Vincent Guenzi Stratégiste Cholet Dupont : "Le moment pour réfléchir à une réduction des risques".
Stratégie d'investissement et évolution de l'allocation d'actifs
Tv Bourse : Retour sur l’actualité économique et financière, la stratégie des banques centrales et les opportunités d’investissement dans ce contexte particulier.
Mon invité est Vincent Guenzi Stratégiste Cholet Dupont
Web TV www.labourseetlavie.com : Vincent Guenzi, bonjour. Vous êtes stratégiste chez Cholet Dupont. On va parler avec vous de marchés et de perspectives sur ces marchés, bien entendu toujours attentif à ce que dit la Réserve fédérale américaine. Est-ce que les dernières informations en provenance de la Réserve fédérale américaine changent la donne pour l’investisseur ?
Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet Dupont : Je crois, elles changent la donne à court terme c’est-à-dire que les personnes qui s’inquiétaient d’un mouvement de la hausse de la Fed fin juin se rendent compte que le ralentissement de l’activité que l’on a vue au premier trimestre, qui est sans doute passager, va amener la Fed à différer son premier mouvement de hausse des taux à l’automne. Donc cela redonne un petit peu de tonus au marché américain, cela permet au marché européen de continuer à progresser aussi. Il n’est pas exclu quand même que l’on assiste à une pause dans les prochaines semaines.
Web TV www.labourseetlavie.com : On voit tout de même un débat au sein même de la Réserve fédérale américaine. Est-ce que ce débat pourrait conduire peut-être à anticiper ce scénario qui se met en place aujourd’hui ? C’est vrai que les marchés obligataires n’y croient pas, mais est-ce que finalement ce débat ne va peut-être pas s’accentuer au cours des prochaines semaines ?
Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet Dupont : Je pense qu’il a toujours eu lieu ce débat, il a toujours eu lieu. Cela montre que la Fed reste, avant tout, très pragmatique, attentive aux évolutions de la conjoncture sur les États-Unis. On est habitué à cela et je pense que les marchés regardent plutôt les évolutions de cette conjoncture pour anticiper ce que va faire la Fed et, en tant qu’investisseur Actions, on regarde aussi ce que font les marchés obligataires. À partir du moment où les marchés obligataires, le 10 ans américain, restent assez sages, cela nous permet de rester serein.
Web TV www.labourseetlavie.com : En Europe, on pourrait dire que l’événement de cette semaine, c’est ce qui se passe en Suisse. Quand on voit que l’on emprunte à des taux négatifs sur le 10 ans, effectivement là on peut se poser des questions sur ce qui est en train de se passer finalement ?
Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet Dupont : On se pose des questions en se demandant combien de temps cela va durer. Je crois qu’il n’est pas sain d’avoir des taux négatifs. Je pense que l’on assiste à une prise de risque inconsidérée sur les marchés obligataires, avec également des investisseurs qui sont obligés, pour avoir du rendement, d’aller chercher des durées de plus en plus longues. J’ai vu qu’il avait été lancé un tracker sur les pays de la zone euro périphériques longue durée, c’est-à-dire des emprunts de plus de 20 à 25 ans, c’est une vraie prise de risque très importante. Donc je ne suis pas « inquiet » parce que je ne crois pas que les taux longs vont monter rapidement et fortement, mais il y a quand même une accumulation de positions spéculatives sur les marchés obligataires qui est un peu préoccupante.
Web TV www.labourseetlavie.com : Donc avec toujours ces… peut-être plus de volatilité et surtout l’idée comment on sort de ce phénomène-là ?
Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet Dupont : C’est vrai, mais je pense que la sortie se passera probablement de manière assez raisonnable c’est-à-dire que, comme la croissance ne va pas être très, très forte dans tous les pays développés, la sortie de ce quantitative easing se fera de manière très, très, très progressive. Donc je ne suis pas sûr que ce soit la vraie raison d’un changement brutal sur les marchés obligataires. Ce qui est plus la raison d’un changement brutal sur les marchés obligataires, c’est le débouclement des positions spéculatives.
Web TV www.labourseetlavie.com : Qui, elles, effectivement, voilà… on ne sait pas jusqu’où cela peut… quel peut être l’impact ?
Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet Dupont : Les gens qui achètent aujourd’hui des taux suisses négatifs, ce n’est pas pour attendre l’échéance, c’est en espérant pouvoir le vendre d’ici six mois ou neuf mois ou un an si les taux ont encore baissé davantage. Cela devient vraiment de la spéculation.
Web TV www.labourseetlavie.com : On pourrait dire que de l’autre côté on a aussi cette spéculation quand on voit les marchés Actions, mais là on est un peu avec une contrainte pour l’investisseur en tout cas d’aller chercher du rendement là où il est, en l’occurrence sur ces marchés ?
Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet Dupont : Il n’y a pas encore de spéculation, je trouve, sur les marchés Actions. Les niveaux de valorisation ne dénotent pas d’un mouvement général de spéculation et d’une bulle sur les marchés Actions, même aux États-Unis. Néanmoins, si on a une bulle qui éclate à côté, c’est-à-dire une bulle obligataire qui éclate, il y aura un dégât collatéral sur les marchés Actions, mais pas de la même nature qu’un krach quand il est lié à un effondrement de la conjoncture ou à un effondrement d’une sphère financière comme on l’a eu en 2008. Donc qu’il y ait des accidents de marché liés à des débouclements spéculatifs obligataires, oui. Est-ce qu’il y a déjà une bulle sur les marchés Actions ? Non.
Web TV www.labourseetlavie.com : En même temps, toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne. On peut voir les entreprises européennes, peut-être pour certaines d’entre elles, bénéficier de cette appréciation du dollar et la baisse du pétrole aux États-Unis, inversement, de certaines entreprises américaines commencer à souffrir de cette appréciation forte ?
Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet Dupont : Oui, c’est ce qui explique en partie la différence de comportement que l’on a eue entre les marchés américains et les marchés européens. Moi, je n’exclus pas que sur les deux prochains trimestres il y ait un scénario un peu inverse c’est-à-dire que, à partir du moment où on va voir que les États-Unis ressortent de cette phase de ralentissement temporaire au premier trimestre, ce qui est assez, ce qui serait assez logique, et que les résultats des entreprises vont arrêter d’être dégradés et revus à la baisse, il pourrait y avoir un rattrapage un petit peu du marché américain par rapport aux valeurs européennes, mais pour l’instant, il est vrai que tout joue davantage en faveur des actions européennes.
Web TV www.labourseetlavie.com : Un mot du Japon, là aussi on a beaucoup parlé de la banque centrale, de l’effet des mesures, on peut se dire quelques années après, finalement l’économie japonaise ne se porte pas si bien que cela ?
Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet Dupont : Alors, elle ne se porte pas si bien que cela parce que la reprise forte qui avait été engagée l’année dernière a été complètement cassée par la hausse de la TVA, et on voit que le pays met un peu de temps à s’en remettre, c’est pour cela que, depuis quelques mois, les chiffres sont quand même assez ternes sur l’activité japonaise, mais il y a le soutien monétaire qui est présent, qui permet d’insuffler de la confiance, et c’est cela qui est étonnant, c’est que, entre l’analyse de l’activité et la confiance des investisseurs, voire la confiance des entrepreneurs, il y a un très grand écart. Donc il y a de la confiance qui est toujours importante pour animer, pour aider l’activité dans un pays, et il y a quand même un élément important qui vient se mettre en place au printemps, c’est que l’on a vu des hausses de salaires un peu plus importantes accordées par les entreprises, ce qui est bon pour le pouvoir d’achat, ce qui est bon pour la consommation japonaise qui reste quand même un pôle encore faible dans le pays.
Web TV www.labourseetlavie.com : Un mot sur la Chine, moins de visibilité en 2015 en Chine ?
Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet Dupont : Pas moins de visibilité, mais une activité moins débridée, contrôlée, et probablement la première année où on va voir un recentrage ou un rééquilibrage entre les activités industrielles exportatrices et des activités plus domestiques et de services. Et l’on voit que depuis plusieurs mois, quand on regarde les indicateurs des directeurs d’achat en Chine, au niveau de l’industrie cela flirte avec le 0, c’est-à-dire que l’on est à 50, c’est-à-dire ni forte croissance, ni régression, alors que dans les services on reste au-dessus. Donc, je dirais plutôt une évolution du modèle en Chine qui fait que l’industrie est un petit peu plus à la peine, c’est ce qui permet également d’avoir très peu de tension sur les matières premières industrielles et, par contre, la consommation des activités domestiques qui vont mieux. Ce qui explique pourquoi aussi les marchés chinois, les indices chinois progressent bien, c’est que ces indices-là, qui sont davantage composés de valeurs moins internationales, bénéficient à plein du rebond de l’activité domestique.
Web TV www.labourseetlavie.com : Le mot de la fin sur l’allocation d’actifs, aujourd’hui forcément sur les marchés Actions ?
Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet Dupont : Alors, une vision à moyen terme qui reste toujours très favorable aux marchés Actions, davantage sur l’Europe en ce moment que sur les États-Unis, ça c’est très clair. À court terme, on est bien sûr tenté d’avoir une position un peu plus prudente, on est à plus de 20 % de hausse sur les marchés européens depuis le début de l’année. Il n’est pas aberrant de vouloir prendre un peu de bénéfices, de réduire un petit peu l’exposition. Il est très difficile de le faire parce que les marchés ne veulent pas corriger et on se demande toujours si on arrivera à racheter moins cher. Je pense que l’on aura quand même un petit trou d’air, un petit passage à vide au mois de mai, et donc là on est début avril, c’est le bon moment pour vraiment réfléchir à une réduction des risques.
Web TV www.labourseetlavie.com : Voilà, on verra si le « Sell in May and go away » se réalise cette année. Merci Vincent Guenzi.
Vincent Guenzi, stratégiste chez Cholet Dupont : Merci Didier.
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