actionnaire. Ceci dit, j’ai l’impression que les dirigeants d’Alcatel se sont un petit peu faits avoir dans la mesure où les résultats de Nokia qui sont sortis sont mauvais, je pense que de toute façon personne n’imaginait qu’ils allaient être très bons, mais enfin là ils sont mauvais, ce qui a plombé les deux titres puisque maintenant il y a une parité qui s’opère, et ça, les actionnaires d’Alcatel ne le supporteront pas très longtemps. Donc, à mon sens, les résultats d’Alcatel ne vont pas tarder à sortir, s’ils sont très bons, comme moi je le suppose, à ce moment-là, les actionnaires vont se rebiffer et vont redemander un changement de parité.

Web TV www.labourseetlavie.com : Voilà, oui, et puis il faut rappeler que l’on parlait là des actionnaires récents parce que ceux qui ont connu Alcatel les années 2000, ça c’est plus…

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : Ça c’est sûr, ça c’est sûr. Mais enfin, de toute façon, certains ont fait des moyennes en baisse, heureusement, et s’en sortent plutôt pas trop mal.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Jacques-Antoine Bretteil.

Jacques-Antoine Bretteil, Président de la Financière ICG : C’est moi qui vous remercie.