Pascal Bernachon Gérant KBL Richelieu : "Encore de la volatilité et des perturbations devant nous".
Bourse : évolution de la stratégie d'investissement

10 septembre 2015 12 h 36 min
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La Chine est-elle la clé de la peur sur les marchés ? Est-ce vraiment le cas ?

Quelles sont les ressorts de la baisse, mais aussi l’évolution de la stratégie d’investissement dans un contexte peut-être moins clair sur les différentes zones économiques ?

Mon invité pour parler de ces nouveaux marchés est Pascal Bernachon Gérant KBL Richelieu

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Pascal Bernachon, bonjour.

Pascal Bernachon – Gérant KBL Richelieu : Bonjour.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes gérant chez KBL Richelieu. On va parler avec vous de marchés et perspective sur ces marchés. Un petit mot pour commencer, bien sûr, sur ce qui s’est passé, sur la manière dont vous avez analysé, je dirais, le krach notamment chinois. Est-ce que l’argument Chine vaut vraiment, je dirais, a de la valeur pour que le marché baisse ?

Pascal Bernachon – Gérant KBL Richelieu : Non, pas à ce point-là. Pas à ce point-là, parce qu’il y a eu effectivement beaucoup d’émotivités et d’incompréhensions, je dirais, sur l’indice chinois, de la Chine pardon ou effectivement depuis de nombreuses années, des gens vous parlent de hard landing. Nous sommes effectivement dans un ralentissement de l’économie chinoise avec une tendance vers, je dirais, un pays adolescent et bientôt un pays adulte. Donc, une croissance normative qui sera probablement plus de l’ordre de 5 % que des 7 %. Relativisons d’ailleurs, parce que ces 5 % de croissance sont somme toute en milliards additionnels très satisfaisants par rapport au 10 ou 12 % de croissance qu’on avait connue, il y a plus d’une décennie. Donc, les craintes sur une dévaluation chinoise, en aucun cas, la Chine ne procédera à une dévaluation massive du yuan pour la simple et unique raison que cela pourrait accélérer les fuites de capitaux et surtout changer le modèle d’évolution et de croissance du PIB, tel qu’il a été défini par le parti communiste central lors du congrès du peuple. Donc, pas de remise en question, un passage à l’âge adulte avec, je dirais, probablement une hausse significative de la valeur ajoutée à attendre dans la production chinoise, qui viendra d’ailleurs inévitablement rivaliser avec certaines entreprises occidentales. Maintenant, nous sommes dans un marché, je dirais, où la part des automates, des robots, devient de plus en plus conséquente par rapport aux investisseurs finaux. En conséquence de quoi, nous avons des effets d’amplitude de mouvement, on l’a encore vu hier matin, avec le rebond de la bourse de Tokyo qui n’était, somme toute, pas totalement justifié non plus.

Web TV www.labourseetlavie.com : Ça veut dire que les investisseurs sont peut-être plus inquiets de la croissance par exemple globale : États-Unis, Europe, on peut dire que le Brésil est en récession. Finalement, cette croissance poussive mondiale où ils sont en train de réaliser que finalement, peut être que par rapport à la hausse des actions, il y a peut-être moins de justification ?

Pascal Bernachon – Gérant KBL Richelieu : Alors, tout dépend des marchés qu’on regarde. Effectivement, sur les États-Unis, une bonne partie des améliorations de bénéfice ont été pour certaines entreprises la résultante des programmes de rachat d’actions, de restructuration, d’acquisition, de croissance externe, etc. On a vu qu’effectivement, au niveau des chiffres d’affaires, il y avait un plafonnement, voire même une certaine baisse. Les États-Unis ne sont pas des pays exportateurs. 13 % du PIB est lié aux exportations. Cela étant, 34 % des entreprises Standard & Poor’s 500 sont des sociétés exportatrices. Donc effectivement, un marché américain valorisé et qui bénéficiait de cette politique monétaire très accommodante de la réserve fédérale, dont la certitude est que le taux va augmenter. Encore de l’incertitude quant au timing précis de cette hausse des taux, mais une politique qui ne sera pas restrictive, mais beaucoup moins ultra-accommodante qu’elle ne l’était. Au niveau de la zone euro, la figure n’est pas la même, parce que nous avons effectivement des signaux d’amélioration, je dirais, de cette zone euro qui se poursuivent, même si la France reste « le mauvais élève ». Je parle au niveau macroéconomique. Maintenant au niveau des entreprises, ça n’est pas la même lecture et on a effectivement une amélioration des bénéfices et un retour, je dirais, à la hausse des marges des entreprises qui bénéficient effectivement de ce qu’on appelle cet alignement des planètes, c’est-à-dire d’un pétrole peu cher, d’un euro affaibli, mais qu’il faut relativiser parce que 51 % des exportations de la zone euro sont intra-zone euro. Donc, la valeur de l’euro n’a pas de signification. Et puis, bien évidemment, de cette politique de la Banque Centrale Européenne qui va rester extrêmement accommodante jusqu’en septembre 2016. M. Draghi nous l’a répété.

Web TV www.labourseetlavie.com : Et alors, il y a effectivement cette décision de la FED à venir. On a l’impression que plus on se rapproche, plus les investisseurs sont nerveux finalement. C’est-à-dire qu’il y a quelques mois et ils disaient, « oui, ça va arriver, ça viendra ». Ils étaient « tranquilles ». Puis maintenant, ça arrive, même si on dit que ça sera modeste, ils ont peur.

Pascal Bernachon – Gérant KBL Richelieu : Le problème c’est la crédibilité des banques centrales. On a souvent parlé, les banques centrales ont rempli un rôle que malheureusement, à part quelques exceptions, les hommes politiques n’étaient pas capables de mener. Donc, maintenant cette crédibilité de la réserve fédérale, il ne faut pas qu’elle soit mise à mal par un flou artistique. Alors, il n’y a pas de flou quant à la potentielle hausse des taux et quant à la graduation de cette hausse des taux. La réserve fédérale a dit à maintes reprises que nous ne reviendrons pas sur le niveau des taux antérieur à la crise de 2008, pour la simple et unique raison que la croissance potentielle américaine a fortement diminué par rapport à cette époque-là. Nous sommes dans un changement de paradigme, de système de développement économique, qui fait qu’effectivement, nous serons dans des croissances inférieures à ce que nous avions pu vivre dans les années précédentes. Maintenant, je suis le premier à espérer cette hausse des taux, aussi symbolique soit-elle, et je pense que ce ne sera pas obligatoirement tous les deux mois. Et je pense que paradoxalement, le marché va saluer cette hausse des taux parce qu’un statu quo trop long pourrait laisser entendre qu’en fait, cette économie américaine, elle va bien, mais elle n’est pas suffisamment solide pour acter cette hausse des taux. Et puis, elle repose, je dirais, sur sa propre autonomie et ne peut pas s’appuyer, bien évidemment, sur les autres pays, y compris des émergents. Mon opinion serait effectivement d’avoir un discours un peu plus clair et tout à fait souhaitable de la part de Mme Yellen au mois de septembre, probablement une absence de consensus de la part de différents gouverneurs, mais pourquoi pas une hausse des taux en octobre. Donc, ce n’est pas tant, je dirais, est-ce qu’elle va le faire le 17 septembre ou est-ce qu’elle ne va pas le faire ? C’est : va-t-elle donner un signal clair d’un timing précis ? Et j’ai tendance à penser qu’à la limite, le marché serait satisfait de cette hausse des taux, parce que ça serait pour lui, je dirais, la considération que cette économie américaine est sur des bases solides.

Web TV www.labourseetlavie.com : Pour les investisseurs dans ces périodes-là, on a vu un peu de volatilité revenir, enfin même beaucoup de volatilité revenir cet été. Qu’est-ce qu’il faut faire ? C’est-à-dire on attend, ce que va dire Mme Yellen ? Ce n’est pas évident la gestion dans ces périodes-là.

Pascal Bernachon – Gérant KBL Richelieu : Vous avez plusieurs sujets d’inquiétude indépendamment de la hausse des taux que j’ai dit qui pourrait être éventuellement une bonne nouvelle. Vous avez des inquiétudes sur le yuan, c’est-à-dire que certains n’ont pas compris, je dirais, ces décisions de la part de la banque de Chine, donc anticipent pourquoi pas des mouvements plus importants d’évaluation. Donc ça veut dire que dans ces cas-là, si ce n’est pas l’objectif politique de la Chine et si sa devise était attaquée, le risque serait qu’elle vende encore des obligations d’état américaines et projette le dix ans américain à des niveaux de taux supérieur à ce que la FED aimerait voir. Et donc, on pourrait avoir un effet modérateur voire ralentisseur d’économie américaine. C’est à surveiller. Deuxième chose à surveiller, c’est l’évolution du dollar. J’ai tendance à penser qu’entre 1,05 et 1,08, on a la valeur du dollar qui a acquis cette hausse des taux. Pour autant, dans un marché de change, je dirais, extrêmement important, où les variations sont parfois surprenantes, rien n’interdit de penser qu’on puisse avoir à instant T une légère accélération du dollar. Et là, ça fragilise bien évidemment les économies émergentes dont une partie des dettes sont libellées en dollar. Ça facilite la fuite de capitaux qu’on a déjà vue au sein de ces pays émergents. Et la question est de savoir, est-ce que cette hausse des taux de la FED a déjà été actée par le marché et pricée, non pas ces dernières semaines, mais dans les derniers mois, lorsque nous, on a vu tous ces mouvements ou est-ce que nous avons un mouvement d’amplification ? Et là, ça pourrait de nouveau fragiliser. Et puis, vous avez la lecture chartiste des marchés. La lecture chartiste des marchés montre inévitablement qu’il y a encore de la volatilité et des perturbations qui sont devant nous. À partir de ce moment-là, il est évident que les investisseurs ont intérêt à ne pas sortir totalement du marché parce que je reste positif sur une clôture au 31 décembre qui soit de l’ordre de 10 % de croissance des indices sur la zone euro. Mais effectivement, cette lecture chartiste freine, je dirais, leur volonté de rentrer pleinement.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci, Pascal Bernachon, d’avoir été avec nous.

Pascal Bernachon – Gérant KBL Richelieu : Merci.