Jean-Jacques Friedman Directeur des Investissements VEGA IM : "Cette phase de normalisation n'est plus possible" (Taux).
Stratégie d'investissement et allocation d'actifs 2016
Nouveau contexte de marchés après un mois de janvier difficile pour les investisseurs actions, comment faire évoluer la stratégie d’investissement ?
Les politiques monétaires divergent, quid de la normalisation par la FED, le pétrole si bas inquiète, la croissance plus faible en Chine également.
Tour d’horizon des questions d’actualités avec mon invité Jean-Jacques Friedman Directeur des Investissements VEGA IM
Web TV www.labourseetlavie.com : Jean-Jacques Friedman, bonjour.
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Bonjour Didier.
Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes le directeur des investissements de VEGA IM. On va parler avec vous de stratégie d’investissement dans cette période un petit peu compliquée pour les investisseurs. Un petit mot rapide pour commenter ces dernières semaines. Si on devait dire quelque chose, c’est quoi ? C’est plus de volatilité clairement ?
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Oui. Risk-on risk-off, c’est vraiment ça. C’est à la fois le scénario qu’on a fait. Ça a été peut-être plus rapide que ce qu’on attendait. Depuis septembre, on voyait un tournant vraiment. Jusqu’à présent, c’était une tendance haussière très clairement établie. Au moins, on savait que la tendance haussière était au moins contestée. Ensuite, ça a été peut-être un peu plus violent et plus rapide. Donc, des alternances et de la volatilité, ça oui.
Web TV www.labourseetlavie.com : Alors pour les investisseurs, il y a deux manières de voir les choses. Il y en a qui ont gardé effectivement ces marchés pétroliers et continué à descendre en termes de prix et commencé à s’inquiéter sur le ralentissement finalement de l’économie mondiale. Est-ce que ça, ça a joué aussi comme facteur déclenchant ou est-ce que c’est plus la Chine ? Qu’est-ce qui finalement a amené cette inquiétude ?
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Alors, on y reviendra peut-être. Pour moi, ce n’est pas vraiment la Chine. C’est-à-dire que la Chine, c’est évidemment important, mais c’est acté. C’est une officialisation. C’est-à-dire que demain, si vous étiez un exportateur européen, vous exportez toujours la même chose aujourd’hui que vous sachiez que la Chine fasse 7 % ou fasse 3 – 4, comme on le dit maintenant. Je crois même que sur la Chine, on aurait plutôt des petits éléments de réconfort. C’est-à-dire qu’il y a eu la période d’officialisation. Il y a 3 – 4 de croissance en Chine. Il y a peut-être même 1 % de plus cette année. Il y a un peu plus d’industrialisation. La transition vers les services se fait. Et puis ce qui se passe sur la Chine, l’écroulement boursier, ça n’a rien à voir en fait avec la santé économique chinoise. Donc ça, c’est déjà un point. Après sur le pétrole, ce n’est pas un baromètre finalement de la nature de l’économie, mais c’est dangereux. C’est comme un médicament quand on le prend. Au début, c’était une bonne nouvelle jusqu’à peut-être 50 dollars ; au-delà, ça peut mettre en risque et en péril les investissements des monarchies pétrolières. Ça peut mettre en péril des faillites de banques qui ont prêté à des foreurs aux États-Unis. Donc, c’est vraiment cette démarche-là. Donc, c’est plus un risque à un moment donné que le baromètre en fait de la croissance, je pense. Oui.
Web TV www.labourseetlavie.com : Alors on pourrait dire que tout cela s’est passé après la décision de la Réserve fédérale américaine de commencer à monter ses taux. Et on voit d’ores et déjà des sujets sur est-ce qu’il va y avoir une prochaine hausse de taux en mars ? Certains disent finalement, ce n’est pas si évident que ça, compte tenu du nouveau contexte. On a l’impression qu’entre novembre, décembre et aujourd’hui, pourtant en un mois et demi, il n’y a pas…
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Oui, mais je pense que le problème central, le vrai problème, c’est la montée des taux de la FED et c’est le fait que les gens se rendent compte que la normalisation qu’on espérait à un moment donné, elle n’est presque plus possible. Et c’est ça le schéma qu’on va devoir traverser et qui va faire de la volatilité. C’est-à-dire que les marchés ne remettaient pas en cause que les taux devaient baisser fortement à la suite de la crise de 2009, mais il se disaient à un moment donné, on reviendra à la normale avec des taux qui seraient susceptibles de remonter, etc. Je pense que ce qu’on a appris l’année dernière, au milieu de l’année dernière, c’est que cette phase de normalisation n’est plus en réalité totalement possible. Ça veut dire qu’en fait, quel que soit le mot qu’on lui donne – c’est une stagnation séculaire si on parle croissance ou environnement durable de taux bas – c’est vrai qu’on voit bien qu’au moment où le cycle de croissance américain calera et il calera un jour ou l’autre, eh bien, on ne sera pas revenu à une situation comme on connaissait avant, avec des taux qui remontent à 5 et 6. Et c’est ça qu’on doit apprendre à surmonter et qui créera la volatilité au cours des prochaines semaines. Plus, je pense, que les problèmes chinois et éventuellement plus que l’OPEP où on ne sait jamais, il peut y avoir une décision au niveau de l’OPEP qui rejaillisse sur le prix du pétrole plus globalement. C’est le point central, tout à fait.
Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, on commence à avoir quelques signaux du côté de l’OPEP, notamment de l’Arabie Saoudite, disant en gros, la fin de la partie, c’est un peu cette année.
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Tout le monde est perdant. C’est suicidaire. C’est collectivement suicidaire. Alors, j’ai entendu que la Russie, qui portant est un des gros perdants, freinait un petit peu. Mais à un moment donné, il peut y avoir peut-être cette résolution possible.
Web TV www.labourseetlavie.com : Quand on voit, vous avez entendu comme moi, Georges Soros dire « on se retrouve comme en 2008. On a eu aussi effectivement ces annonces. » D’autres dirent, finalement on va retomber en récession aux États-Unis en 2016. C’est pareil, si on se remet trois – quatre mois en arrière, on n’avait pas du tout ce scénario-là. Comment on peut basculer là vraiment d’un côté à l’autre ?
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Oui. Alors, heureusement, je crois qu’on ne retombera pas justement en récession aux États-Unis, ce qui est un point important. Parce que là, ça aurait été dangereux parce qu’il n’y a plus d’arme budgétaire. Le déficit est à 90 %. Il n’y a plus d’arme monétaire, les taux sont à 25 centimes, ils ont tout essayé. Je crois qu’on ne tombera parce qu’en gros, ¾ c’est sur la consommation et là, il y a du pouvoir d’achat des ménages, il y a une baisse de l’inflation, il y a une baisse du pétrole et puis il y a quand même un chômage qui continue à s’améliorer. La surprise, c’est qu’avec un taux de chômage de 5, il y a encore près de 300 000 créations d’emploi. C’est-à-dire qu’il y a plein de gens qui avait abandonné le marché du travail et qui se remettent, et qui potentiellement arrivent encore, donc il y a un soutien de ce côté-là. L’industrie, ce n’est pas extraordinaire. Ça fait un petit 15 % et l’industrie souffre un peu de la baisse finalement de l’euro face au dollar. Et de l’autre côté, il y a 7 – 8 % d’extraction pétrolière qui eux sont peut-être à – 30. Mais l’un dans l’autre, c’est-à-dire que le risque est asymétrique. On a 2,5, on ne voit pas 3,5. On peut avoir des mois à 1 – 1,5. Et ces mois-là, même si on pense qu’on ne retombera pas en récession, le marché va peut-être s’amuser un peu à se faire peur. Donc, on peut avoir déjà le prochain trimestre à 1, le marché se fera peur. Mais je ne crois pas face à la force à la fois de la consommation et de l’investissement résidentiel qui reste très fort, qu’on retombera en récession. Mais on peut se faire peur. Heureusement, oui.
Web TV www.labourseetlavie.com : Pour les investisseurs, au cours des derniers mois, on était très souvent en faveur notamment des actions européennes en mettant en avant ce côté alignement des planètes. Alors, on n’en entend plus tellement parler aujourd’hui, mais disant qu’il y avait un début de croissance.
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Ils ont découvert une nouvelle planète. Vous avez vu ?
Web TV www.labourseetlavie.com : Exactement. Début de croissance améliorée. Et puis il y avait cette baisse de l’euro face au dollar, il y avait le pétrole. Donc, on avait tous ces éléments. Est-ce que c’est encore le cas ? Est-ce qu’aujourd’hui on peut encore favoriser cette zone ?
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Oui. C’est encore le cas, je crois. Mais ce qu’il y a, c’est qu’il y a un scénario médian, neutre, où il n’y a pas tellement de bonnes surprises. C’est-à-dire que par exemple l’année dernière, on disait, le Gouvernement prévoyait 1 % de croissance. On pouvait avoir mieux. Cette année, c’est 1,6. Donc, je crois que c’est tout à fait crédible, mais il n’y aura pas vraiment mieux. Et ce 1,6 de croissance peut faire 7 – 8 % de hausse de résultat. Ça, ça paraît crédible. Par contre, on voit bien que des cygnes noirs, on n’en a pas du côté positif, mais du côté négatif, on peut en avoir beaucoup. Donc, je crois que c’est encore le marché européen et le marché japonais sur lequel on est vraiment positionné qui nous semblent les marchés les plus intéressants. Et le marché américain lui qui nous semble plus dangereux et fragile. À la limite, les marchés émergents, il peut y avoir un contre-pied. Les gens sont absents, etc. Le marché américain, on voit vraiment, les marges sont à des niveaux records, les PER sont élevés et puis surtout, techniquement, il y a une faiblesse du nombre de titres qui participent à la hausse. Le marché avait fait zéro avec cinq – dix titres qui faisaient la hausse sur le S&P 500. Si ça se retourne, on voit vraiment une zone de faiblesse qui n’est pas sur le marché européen. Oui, tout à fait.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc effectivement, on suivra ce marché-là puisque c’est vraiment là où on peut concentrer les investissements.
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Oui, j’y crois tout à fait.
Web TV www.labourseetlavie.com : Merci d’avoir fait le point avec nous Jean-Jacques Friedman.
Jean-Jacques Friedman – Directeur des investissements VEGA IM : Merci beaucoup.
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