L'Économie en VO : Débat économique avec Georges Liberman Pdg Xiring et Eric Cohen Pdg Keyrus (2ème partie) .
Invité économie : Mathieu Plane économiste à l'OFCE

6 novembre 2011 17 h 25 min
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Débat économique dans le cadre du magazine « l’Economie en VO » en partenariat avec la Banque Palatine. Débat avec Georges Liberman Pdg Xiring et Eric Cohen Pdg Keyrus (2ème partie)

Deux entreprises au profil très tourné sur les technologies, dans un contexte économique marqué par un G20 sous influence grecque. Comment ses entreprises voient la situation économique actuelle évoluer ?

Quelles décisions prennent-elles dans ce nouvel environnement ? En fil rouge Mathieu Plane économiste à l’OFCE

Web TV www.labourseetlavie.com : La clé dans ces périodes-là c’est de ne pas arriver en étant trop spécialisé sur un secteur justement, c’est d’avoir quand même cette diversification si on peut ?

 

Éric Cohen : Si on peut effectivement. Donc nous on a la chance d’être assez équilibré et donc le secteur financier pèse un peu moins de 20 % du chiffre d’affaires du Groupe à l’échelle globale et puis on a aussi la chance d’être sur plusieurs marchés, le Groupe Keyrus est à la fois implanté en Europe mais également en Amérique du Sud, en Amérique du Nord, en Asie, donc on a réussi à diversifier nos positions géographiques et effectivement on essaie de rester agile et flexible, ceci dit l’avenir est quand même incertain aujourd’hui, donc il faut rester très vigilant.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Mathieu Plane, le principal risque pour 2012 c’est une récession ? Alors on pourrait dire le paradoxe c’est peut-être que ça va aller mieux aux États-Unis, on peut lire qu’en ce moment il y a un certain nombre d’éléments positifs et que c’est la zone euro qui en 2012 risque de souffrir ?

 

Mathieu Plane : Oui tout à fait. Pour revenir sur ce qui a été dit, effectivement il y a deux choses. Je pense que le fait qu’il y ait une incertitude sur l’avenir n’engage pas les entreprises à investir, à relancer, et pareil du côté de l’emploi, on voit qu’aujourd’hui on est repassé dans une phase à nouveau de hausse du chômage et de destruction d’emplois avec un effet vicieux sur la croissance qu’il peut y avoir derrière, avec en plus des politiques d’austérité qui seront renforcées, qui vont encore accroître ce risque récessif. Donc on voit que dans cet horizon-là, on n’a pas intérêt quand on est une entreprise à s’engager dans des gros projets. Pour ce qui est justement de ce que vous disiez, ce qui est très intéressant, c’est qu’effectivement je pense qu’il est intéressant d’améliorer la productivité du secteur public et dans ce cas-là dans ce que vous racontez, c’est important, mais c’est quelque chose structurel, tout le monde doit aller vers l’innovation, vers l’amélioration de la productivité, vers l’économie et la rationalisation. Maintenant les coupes franches dans un secteur qui peut être notamment social où des hausses d’impôt généralisées vont avoir un impact sur la croissance de toute façon. Il faut justement distinguer ce qui va être du pilotage conjoncturel de ce qui est plus structurel et à long terme qui est du côté de l’innovation ou des économies liées à la productivité que l’on peut trouver dans le secteur public.

 

Georges Liberman : En fait on devrait être euphorique. Très logiquement une société comme Xiring aujourd’hui devrait être euphorique. On est aujourd’hui en France sur un marché, alors je parle pour le moment de la France où on va voir arriver la carte d’identité électronique qui a fait un aller-retour, donc qui a été votée à l’Assemblée, au Sénat, elle a été acceptée par un vote à l’Assemblée très récemment. On rentre dans le permis de conduire électronique au 1er janvier 2013. Donc en toute logique nous devrions être euphoriques et voir l’avenir avec beaucoup de sérénité, mais cet environnement – et là je vous rejoins – cet environnement autour de nous fait que nous abordons tout cela avec une extrême prudence, et extrême prudence bien sûr cela veut dire : on fait attention aux investissements, on fait attention aux recrutements, on freine un petit peu là où on peut freiner, finalement un peu par principe aussi, parce que je dirais le système ambiant nous amène à cette psychologie-là.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que cela vous incite à aller regarder d’autres marchés ou peut-être à …

 

Georges Liberman : Alors on est bien sûr en train de se développer sur d’autres marchés européens parce que tous ces dispositifs de dématérialisation des procédures de l’État, de la signature électronique et de certaines administrations, tout cela est en train de se diffuser. On a commercialisé 20 000 terminaux sur le système de santé allemand cette année, on est sur tous les systèmes qui sont en train de se mettre en place un petit peu partout en Europe, donc c’est vraiment un mouvement de fond, mais c’est vrai, je reconnais, que nous avons une attitude extrêmement prudente, peut-être anormalement prudente.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce qu’il y a quelque chose mais, c’est le climat qui …

 

Georges Liberman : Oui c’est le climat, c’est les interrogations,

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Des interrogations sur des futures taxes, sur notre environnement fiscal ?

 

Georges Liberman : L’instabilité fiscale effectivement est un vrai sujet, les instabilités sur les règles et sur les mécanismes comme le crédit d’impôt-recherche, etc., c’est un vrai sujet. On est dans une grande spécialité chez nous qui est que la règle du jeu, on ne la connaît pas bien ou en tout cas on la connaît mais on ne sait pas jusqu’à quand elle va durer, elle n’est pas figée. Donc si je reprends par exemple les interrogations qui se posent sur le crédit d’impôt-recherche, c’est une hypothèque très certaine sur les budgets de recherche et développement. On n’embauche pas des ingénieurs de la même façon si on a une visibilité sur les crédits d’impôts ou pas. Donc aujourd’hui on choisit toujours les schémas un peu négatifs ou un peu « catastrophe » malgré justement ces marchés qui sont en train de décoller

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, c’est-à-dire que le marché est là

 

Georges Liberman : Le marché est là, les positions d’entreprise sont là, l’administration française est en train de sécuriser ses PC. On a gagné les deux grandes administrations qui ont démarré qui sont la gendarmerie et la police, il y a 1 million de PC dans l’administration française à équiper.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : On sent que c’est une thématique, en plus on en parle régulièrement de ces questions de sécurité avec des sites piratés, …

 

Georges Liberman : Bien sûr tout cela est incontournable, c’est absolument incontournable. On ne peut pas faire l’économie de la sécurité sur les stations de travail de l’administration française. On ne peut pas faire l’économie de la dématérialisation, les papiers qui circulent avec des tampons et des photocopies, c’est là que l’on va gagner de l’argent dans l’administration.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Éric Cohen ?

 

Éric Cohen : C’est également la problématique du financement des entreprises, il faut effectivement bien regarder qu’aujourd’hui le climat général provoque quand même un effet assez compliqué au niveau des banques qui aujourd’hui sont extrêmement frileuses à financer les entreprises. Moi je parle sur des choses assez concrètes

 

Web TV www.labourseetlavie.com : C’est-à-dire des projets peut-être que vous aviez de développement ?

 

Éric Cohen : Des projets, vous savez, pour des entreprises de forte croissance, on se pose toujours la problématique, on essaie de voir un peu à moyen terme du financement, des dispositifs à mettre en place, etc. et aujourd’hui on sent depuis la rentrée une certaine frilosité, je reste assez mesuré, mais une vraie frilosité des banques et je pense que cela, c’est quand même un sujet important. Alors c’est sûr que le bon équilibre entre la rigueur, la rationalisation, la réduction des déficits et malgré tout quand même la relance de l’économie, la création d’emplois, c’est un sujet assez complexe mais je pense que cela passe également par la capacité des banques, et là on revient sur le sujet que vous évoquiez tout à l’heure où effectivement suite à la crise de 2008, il n’y a pas vraiment eu les mesures nécessaires prises notamment dans la séparation des activités de banque de dépôt et de banque d’investissement. Donc on en en revient toujours à cette problématique qu’il y a effectivement des contraintes fortes de régulation, des contraintes fortes de ratios à respecter et avec derrière quand même un vrai besoin de financer l’économie et je pense qu’on a quand même un sujet clair qui est devant nous.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Avec la Bourse qui pour le coup, compte tenu de ce qui se passe, la bourse qui est là normalement pour les valeurs de croissance, ne peut pas jouer l’aide

 

Éric Cohen : Voilà, vous suivez les marchés. En fait il y a deux problèmes. Il y a effectivement l’effet macro et les effets d’annonces pragmatiques de dette souveraine, etc., donc les marchés anticipent, comme vous le disiez tout à l’heure, éventuellement l’effet cascade qui fait que aujourd’hui il y a une volatilité extrême, et nous on a une deuxième difficulté – je pense que Xiring ça doit être la même chose – c’est que l’on est dans le compartiment small mid cap où là il y a un vrai problème depuis trois ans de manque de suivi d’analyse et donc d’intérêt finalement des investisseurs sur ce segment. Globalement il est très difficile de sortir du lot même si on fait des bonnes croissances ou des bonnes rentabilités, je trouve qu’il y a un sujet là pour le coup européen aussi qui est une place de marché européenne qui serait vraiment dédiée aux PME et aux ETI.Je pense que c’est un sujet pour lequel Middle Next milite, mais Middle Next ne peut être tout seul. Je pense qu’il faut travailler également avec les Allemands et qu’il y ait une vraie gouvernance européenne sur le sujet.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Mathieu Plane, sur ce regard des chefs d’entreprise effectivement avec la question des banques, on voit les banques qui au mois de juillet avaient 21 % peut-être sur la partie grecque, sur les créances grecques, on voit qu’on est monté à 50, que l’on va même peut-être au-delà, alors les banques disent qu’elles peuvent effectivement subir « cette décote » mais on sent que si d’autres pays se mettaient à avoir des difficultés sur les marchés, les banques là auraient vraiment beaucoup de mal.

 

Mathieu Plane : Oui, tout à fait, c’est-à-dire que l’on est dans une crise de confiance. Aujourd’hui les bilans bancaires pourraient absorber une crise grecque, le problème c’est que l’on ne connaît pas le risque de transmission, on ne peut pas savoir quelles seront les provisions potentielles que pourraient passer les banques dans le cadre d’une transmission. Aujourd’hui le problème dans la régulation globale, c’est que l’on n’a pas de pare feu en fait aux crises, que ce soit les agences de notation qui vont finalement plutôt accélérer les crises, le rôle en fait de ces agences de notation dans la pondération du risque que vous allez avoir dans les banques qui vont ne faire qu’accélérer ces phénomènes-là. Pour faire face à cela, effectivement les États doivent intervenir et refinancer les banques, ce qui va coûter cher aux États, qui met en péril la notation des États, on voit que finalement on en est à quelque chose qui est inarrêtable et donc je crois qu’aujourd’hui la difficulté c’est d’avoir des politiques contracycliques qui permettent de stabiliser les économies quand elles vont mal. Aujourd’hui on voit que l’on a des effets comme cela « boule de neige » qui vont très vite et que l’on sort d’une crise qui est quand même relativement récente, celle de Lehman Brothers et qui en fait aussi le prolongement aujourd’hui mais on voit bien que l’on a absolument pas résorbé les difficultés de 2008. Aujourd’hui on voit que les difficultés de financement du côté des entreprises deviennent de plus en plus difficiles, que les spreads sont en train d’augmenter, qu’il commence à y avoir une restriction du crédit et on n’est pas pourtant dans une situation encore de crise bancaire. Espérons que l’on va l’éviter, donc on voit bien qu’il y a une frilosité ambiante qui est très forte. Malheureusement je crois que si l’on ne change pas à un moment de stratégie, – ce qui ne veut pas dire que l’on ne doit pas rationaliser les coûts à long terme, je veux dire du côté de la dépense publique, ça c’est vraiment un sujet de fond -, et on voit bien que la réponse aujourd’hui qui est apportée par les pouvoirs publics n’est pas une bonne réponse, en tout cas n’est pas adaptée à la conjoncture. Je crois que justement le G20 est une chose importante pour se mettre autour de la table et prendre des décisions communes mais on voit que les stratégies sont différentes. Aujourd’hui les États-Unis n’ont pas adopté la même stratégie que la zone euro mais en même temps la zone euro aujourd’hui, due à son fonctionnement institutionnel, ne peut pas avoir la même stratégie que les Etats-Unis.

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