Cyril Louchtchay de Fleurian Responsable Gestion Collatéral Euroclear : "Changement de l'écosystème du collatéral".
L'évolution du

18 juillet 2014 21 h 55 min
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Rencontres 2014 de Paris Europlace.

A cette occasion la Web Tv a interviewé des personnalités qui intervenaient lors de tables-rondes.

La crise a amené de nouveaux acteurs pour gérer le produit « collatéral », un produit qui concerne l’ensemble des actifs, titres ou liquidités, remis en garantie par la contrepartie débitrice à la contrepartie créditrice afin de couvrir un risque de crédit résultant des transactions financières négociées entre deux parties.

Nous parlons de cette évolution, et ses conséquences pour les acteurs financiers avec Cyril Louchtchay de Fleurian Responsable Gestion Collatéral Euroclear.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Cyril Louchtchay de Fleurian, bonjour. Vous êtes responsable de la gestion du collatéral et des produits de refinancement chez Euroclear, une chambre de compensation. On va parler avec vous du collatéral, alors cela ne dit pas grand-chose aux non-spécialistes, pourtant cela va avoir pas mal d’influence dans l’évolution, je dirais, de l’organisation notamment des banques, mais pas seulement. Quand on parle collatéral, on parle de quoi concrètement ?

Cyril Louchtchay de Fleurian, responsable de gestion chez Euroclear : De manière simple, il y a deux manières de voir le collatéral. Un premier angle, c’est de dire le collatéral, c’est simplement une garantie que les banques s’échangent entre elles justement pour garantir une exposition, un risque ou une problématique réglementaire. Donc cela peut prendre la forme d’actions, d’obligations, de loans, de titres titrisés, voire même de matières premières, donc ça c’est une définition qui est statique. Et on peut voir cela sous l’angle, une garantie, un collatéral est toujours associé en fait un processus de liquéfaction c’est-à-dire de conversion de cet actif en cash, c’est la raison pour laquelle un collatéral est toujours associé à une série de contrats juridiques complexes, le GMRA, le CSA par exemple, associé à un processus de liquéfaction, comme je le disais tout à l’heure, et aujourd’hui la question est de savoir si c’est « clearé ou non clearé » en CCP et…

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc ça s’est compensé…

Cyril Louchtchay de Fleurian, responsable de gestion chez Euroclear : Donc pour compenser. Ce sont des actifs qui sont associés à des marchés liquides ou non liquides, on pense à des instruments comme le tri-party Repo, comme le Security lending, donc voilà une définition un petit peu plus… un petit peu moins statique que la première.

Web TV www.labourseetlavie.com : Ce qui se passe dans ce secteur, c’est qu’il y a une nouvelle réglementation qui est arrivée et qui a changé la donne sur ce collatéral, sur la manière justement du fonctionnement, de la recherche ? Je dirais, sur l’écosystème il a changé ?

Cyril Louchtchay de Fleurian, responsable de gestion chez Euroclear : Absolument, alors on se doute évidemment que tout a basculé dans les années évidemment 2008-2009. Jusqu’alors le marché de la gestion du collatéral était un marché relativement confidentiel, et puis forcément la prise de garantie a pris toute son importance après la faillite de Lehman, et clairement depuis 2008, on assiste en fait à un changement de gravitation de cet écosystème. On parle d’écosystème aujourd’hui simplement parce que c’est un nouveau marché, c’est une nouvelle classe d’actifs qui a des codes particuliers, qui a un mode de fonctionnement particulier. Alors pourquoi l’écosystème est en train de changer ? Tout simplement parce que, de manière schématique, jusqu’à 2008, il concernait essentiellement les banques, et aujourd’hui on a de nouveaux entrants dans ce marché, et notamment ce que l’on appelle le buy-side. Le buy-side, par opposition au sell-side qui sont les banques, le buy-side aujourd’hui ce sont des asset managers, des gérants d’actifs, ce sont des fonds de pension, ce sont des institutions supranationales et ce sont même des entreprises industrielles. Tous ces gens-là sont confrontés, toutes ces entités sont confrontées aujourd’hui à des besoins de collatéral, ce qui n’était pas le cas en 2007, du moins avant la faillite de Lehman. Et du coup, on assiste à… je parlais d’un changement de gravitation, les cartes sont redistribuées, les axes de partenariat ont changé, les actes de concurrence également, donc tout est en train de se restructurer.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc cela veut dire que les banques ne sont plus seules sur ce marché-là, il y a ces nouveaux acteurs, mais est-ce que cela change aussi pour les asset managers par exemple ? Cela va considérablement changer le rôle ou les relations qu’ils avaient avec les banques par exemple ?

Cyril Louchtchay de Fleurian, responsable de gestion chez Euroclear : Oui, alors évidemment les rôles vont évoluer, vont changer dans la mesure où historiquement le buy-side était massivement intermédiaire par les global custodian c’est-à-dire simplement les banques qui avaient leurs clientèles captives, aujourd’hui un certain nombre de ces clients-là sont en train de regarder le marché d’une manière petite différente. Et ce qui est très important pour comprendre ce marché, c’est que tous ces acteurs-là se présentent sur le marché de la gestion du collatéral avec un modèle économique spécifique c’est-à-dire que le modèle d’une banque est très différent de celui d’un asset manager. Quand je parle de modèle, ce sont les objectifs qu’ils ont à… auxquels ils sont confrontés sont très différents. Il y a des objectifs de rentabilité, des objectifs réglementaires, des objectifs prudentiels, donc entre effectivement une banque, un Corporate c’est-à-dire une entreprise, ou un fonds de pension, tous ces modèles économiques sont très différents, et donc du coup génèrent une complexité sur le marché qui n’existait pas jusqu’à présent. Ce qu’il est important de noter également, c’est que, même au sein des banques, la gestion du collatéral, en fait c’est une activité très schématiquement, il y a eu un grand mouvement de balancier, qui passait très concrètement du back-office au front-office, voire même à la direction générale, parce qu’il y a eu un éclairage extrêmement puissant sur les problématiques de liquidités. Et aujourd’hui au sein des banques, on constate que les différents départements des banques, que ce soit la trésorerie, l’asset management, que ce soit le département equity finance, l’obligataire, les desk credit, tout le monde fait du collatéral d’une manière un petit peu différente. Et du coup, c’est pour cela que je parlais tout à l’heure de lignes métier, de lignes métier à part entière, il y a vraiment une réelle complexité du modèle économique qui peut être même propre à l’intérieur de la banque à chacun des départements.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc cela veut dire clairement qu’au sein des banques, finalement ce sujet collatéral, il va être central ?

Cyril Louchtchay de Fleurian, responsable de gestion chez Euroclear : Il est absolument central, et depuis, globalement depuis 2012, les banques travaillent énormément en 2012, 2013 et cette années, travaillent énormément à se structurer pour répondre au ratio de liquidité à court terme, le liquid coverage ratio, et on peut estimer aujourd’hui que ce ratio, avec son pendant qui est la recherche de titres de meilleure qualité, les titres les plus liquides c’est-à-dire les high quality liquidity assets, c’est clairement deux éléments fondamentaux qui sont en train de restructurer la gestion du collatéral dans les banques. Jusqu’à présent les banques, quelque part, subissaient la gestion du collatéral en bout de chaîne en se disant « voilà, mon LCR, il est comme ci, ma gestion elle est comme ça », aujourd’hui les banques sont prêtes à reconsidérer l’organisation de leur métier pour gérer en amont, piloter en amont le LCR et l’approvisionnement en actifs de meilleure qualité. Donc c’est extrêmement structurant et évidemment ces aspects-là ont un impact considérable sur le marché, sur le marché au quotidien que tous les autres acteurs subissent, c’est-à-dire une liquidité différente, cela veut dire des produits, des prix différents, etc.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le volume, puisqu’on parlait de cette crise de 2008, en 2013 justement on en est où sur le volume du collatéral ? Est-ce que les volumes ont évolué ? De quelle manière ils ont évolué ?

Cyril Louchtchay de Fleurian, responsable de gestion chez Euroclear : Alors aujourd’hui, les volumes d’actifs collatérallisés sont extrêmement importants. Alors, il est toujours très difficile de donner un chiffre, mais on parle au niveau mondial, un chiffre entre 13 et 15 milliards de dollars, donc ce sont des chiffres absolument considérables. C’est effectivement un marché qui est en croissance. Néanmoins, sur certains segments précis de la gestion du collatéral, prenons l’exemple du marché du ripo, ce sont des marchés qui sont en train quelque part de… qui sont arrivés à maturité, dont les encours diminuent d’année en année parce que les contraintes réglementaires font que les banques ou les asset managers ou les autres acteurs ne peuvent plus forcément gérer avec autant de latitude qu’elles avaient précédemment.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le mot de la fin, on parlait de ces titres liquides les plus recherchés, est-ce qu’il y en a suffisamment parce qu’on pourrait dire tout le monde en cherche de ces titres ?

Cyril Louchtchay de Fleurian, responsable de gestion chez Euroclear : Effectivement, c’était la grande crainte il y a un an, il y a deux ans, de se dire effectivement tout le monde, pour des raisons très différentes, va rechercher ces fameux actifs de meilleure qualité. Aujourd’hui on estime que, je n’ai pas la réponse à cette question, mais on peut néanmoins regarder ce qui se passe sur les prix en se disant « est-ce qu’il y a une inflation sur les prix de ce type d’actifs ? » et la réponse est non, que ce soit en Europe ou que ce soit aux États-Unis, les prix restent relativement modérés. Donc pour l’instant on n’en ressent pas… il n’y a pas de manque de collatéral pour l’instant. Les choses pourraient changer à l’avenir, mais pour l’instant ce n’est pas le cas.

Web TV www.labourseetlavie.com : Merci Cyril Louchtchay de Fleurian d’avoir été avec nous.

Cyril Louchtchay de Fleurian, responsable de gestion chez Euroclear : Merci infiniment.

 

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