Laetitia Baldeschi Stratégiste CPR AM : "Le mot d'ordre, c'est la réactivité".
Stratégie d'investissement et évolution de l'allocation d'actifs
Retour sur l’actualité économique et financière avec la politique monétaire américaine.
Fed, BCE, derrière l’action des banques centrales, comment évolue la stratégie d’investissement ?
Notre invitée est Laetitia Baldeschi Stratégiste CPR AM.
Web TV www.labourseetlavie.com : Laetitia Baldeschi, bonjour. Vous êtes stratégiste chez CPR Asset Management. On va parler de marchés et de perspectives avec vous. Comment vous aborde, vous, peut-être pas cette nouvelle ambiance mais c’est vrai que l’on parle de plus en plus de ce qui se passe aux États-Unis, de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine, cette stratégie sur les marchés obligataires ? Est-ce que vous êtes dans le consensus c’est-à-dire est-ce que vous pensez calmement que la hausse arrivera au printemps 2015 comme on nous l’annonce ?
Laetitia Baldeschi, stratégiste chez CPR AM : Oui, c’est vrai que chez CPR Asset Management nous sommes plutôt dans le consensus au niveau de la conjoncture américaine, de l’analyse de cette conjoncture américaine et de ses conséquences en termes de conduite de la politique monétaire. Alors effectivement nous envisageons plutôt un premier relèvement de taux effectué par la Réserve fédérale autour du mois de juin, alors au second trimestre très certainement, peut-être plutôt le mois de juin. C’est un petit peu plus tôt que ce qu’anticipe le marché obligataire qui était plutôt sur le mois de septembre avant la réunion d’hier soir. Voilà, donc nous, nous sommes plutôt sur le mois de juin.
Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que pour autant votre scénario est simple comme certains investisseurs le voient en chaussant un petit peu leurs lunettes roses en disant : « Tout cela va bien se passer, c’est bien piloté par la Réserve fédérale américaine » ou est-ce que vous êtes un petit peu plus prudente ?
Laetitia Baldeschi, stratégiste chez CPR AM : Écoutez, nous sommes plutôt prudents au sens où, comme l’indique la Réserve fédérale dans ses communiqués, nous allons être dépendants des données macro-économiques et que nous ne sommes pas à l’abri d’un retournement ponctuel de situation, d’événements géopolitiques qui pourraient venir contrecarrer notre scénario central. Pour le moment, je dirais que les choses se passent à peu près comme on les avait imaginées, on a eu un rebond du marché immobilier, confirmé là par les récentes statistiques, la consommation américaine est aussi assez dynamique, l’industrie se reprend, donc nous sommes sur un rythme de croissance instantané au-delà des 3 %. Les choses, je dirais, se récupèrent. On va dire ça comme ça. Le marché de l’emploi reste encore un peu inquiétant, selon d’ailleurs la Réserve fédérale elle-même qui met en avant notamment la modération des salaires, et donc sur ce côté-là nous restons prudents et il est clair que si le marché de l’emploi ne s’améliorait pas durablement et sensiblement dans les prochains mois, la Réserve fédérale attendrait un petit peu plus longtemps pour relever ses taux.
Web TV www.labourseetlavie.com : On a vu tout de même, au sein même de la Réserve fédérale américaine, qu’il y avait certains membres qui voulaient que cela aille plus vite, que quelque part ils estimaient que l’économie américaine est suffisamment aujourd’hui en bon état pour que la Réserve fédérale arrête sa politique actuelle.
Laetitia Baldeschi, stratégiste chez CPR AM : Oui, il y en a un notamment qui est toujours… enfin qui est depuis quelques mois déjà un peu à contre-courant de la majorité du board, mais c’est aussi le fait de prendre en considération plusieurs personnes avec plusieurs avis et plusieurs types d’analyse différente, sensibilité différente, qui fait aussi la richesse du board et lui permet, jusqu’à présent en tout cas, d’avoir manœuvrer relativement bien cette période qui a été très compliquée pour tout le monde comme on a pu le voir.
Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté de la Banque centrale européenne, on est dans un autre schéma forcément puisque on n’a pas la même conjoncture économique aujourd’hui, est-ce que vous diriez que la Banque centrale européenne arrive un petit peu tard ou qu’elle arrive un petit peu à la fin de ses moyens qu’elle peut mettre en œuvre, des moyens qu’elle peut mettre en œuvre pour l’économie de la zone euro ?
Laetitia Baldeschi, stratégiste chez CPR AM : Pour la Banque centrale européenne, les choses sont beaucoup plus compliquées parce que, déjà, elle doit gérer 18 économies qui ne fonctionnent pas toutes, malheureusement, de la même façon et donc qui ne réagissent pas toutes de la même façon aux seuls instruments dont elle dispose. Donc ça c’est un souci pour la Banque centrale européenne. Il nous semble quand même que, depuis 2012 en tout cas, elle a montré un pragmatisme à toute épreuve, beaucoup de réactivité. Elle nous a surpris, nous en tout cas chez CPR Asset Management à plusieurs reprises, par sa réactivité justement et elle a été au-delà de ce que l’on avait en tête. Maintenant la situation est très compliquée en Europe et il est clair que nous ne sommes pas sur le même rythme d’activité de part et d’autre de l’Atlantique. Donc ceci va conditionner évidemment des politiques monétaires très différentes, un resserrement, pas un resserrement, mais une moindre accommodation, on va dire, enfin quelque chose de moins généreux aux États-Unis, et en revanche, côté européen, on va continuer d’assouplir d’une façon ou d’une autre. Donc elle n’est pas au bout de ses instruments, la banque centrale, elle a indiqué qu’il lui restait d’autres types d’instruments, d’augmenter les capacités de ses achats de titres privés, et pourquoi pas même de passer un vrai quantitative easing, pour reprendre l’expression consacrée, et donc d’acheter des titres publics.
Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, je dirais, ces deux zones, finalement on a vu que les politiques monétaires avaient eu des conséquences sur les devises, on a vu l’appréciation du dollar contre l’euro notamment, est-ce que cela aide justement… cela peut aider en tout cas aussi bien la zone euro et les entreprises européennes ?
Laetitia Baldeschi, stratégiste chez CPR AM : C’est, de toute manière… Il nous semble que toute la communication de M. Draghi, en tout cas depuis Jackson Hole, était dans ce sens-là, depuis même plusieurs mois avant puisque dans plusieurs communiqués il faisait mention du niveau de l’euro alors que ce n’est pas normalement dans ses attributions. Et donc là il est clair que l’appréciation du dollar contre euro va nous aider, nous, Européens, pour tout ce qui est exportation hors zone euro, bien évidemment, mais également pour nous permettre d’éviter de tomber dans la trame déflationniste en important de l’inflation avec la baisse de l’euro via notamment le dollar.
Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté des pays émergents, on est dans une situation peut-être plus complexe selon les pays. Comment vous abordez, vous, ces pays-là, bien sûr la Chine qui est un des premiers d’entre eux, mais globalement les pays émergents ?
Laetitia Baldeschi, stratégiste chez CPR AM : C’est vrai que l’on parle toujours des émergents et c’est une multitude de situations particulières. Le premier, la Chine, nous avons encore été surpris là par des résultats, des statistiques économiques très décevantes concernant le mois d’août, réaction immédiate des autorités monétaires chinoises qui ont injecté des liquidités. Donc on a vraiment une économie chinoise qui est en train de changer de modèle, donc ceci prend du temps. On est passé sur un régime de croissance autour de 7-7,5 et les autorités font ce qu’il faut pour maintenir ce niveau de croissance, le temps, je dirais, de faire translater le mouvement, le changement structurel de cette économie chinoise. Mais cela, cela prend du temps. Cela modifie la consistance des échanges avec le reste du monde et on le voit bien, tous les pays émergents qui vivaient finalement de la demande de produits, de matières premières, typiquement je pense au Chili, au Brésil, qui vivaient donc de cette demande chinoise. Cette demande chinoise étant en repli, ils ont tous des problèmes de dynamique économique.
Web TV www.labourseetlavie.com : Sur l’allocation d’actifs justement qui, compte tenu de ce que l’on a évoqué ensemble sur les États-Unis, sur la zone euro, sur ces pays émergents, est-ce qu’elle évolue sensiblement ou est-ce que vous restez toujours en faveur des actions jusqu’au moment où il faudra bien peut-être réagir ?
Laetitia Baldeschi, stratégiste chez CPR AM : Oui, c’est vrai que l’on reste… Le mot d’ordre de la gestion diversifiée chez CPR Asset Management, c’est la réactivité. Donc on reste très vigilant évidemment à l’environnement macro-économique mondial. Il y a eu des opportunités, il est vrai, sur les émergents depuis quelques mois quand on a vu les niveaux de taux américains se stabiliser, voire même continuer de baisser, et on a vu les flux d’investissement revenir sur ces émergents. On en a profité à bon escient, je dirais. D’autres sources d’enrichissement viennent du côté du Japon qui est souvent négligé, c’est compliqué, la situation japonaise est très, très compliquée, mais il y a eu des opportunités et on l’a vu sur l’été finalement c’est l’un des marchés qui a le mieux performé. Sur l’Europe, on était un petit peu en retrait depuis quelques mois et on a su, sur un bon timing je dirais, revenir sur ce marché européen un bon moment mais on reste très vigilant et on saura sortir des positions si l’actualité nous y pousse.
Web TV www.labourseetlavie.com : Peut-être le mot de la fin, on a vu que sur les marchés obligataires finalement il y a eu des bonnes performances mais qui ont étonné beaucoup d’investisseurs puisque, avec ces records à la baisse sur certains taux, est-ce que cela veut dire qu’il y a encore des choses à faire ou est-ce que là il faut être encore vraiment très prudent ?
Laetitia Baldeschi, stratégiste chez CPR AM : Je pense que l’on va arriver vers la fin de ce mouvement de baisse de taux, il faut le souhaiter sinon cela voudrait dire que les économies ne redémarrent vraiment pas. Nous on a beaucoup joué la réduction des spreads des pays périphériques, l’Italie, l’Espagne surtout. On arrive sur des niveaux quand même excessivement, finalement assez bas pour eux en termes de taux d’intérêt absolu, compte tenu de l’état de leurs économies, il semble difficile d’anticiper un nouveau resserrement de spread, enfin très important, le mouvement est derrière nous très vraisemblablement.
Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Laetitia Baldeschi.
Laetitia Baldeschi, stratégiste chez CPR AM : Merci.
Copyright Tous droits réservés www.labourseetlavie.com 21 septembre 2014.
Podcast: Play in new window | Download