Jean-Marc Delfieux Gérant Tikehau Investment Management : "La BCE a beaucoup promis".
Marchés obligataires : des taux qui flirtent vers de nouveaux records à la baisse
Encore une surprise sur les marchés de taux, avec des records à la baisse sur le 30 ans US et sur le Bund allemand.
Les marchés obligataires ne cessent de réserver des surprises à certains investisseurs prompts à considérer que le mouvement de hausse était déjà enclenché aux Etats-Unis.
Quelle stratégie dans ces marchés crédit, taux, high yield ?
Mon invité pour un tour d »horizon de ces marchés obligataires est Jean-Marc Delfieux Gérant Tikehau Investment Management
Web TV www.labourseetlavie.com : Jean-Marc Delfieux, bonjour. Vous êtes gérant chez Tikehau Investment Management. On va parler avec vous de marchés obligataires, de perspectives sur ces marchés, il s’est passé pas mal de choses. Je pourrais dire « il y a eu les discours des banquiers centraux », mais il y a eu aussi ce qui se passe sur les taux, on a vu le 30 ans au plus bas depuis 15 mois, on a vu en Allemagne des taux très, très bas, comment on en arrive là finalement sur ces marchés obligataires ? Est-ce qu’il y a des explications ?
Jean-Marc Delfieux, Gérant chez Tikehau IM : Il y a plusieurs explications. D’abord les marchés de taux sont la surprise de l’année, presque, le consensus était haussier sur les taux, effectivement, et surtout en Europe, les taux sont au plus bas, le bund est passé largement sous 1 % ces derniers jours. Effectivement les perspectives d’inflation sont également revues à la baisse et cela commence à inquiéter un petit peu la BCE, la BCE qui s’exprime jeudi prochain, et puis on sent qu’il y a justement une prise en compte, une anticipation de mesures supplémentaires de soutien à l’économie par le biais d’une politique monétaire exceptionnelle par la BCE, et peut-être l’effet TLTRO, donc cette possibilité pour les banques d’emprunter très peu cher à deux ans et quatre ans. Effectivement l’impression qu’il y a eu des achats un petit peu avant ces TLTRO.
Web TV www.labourseetlavie.com : On peut se dire que les investisseurs peut-être font fausse route et que ce n’est pas ce qui va arriver, en tout cas dans les prochains mois, peut-être que la BCE ne pourra pas aller aussi vite que leurs attentes ?
Jean-Marc Delfieux, Gérant chez Tikehau IM : Alors, la BCE a beaucoup promis, et aussi récemment qu’à Jackson Hole, la semaine dernière, effectivement elle a parlé de cette baisse des perspectives d’inflation qui inquiète puisque son mandat c’est de maintenir l’inflation vers 2 % et un petit peu en dessous. Là effectivement il y a eu un décrochage cet été et on l’a vu encore aujourd’hui avec des chiffres d’inflation en Espagne qui sont négatifs sur l’année, c’est -0,6, on n’avait pas vu cela depuis 2009. Et la BCE a donc beaucoup promis parce que, non seulement les perspectives d’inflation l’inquiète, mais également la diffusion des taux bas qu’elle propose ne se fait pas ou ne se fait pas assez bien, soit pour les PME, soit pour certaines zones toujours comme la périphérie. Donc effectivement elle est très attendue. On l’attend avec un programme de rachat d’ ABS c’est-à-dire elle a mandaté hier Blackrock pour la conseiller sur ce sujet. On l’attend éventuellement avec une sorte de programme de quantitative easing, même si quantitative easing souvent cela paraît très compliqué à mettre en place, mais effectivement est-ce que un TLTRO où les banques vont s’en servir pour acheter leurs souverains domestiques n’est pas une sorte de quantitative easing, on peut se demander. Elle est très attendue… d’ailleurs on l’a vu, les taux ont énormément baissé, presque pratiquement en ligne droite ces derniers jours, est-ce qu’elle est peut-être un petit peu trop attendue ? On verra cela, réponse la semaine prochaine.
Web TV www.labourseetlavie.com : Il y a aussi effectivement ce que l’on disait sur la Réserve fédérale américaine, là on pourrait dire que… en tout cas la communication reste en phase avec les investisseurs, mais est-ce que là aussi il ne peut pas y avoir de… parce qu’on s’est qu’il y aura une remontée de taux effectivement, peut-être plus rapide que prévu, est-ce que cela ne peut pas être un souci ?
Jean-Marc Delfieux, Gérant chez Tikehau IM : Cela peut-être un souci, déjà parce que les deux zones sont très asynchrone la BCE, elle, continue, continue son soutien monétaire, politique monétaire exceptionnelle, la Fed va donc le retirer, elle l’annonce. Elle l’annonce mais elle a bien noté les signes de reprise économique qui sont assez évidents aux États-Unis, mais elle s’interroge encore sur la qualité de cette reprise. Et donc, effectivement, la Fed a un discours qui est : « on va faire évoluer la politique monétaire, mais en fonction des chiffres économiques à venir. » Il est vraisemblable qu’effectivement la reprise se confirme et qu’elle finisse par remonter les taux, peut-être mi-année l’année prochaine, 2015, mais la communication est difficile. Les marchés pricent et parlent d’une fin de politique accommodante depuis mai 2013 maintenant, donc ils l’ont déjà largement en tête. Après il faut arriver pour la Fed, et c’est toute la difficulté de l’exercice, c’est d’arriver à manier ces anticipations de marché avec prudence. Il ne s’agit pas de provoquer effectivement un glissement obligataire. Pour l’instant l’exercice est plutôt bien mené, mais c’est vrai qu’on a l’impression que la Fed est presque prête à être un petit peu derrière la courbe c’est-à-dire à ne monter les taux, ses taux, que lorsqu’elle aura vraiment la confirmation que la reprise économique américaine est sur la voie. Et là effectivement il y a un petit risque que les marchés de taux partent un petit peu avant elle, c’est un risque.
Web TV www.labourseetlavie.com : Oui parce que l’on a vu des débats au sein même de la Fed, certains disant, certains membres disant qu’il fallait y aller quelque part sur cette remontée de taux, il ne fallait pas attendre parce que l’on sait que cela prend toujours quelques mois avant d’avoir un effet sur l’économie.
Jean-Marc Delfieux, Gérant chez Tikehau IM : C’est vrai. Ils sont minoritaires pour l’instant, et très minoritaires. Effectivement la majorité des membres de la Fed voudraient avoir confirmation notamment de la qualité des créations d’emplois, et là-dessus on pense que… nous pensons qu’ils vont attendre un petit peu avant d’avoir des certitudes.
Web TV www.labourseetlavie.com : Pour l’investisseur qui voit cette évolution-là, ces discours, on disait la surprise de ces marchés obligataires, comment ils vont se positionner pour les prochains mois ? Quel type de stratégie on met en place dans ce cas-là ?
Jean-Marc Delfieux, Gérant chez Tikehau IM : Les gens qui font du fix income et qui ne peuvent pas faire de créditsont certainement assez embêtés. Est-ce que les assureurs ont acheté du bund à -20 % ? C’est très peu évident. En revanche, il leur reste le crédit et on les a déjà vus depuis plusieurs années venir, on les a vus en 2014 accentuer leurs allocations sur le crédit, le crédit reste une alternative qui est largement valable avec d’autres, et en plus avec une légère… enfin il y a eu une correction qui a été violente mais très temporaire sur le high yield par exemple cet été. Pour nous le crédit, et notamment le high yield, va rester une alternative tout à fait valable. Vous avez des rendements qui tournent entre 4 et 7 % sur des Corporate qui sont bien gérés, dont les ratios de crédit restent tout à fait encadrés, sans taux de défaut. Pour nous cela va rester largement une proposition très valable avec sûrement d’autres choses comme les subordonnées financières par exemple.
Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Jean-Marc Delfieux d’avoir été avec nous.
Jean-Marc Delfieux, Gérant chez Tikehau IM : Merci.
© www.labourseetlavie.com. Tous droits réservés, le 31 août 2014.
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