Sandrine Cauvin Gérante Turgot AM : "Les majors souffrent moins que les services pétroliers".
Pétrole et stratégie d'investissement 2015

28 mai 2015 22 h 41 min
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« Un marché pétrolier qui demeure en surcapacité » , quelles conséquences pour la stratégie d’investissement ?

J’en parle avec mon invitée, spécialiste du secteur Sandrine Cauvin Gérante Turgot AM. 

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Sandrine Cauvin, bonjour. Vous êtes gérant chez Turgo Asset Management. On va parler avec vous notamment des marchés pétroliers, donc de ce secteur de l’énergie, qui avait effectivement pas mal baissé avec ce qui s’était passé sur les cours du pétrole, il y a eu un petit peu de changements sur ces marchés. Aujourd’hui on en est où sur les marchés pétroliers ? La tendance reste tout de même baissière ?

Sandrine Cauvin, gérant chez Turgo AM : Oui, à mon avis, elle reste baissière, même si à court terme on a eu une remontée assez importante puisque c’est 48 % de hausse à peu près sur les prix depuis leur point bas atteint en mi-janvier. Nous on pense que cette hausse, elle a été surtout technique, tirée notamment par un élément important qui est la parité eurodollar, en tout cas la baisse du dollar a beaucoup aidé, et aussi surtout le fait que les prix avaient fortement baissé, de manière assez rapide, et comme toute correction brutale, que ce soit quand il y a des bulles, que ce soit à la hausse ou à la baisse, vous avez, à un moment, un rattrapage qui se fait de manière technique. Et il y a eu aussi, il faut le souligner, des petits éléments au niveau des fondamentaux qui ont quand même donné un petit peu de choses positives avec donc des réductions importantes d’investissement aux États-Unis. On l’a vu, la baisse du nombre de rigs de forage a été très, très importante puisque c’est 60 % de baisse de rigs de forage aux États-Unis et donc cela s’est traduit par un ralentissement de la production aux États-Unis, et même là, la semaine dernière, on a vu que c’est même plus qu’un ralentissement, c’est une baisse puisque on a une baisse d’à peu près 112 000 barils par jour de production aux États-Unis. Cela, c’est venu soutenir les marchés.

Web TV www.labourseetlavie.com : On a justement aujourd’hui en tête à quel niveau de cours du baril pour ces gaz américains, effectivement on a un niveau où l’investissement n’est pas rentable ?

Sandrine Cauvin, gérant chez Turgo AM : Là en fait, avec les prix qui sont pour le WTI à 60, vous avez des compagnies pétrolières qui produisent le schiste aux États-Unis qui la semaine dernière ont dit « Si les prix se maintiennent dans cette zone-là, voire même s’ils continuent de progresser, il y a certains puits qui redeviennent rentables et nous on va relancer les investissements » ça, c’est justement ce qui nous fait penser que si vous avez des investissements qui repartent sur les pétroles de schiste aux États-Unis, cela va faire remonter la production et donc cela aura un effet sur les prix. Donc c’est pour cela que l’on pense que tout cela c’est fragile et que cela va dépendre énormément de ce qui va se passer sur la parité, ce qui va se passer du côté du change, sur le dollar. Il faut se rappeler quand même que du côté des États-Unis, à un moment ou un autre, il va y avoir les taux qui vont remonter, cela aura forcément un effet sur le dollar plutôt à la hausse, et donc là, pour les matières premières, pas seulement pour le prix du pétrole, cela aura plutôt un effet baissier. Autre élément, nous, qui nous amène à la prudence, c’est que l’on a constaté que les hedge funds sont revenus très longs sur la matière première Pétrole avec aujourd’hui des positions spéculatives très, très importantes. Je vous donne, à titre d’exemple, vous avez six positions acheteuses contre une vendeuse aujourd’hui, donc c’est un niveau très tendu, et si il y a un débouclement… enfin au moment où ils vont déboucler les positions, forcément cela risque d’être… cela risque d’avoir un impact important à la baisse sur les prix.

Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté des pays producteurs de pétrole, on sent bien aujourd’hui le rôle, ce qui a toujours été le cas, le rôle majeur de l’Arabie Saoudite, et quand on a un peu lu les différentes déclarations, on se rend bien compte qu’il y a une bataille États-Unis – Arabie Saoudite sur ce plan-là et on a toujours vu l’Arabie Saoudite finalement alimenter le marché, quels que soient les mois ou les semaines où cela s’est passé ?

Sandrine Cauvin, gérant chez Turgo AM : Oui, et surtout que les saoudiens n’ont pas intérêt à ce que le prix remonte parce que, si le prix remonte, leurs principaux concurrents… C’est vrai que l’on cite beaucoup les pétroles de schiste, mais il n’y a pas que les pétroles de schiste qui sont touchés par la baisse des prix. Les saoudiens, eux-mêmes, à long terme, auront des problèmes, mais au-delà de cela, vous avez aussi d’autres productions, je pense notamment aux productions off-shore qui sont à des niveaux de rentabilité… Vous avez un point mort à peu près qui aux alentours de 60 – 70 $, donc on est loin aujourd’hui… Enfin on est loin, on s’en rapproche avec les prix qui ont remonté, mais il faudrait que l’on reste sur du long terme pour que les investissements repartent sur ce genre de projets. Vous avez la Russie aussi qui a, à un moment, va souffrir parce que là c’est vrai qu’ils ont pu se permettre de supporter cette crise avec un rouble qui avait quand même été fortement déprécié, des réserves de change importantes, mais maintenant, sur le long terme, si il y a un prix qui devenait à rester durablement faible, vous allez avoir beaucoup de production… Et c’est justement ce que cherche à faire les saoudiens, c’est de tuer ces différents concurrents et c’est d’ailleurs pour cela qu’ils continuent d’augmenter leur production et c’est vraiment une politique de prise de parts de marché par rapport à leurs principaux concurrents.

Web TV www.labourseetlavie.com : Et on n’a pas aujourd’hui effectivement sur le plan macro-économique de tendances assez fortes, de croissance mondiale assez forte, pour finalement y emmener un changement de fond sur le pétrole ?

Sandrine Cauvin, gérant chez Turgo AM : Pour l’instant non parce qu’en fait la reprise de la demande que l’on a vue, qui s’est opérée depuis le début de l’année, cela a été surtout parce que par exemple les Chinois et les Indiens ont profité d’un prix du pétrole qui était plus faible pour reprendre leur stratégie de stockage parce qu’ils ont besoin d’alimenter les stocks stratégiques, donc cela a été surtout ça. On n’a pas vu un élan de demandes venant de ces pays parce que on voit que ces économies-là, je parle surtout pour la Chine parce que l’Inde, c’est un petit peu différent, mais la Chine vraiment, on voit qu’il y a une panne de croissance et que donc pour l’instant il y a… c’était le principal, c’est le principal consommateur aujourd’hui et c’est ce qui permet justement d’améliorer les perspectives de demandes si on avait une amélioration de la macro, pour l’instant, cela ne s’est pas encore produit.

Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté des acteurs pétroliers entre les sociétés d’exploration de production, entre les services pétroliers, on a vu des écarts de cours assez importants, comment évolue, pour nous, la stratégie d’investissement dans ce secteur ?

Sandrine Cauvin, gérant chez Turgo AM : Je pense qu’à court terme, il convient de rester prudent sur le secteur du pétrole en général et que, dans cette optique de prudence, il vaut mieux être sûr les plus solides, les plus solides, cela reste les majors pétrolières, même si effectivement elles vont souffrir aussi, on a vu qu’elles réduisent fortement leurs investissements, elles ont quand même des bilans très, très solides. Elles peuvent encore payer les dividendes et surtout elles avaient fait énormément d’investissement ces dernières années qui leur permettent de continuer de croître leur profil de production, et donc elles souffrent moins que des sociétés de services pétroliers ou des petites sociétés d’exploration de production qui, elles, sont obligées de couper massivement les investissements. Et puis, plus on va rester sur un prix du pétrole faible, plus ces petites sociétés-là vont souffrir et on risque d’avoir des cadavres sur les prochains mois. Donc là, être très prudent, et puis les services pétroliers, on l’avait vu, ils avaient déjà souffert avant la baisse des prix du pétrole, justement parce que les compagnies pétrolières faisaient attention aux coûts. Quand bien même vous aviez un prix du pétrole à 100 $, les investissements étaient déjà ralentis parce que les pétrolières… On est aujourd’hui dans des projets qui coûtent très cher et les compagnies pétrolières n’étaient pas assurées que, sur le long terme, on allait avoir un prix du pétrole qui allait rester à 100 $, elles avaient déjà réduit les investissements, alors là avec un prix qui est à 60, qui était même tombé en dessous de 60, pour les compagnies de services pétroliers, il y a évidemment une prise de commande qui baisse fortement. Donc il y a des souffrances.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci d’avoir fait le point avec nous Sandrine Cauvin.

Sandrine Cauvin, gérant chez Turgo AM : Merci.