Pascale Auclair Présidente La Française AM : "Une fois passé le cap, il faudra reprendre des positions".
Marchés et Bourse, se préparer au #Brexit et à la suite
#Bourse : les investisseurs ont désormais les yeux rivés sur une date, le 23 juin, jour du référendum en Grande-Bretagne pour la sortie ou non de l’Union Européenne. Il y a un an, et même il y a six mois, aucun investisseur n’avait ce sujet en tête. Mais voilà sondage après sondage, un #Brexit est devenu possible avec à la clé son lot d’incertitudes. Avec la Réserve Fédérale américaine (FED) qui reporte sa hausse de taux directeurs, l’horizon s’est obscurci.
Nous parlons de ce sujet et des dernières actualités sur les marchés (Fed, BCE, zone euro, Taux, émergents…) avec Pascale Auclair Présidente La Française AM.
Web TV www.labourseetlavie.com : Pascale Auclair, bonjour.
Pascale Auclair – Présidente La Française AM : Bonjour.
Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes la présidente de La Française AM. On va parler avec vous de marchés et de perspectives. Il y a quelque mois, on aurait peut-être parlé ensemble de la Chine, on aurait peut-être parlé de croissance économique mondiale. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, on ne voit que le Brexit qui arrive là, effectivement dans les prochains jours. Comment les investisseurs sont passés comme ça de sujets peut-être forts à un sujet purement politique ?
Pascale Auclair – Présidente La Française AM : Je pense que ce qui les oblige à regarder en face l’échéance de la semaine prochaine, c’est en fait le fait qu’ils sont restés pendant assez longtemps dans le déni du Brexit. Et le sentiment que j’ai encore aujourd’hui, c’est que la sphère financière dans sa globalité, les investisseurs dans leur ensemble sont un peu dans cette position de déni par rapport à ce Brexit. Non pas qu’ils s’y soient préparés, mais ils n’y croient pas et c’est en opposition avec ce qu’on voit au niveau des sondages ou dans les sondages. Le quota des indécis est en train de diminuer au profit de ceux qui veulent sortir. Donc, il y a une espèce de dichotomie entre la position de la sphère financière dans son ensemble, pas uniquement Londres, mais également les investisseurs européens et puis ce que disent les sondages. Et donc rattrapées par l’échéance, à une semaine de l’échéance, il y a un certain nombre d’angoisses qui remontent violemment et qui, en effet, occultent la toile de fond macro, d’ensemble, qui nous occupait depuis le début de l’année.
Web TV www.labourseetlavie.com : Qu’est-ce qui préoccupe finalement les investisseurs ? C’est les conséquences de la sortie, conséquences politiques ou la partie économie ? Parce qu’on a eu l’impression souvent que sur l’économie, c’était relativisé en disant, il y aura des conséquences sans doute pour l’économie britannique importantes, mais par exemple la Zone euro, pas tant que ça.
Pascale Auclair – Présidente La Française AM : Le sentiment qui est le mien, c’est qu’on ne sait rien des conséquences de cette sortie et qu’elles sont très difficiles à estimer. Donc, ça crée une poche véritablement d’incertitudes, avec une incapacité, même des observateurs ou des analystes les plus compétents, à déterminer très clairement si c’est positif pour l’UK, négatif pour le UK, négatif pour l’Europe dans son ensemble ou complètement neutre. Donc, c’est cette dose importante d’incertitude, de non-convergence objective des analystes compétents sur le sujet, qui fait qu’aujourd’hui, nous-mêmes à La Française, nous disons, « si Brexit il y a, à nouveau zone d’incertitude ». Un certain nombre de concessions ont été faites au Royaume-Uni s’il reste dans l’Union. Même s’il reste dans l’Union, quelles sont les conséquences de ces mesures qui ont été négociées, prénégociées ? On n’en sait trop rien. Et donc, c’est cette rémanence d’incertitude qui tétanise un peu les investisseurs aujourd’hui. Ça me semble assez logique. C’est très difficile d’avoir une position fondamentale au-delà de cette échéance.
Web TV www.labourseetlavie.com : Quand les hedge funds on les a vus à l’œuvre, faisant des sondages tous les jours, achetant des sondages tous les jours, quand on est dans une gestion globale, comment on se prépare à ce type d’évènement ?
Pascale Auclair – Présidente La Française AM : On se dit qu’une fois passé le cap, il faudra reprendre des positions de fonds et que notre métier, ce n’est pas de faire prendre des risques inconsidérés sur le passage à nos clients. Donc, on adapte vraiment la stratégie de nos portefeuilles à l’objectif ultime des clients. Si vous avez une typologie de gestion très benchmarkée, ce qu’on va avoir tendance à faire, c’est de se ramener plutôt à la position moyenne qui est celle du benchmark sans prendre de position de conviction très tranchée. On va quand même vérifier au passage que la structure de l’actif telle qu’elle est, proche du benchmark, ne subit pas un choc trop important à l’aune des stress tests qu’on pratique. Alors que sont ces stress tests ? C’est l’hypothèse qu’on a une grosse tourmente sur, par exemple, les actions européennes, – 10, – 15 % de repli. Sachant qu’objectivement, une partie du chemin est déjà fait aujourd’hui puisque depuis quelques jours, on a baissé au fil de l’eau jusqu’à – 7, – 8 % ces deniers jours. Donc, qu’est-ce qui est déjà pricé ? Sans doute une partie. Mais en tout cas, on teste nos portefeuilles avec des chocs actions importants. On les teste aussi avec des chocs taux importants, poursuite de l’écrasement des rendements sur la partie corps des dettes européennes, écartement des spreads périphériques, écartement des spreads de crédit et on regarde ce que ça donne. Et si le drop down, c’est-à-dire la baisse instantanée du portefeuille est trop importante, à ce moment-là, on corrige un peu le tir et on se met en position plus défensive. Et puis sur les portefeuilles qui sont des portefeuilles davantage gérés en performance absolue, là c’est pareil. On fait exactement le même exercice, ce qui nous a conduits objectivement à réduire les positions risquées qui sont les nôtres aujourd’hui sans les effacer totalement. Donc, on garde un certain nombre de paris qui sont plus réduits, de manière à amortir le choc, si choc il y a. Et puis d’ores et déjà, on se prépare, au-delà de l’échéance, à reprendre des positions cette fois un peu plus fondamentales. Et là qu’est-ce qu’on a envie de faire objectivement ? On a envie, dans le contexte tel qu’il se déroule aujourd’hui, c’est d’être un peu plus confiant sur les actions européennes qui ont contre-performées tout ce début d’année alors que dans le même temps, la sphère macro semble, elle, s’améliorer. Et on se dit qu’une fois levées ces incertitudes, on aura probablement des raisonnements un peu plus fondamentaux qui prendront le dessus, avec une macro européenne qui est objectivement plutôt surprenante du point de vue positif et peut-être des entreprises qui vont cette fois afficher une dynamique de résultat un peu meilleure que celle qu’on a vue au premier semestre. C’est ce qu’on espère, c’est ce qu’on attend et c’est ce à quoi on se prépare.
Web TV www.labourseetlavie.com : L’autre grand sujet, c’était bien entendu la politique monétaire de la Réserve Fédérale Américaine. Là, on a vu les dernières déclarations. On sent bien qu’il y a eu de l’hésitation, qu’il y a eu de la réflexion, que ce Brexit a peut-être été aussi évoqué et que maintenant on reporte effectivement la hausse de taux. On peut même se poser la question : est-ce qu’on en aura une encore cette année ? Finalement, ça aura varié encore un peu plus, un peu reporté encore un peu plus.
Pascale Auclair – Présidente La Française AM : Alors, on repousse l’échéance. Pour déterminer quelle va être la position de la FED au-delà en effet des turbulences de court terme, il faut là pour le coup regarder, me semble-t-il, un indicateur qui est un indicateur très important, c’est l’inflation. En termes de croissance, on n’aura pas d’excellentes surprises aux États-Unis cette année. On ne croit pas du tout au schéma de récession. On croit à une économie américaine qui va continuer à croitre à un rythme qui est de 2 % à peu près, avec un principal moteur qui est celui de la consommation et un deuxième moteur un peu plus faible qui est celui de l’investissement résidentiel. La bonne nouvelle, c’est que ce sont deux moteurs domestiques assez peu dépendants des facteurs externes. Donc, c’est vraiment une croissance qui est une croissance endogène, assez stable, me semble-t-il, assez pérenne et donc on a ce schéma de croissance qui, à défaut d’être très enthousiasmant, qui est en dessous des standards américains, qui lui me semble stable et pérenne. Ce qu’on voit poindre dans la situation de l’emploi qui est celle qui prévaut, qui est une situation de quasi plein emploi aux États-Unis, c’est logiquement des créations plus faibles. C’est la déception du dernier chiffre. C’est des tensions qui sont des premières tensions salariales, pour l’instant raisonnables, mais sur tous les secteurs, entre 2 et 3 % de croissance des coûts salariaux unitaires. Et donc ça, c’est, me semble-t-il, l’objectif de la FED le plus important et le plus prioritaire. Quand on aura passé ces échéances qui floutent tout ça, on aura, je pense, ce fil conducteur à bien suivre. Je ne vois pas dans la situation de l’emploi matière à voir cette croissance des salaires se tasser brutalement, surtout que je n’ai pas de schéma très terme sur la croissance américaine. Et donc je pense que la FED sera amenée à normaliser sa politique monétaire, qu’elle le fera, et on le dit depuis des mois, à un rythme qui est inférieur à ce qu’ont cru les marchés au cours des années antérieures et que donc on va probablement avoir une de hausse de taux cette année pour commencer cette normalisation dont l’amplitude sera probablement inférieure aux standards historiques.
Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que ça change quelque chose sur la vision qu’on peut avoir sur les marchés émergents, ce décalage du calendrier de la FED, ou pas ?
Pascale Auclair – Présidente La Française AM : L’une des principales classes d’actifs qui n’ait pas magnifiquement performé, je parle des actifs taux du fixed income, l’une des principales classes d’actifs obligataires qui n’ait pas performé fortement ce début d’année à l’inverse du crédit, c’est la classe dettes émergentes dans son ensemble. Elle a eu une performance tout à fait honorable, mais elle a « laggé », ce qu’on appelle retardé en fait la progression. Et donc on a, au passage, accru la prime de risque des dettes émergentes. Si on a de la sérénité sur la hausse de taux américain, si on a les impacts que ça peut avoir évidemment sur le dollar, on a probablement plus de paix à attendre sur les devises émergentes et on a probablement un stress de moins sur les dettes émergentes. Donc, la conjonction à la fois de ces facteurs qui sont des facteurs liés à la politique de la FED et en même temps, au fait que les dettes émergentes n’ont pas progressé autant qu’elles l’auraient pu en ce début d’année, dans un schéma où tous les taux se sont écrasés vers le bas, nous fait dire à nous qu’il y a beaucoup de potentiel aujourd’hui sur les dettes émergentes en étant toujours sélectif. Donc, on n’a pas une approche globale dettes émergentes. On a une approche locale, surtout sur celles où on est justement en devises locales et c’est vraiment comme ça qu’on appréhende cette classe d’actifs là, de manière très, on va dire, bottom up et sélective.
Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Pascale Auclair.
Pascale Auclair – Présidente La Française AM : Merci à vous.
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