L'Économie en VO : Débat économique avec Yves Bouget (HF Company) et Philippe Benacin (Inter Parfums), la 1ère partie .
En fil rouge Pierre Sabatier Co-fondateur de PrimeView pour la partie Economie - Marchés
Dans ce magazine de débat économique sur la Web Tv www.labourseetlavie.com, nos trois invités pour parler Economie et Stratégie d’entreprises :
L’Economie en VO, la première partie, avec Yves Bouget Pdg de HF Company et Philippe Benacin Pdg de Inter Parfums. En fil rouge, pour la partie Economie – Marchés, Pierre Sabatier Co-fondateur PrimeView.
Web TV www.labourseetlavie.com : Bonjour à tous. Bienvenue dans « L’économie en VO », notre magazine sur la Web TV www.labourseetlavie.com. Dans ce magazine, on va parler d’innovations dans deux secteurs totalement différents, les parfums et notamment la technologie, l’électronique avec les décodeurs TNT, mais aussi l’ADSL, avec nos deux invités dirigeants d’entreprises, dans cette émission, Yves Bouget, bonjour.
Yves Bouget : Bonjour.
Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes le Pdg de HF Company, on parlera technologie avec vous. Philippe Benacin, bonjour.
Philippe Benacin : Bonjour.
Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes le Pdg d’Inter Parfums, on parlera aussi d’innovation dans ce domaine, votre secteur. Et puis donc pour l’économie, Pierre Sabatier, bonjour.
Pierre Sabatier : Bonjour.
Web TV www.labourseetlavie.com : Vous êtes le co-fondateur de Prime View qui fait des recherches justement d’analyses économiques. Alors on va commencer avec vous puisque la zone euro en ce moment reste sous le feu effectivement de l’actualité, comment vous envisagez ce qui est en train de se passer ? On a des nouveaux gouvernements en train de se mettre en place en Grèce, enfin ils ne sont pas encore totalement constitués, mais les marchés restent quand même quand on regarde les chiffres sur les taux par exemple en Italie, inquiets. Est-ce que l’on arrive à avancer, à trouver une sortie dans cette zone euro ?
Pierre Sabatier : Difficile à dire. On va dire que l’on avance déjà dans un premier temps, ce qui est pas mal parce qu’en zone euro je dirais simplement : retournons-nous et regardons trois ans en arrière. Les pas qui ont été franchis, les obstacles qui ont été franchis sont quand même assez monumentaux au niveau européen. Est-ce que cela suffit ? Est-ce que l’on aura le temps suffisant pour construire une zone euro suffisamment solide pour faire face à la pression des marchés ? Rien n’est gagné. On le voit bien aujourd’hui. On a voulu quand même laisser croire qu’un changement de gouvernement en Grèce ou en Italie réglerait la solution. Ce n’est pas en changeant un homme que vous changez la solution et que vous réglez en fait le problème de solvabilité de ces pays-là. Maintenant il va falloir mettre en place des gouvernements crédibles, ils le seront sans doute plus que les précédents. La vraie question c’est : est-ce qu’ils seront en mesure de réformer sans, je dirais, dommages collatéraux en termes politiques ? Parce qu’il va falloir quand même passer par la population à un moment donné pour réformer les pays et pour régler les problèmes de solvabilité de ces états. Je rappelle aujourd’hui, le taux d’endettement de l’Italie, c’est cela son problème, c’est 120 % de PIB, le taux d’endettement grec était de 165 %, il a été réduit à 120 %. Est-ce que demain la Grèce sera en mesure de franchir ce cap des 120 % de dette pour renouer avec la croissance, cela sera compliqué.
Donc dans un premier temps, il est évident que les solutions que l’on trouve sont collaboratives, on va dans le bon sens, maintenant il n’est pas dit que l’on trouve une solution à très court terme.
Web TV www.labourseetlavie.com : On a l’impression que les marchés vont plus vite bien sûr que les politiques, c’est plus compliqué. Vous avez parlé de votes, d’élections à venir, on les voit déjà quand on regarde les chiffres de près en train de voir si l’Espagne ne va pas avoir non plus des problèmes. Donc on sent bien cette contagion que les plus pessimistes sur la zone euro indiquaient dès le départ en disant : « on commence par un pays et puis on continue, on en est à l’Italie, et on réfléchit déjà à l’Espagne. »
Pierre Sabatier : Voilà, c’est comme la rénovation d’une vieille maison. Vous tirez un fil et ensuite le mur vient avec. La réalité, il faut faire attention effectivement, je dirais les prêcheurs de l’apocalypse du printemps dernier finissent par avoir raison, c’est normal. Pourquoi ? Parce que nos économies reposent sur un seul pilier, les entrepreneurs le savent bien, c’est d’abord la confiance. Lorsque tous les jours on vous annonce la fin du monde, cela finit par être la fin du monde. C’est ce qu’en économie on appelle une prophétie auto réalisatrice. Donc il faut mesurer ses propos. Maintenant il est vrai, les marchés financiers sont en avance sur les politiques, les marchés financiers sont toujours en avance sur l’économie et je rappelle qu’historiquement une récession est toujours, commence toujours à être intégrée par les marchés financiers six mois avant le début de cette récession et d’ailleurs a contrario, les marchés financiers anticipent toujours le rebond, la fin d’une récession également six mois à l’avance. Maintenant la réalité c’est que on n’a pas de pare-feu en Europe. Aujourd’hui on n’a pas de banque centrale qui systématiquement va dire : « non, vous ne pouvez pas nous attaquer puisque je vais me mettre en face et acheter vos obligations. ». Donc aujourd’hui nous devons régler un problème de liquidités. Alors nous avons à régler sur le long terme, sur une longue période, un problème de solvabilité, mais nous ne sommes pas les seuls. Je rappelle que le Japon est endetté à 220 % du PIB.
Web TV www.labourseetlavie.com : Cela fait longtemps.
Pierre Sabatier : Cela fait longtemps. Alors un tout petit aparté par rapport à cela.
Le Japon doit être considéré comme un laboratoire vivant quand même pour nos vieux pays européens. Pourquoi ? Parce qu’il a eu à gérer au début des années 90 une orgie globale qui aura duré 15 ans, qui reposait sur une bulle de crédits monumentale, des prix de l’immobilier beaucoup trop élevés, des prix des actions beaucoup trop élevés par rapport à la valeur intrinsèque de l’économie. Il a eu à gérer cela au début des années 90, et puis il a eu à gérer un deuxième phénomène qui s’appelle le vieillissement des populations. Le vieillissement des populations a commencé au Japon, n’a pas commencé en Europe.
Pourquoi je dis cela ? Parce qu’en fait ce qui compte en économie c’est la barrière des 65 ans, c’est la cessation d’activité parce que c’est vraiment à partir de ce moment-là où vos revenus s’effritent, stagnent pour les plus chanceux, s’effritent pour d’autres, que cela va vraiment avoir un impact sur le comportement consumériste des consommateurs. Et là, pourquoi il faut regarder le Japon ? C’est parce que eux ont eu du mal à faire face à cet environnement-là et n’ont pas réussi à sortir de l’environnement finalement déflationniste qui s’est installé à partir de la moitié des années 90.
Aujourd’hui le pays le plus en risque par rapport à ce phénomène-là, a contrario de ce que l’on pourrait entendre aujourd’hui, c’est l’Allemagne., C’est d’abord l’Allemagne et ensuite l’Italie, et la France étant un petit peu mieux placée par rapport à cela. Simplement, vraiment ce dont il faut avoir conscience, c’est que l’on ne pourra pas trouver et répondre à un problème et à un défi de cette ampleur-là en 15 jours. C’est là où on atteint les limites des marchés financiers. Mettre la pression pour trouver des solutions c’est bien sauf que l’on ne réinvente pas un modèle de croissance en 15 jours, voilà.
Donc il faut d’abord trouver un pare-feu pour faire face à ce problème de liquidités, c’est dire : « est-ce que les états peuvent faire faillite ? » Il faut que la réponse soit non. Elles ne pourront pas faire faillite parce qu’on mettra les moyens pour qu’elles ne le fassent pas, à savoir la banque centrale rachètera – on appelle cela la banque centrale, on appelle cela le fond monétaire européen de stabilité financière, c’est la même chose -, mais on interdit le problème de liquidités. Maintenant on met en place sur longues périodes avec sans doute peut-être qu’il faudra revenir à des économies un tout petit peu plus planifiées – quand je dis planifiées, ce n’est pas à la soviétique – mais avec des objectifs un peu plus lointains qui visent à prendre en compte les changements structurels qu’il faut que nos pays, nos vieux pays européens, gèrent pour pouvoir se projeter dans le temps.
Web TV www.labourseetlavie.com : Yves Bouget, sur cette situation de la zone euro, vous, vous êtes dans plusieurs pays bien entendu, vous vendez vos produits dans différents pays, mais ces réactions des consommateurs, ce nouvel ordre en quelque sorte économique, comment vous le vivez en tant qu’entreprise ?
Yves Bouget : Un entrepreneur ou un dirigeant a toujours deux visions ou deux hémisphères cérébraux.
Il y a la vision objective comme tout citoyen finalement qui fait que on constate les faits, les faits c’est qu’aujourd’hui il y a une situation extrêmement anxiogène pour l’ensemble des consommateurs parce les consommateurs on leur parle de 3 A, on leur parle de dettes financières, je ne suis pas certain qu’ils aient véritablement le moyen de comprendre ce qui leur arrive, mais en revanche tous les matins, tous les soirs, c’est notre débat aujourd’hui, on leur génère de l’anxiété, ce qui fait que bien évidemment cela modifie profondément leur façon de consommer, et cela sur le plan européen. Donc, cela c’est objectivement en tant que dirigeant, je le constate, je sais que je vais avoir des consommateurs qui auront un comportement de plus en plus hiératique, qui vont consommer d’une semaine sur l’autre, qui vont arrêter de consommer, sans que je puisse y mettre des explications.
Ensuite il y a mon hémisphère cérébral de dirigeant qui est un hémisphère volontariste qui bien évidemment toujours nie cette réalité forcément et c’est ce qui fait la force d’ailleurs du monde entrepreneurial, c’est que, quelle que soit la situation, nous désirons avancer, nous voulons avancer et nous projetons comme si finalement nous étions capables de contraindre le monde et à un moment donné, on va finalement modifier le cours des choses. Je crois que les entreprises vont participer par leurs croyances finalement dans les vertus de l’économie libérale à leur capacité à modifier les choses.
Je partage quand même une partie de l’analyse c’est-à-dire que je reste persuadé qu’aujourd’hui nous sommes, nous, dans un vieux monde, le monde européen vieillissant, d’ailleurs les populations vieillissent, que nous ne sommes plus aujourd’hui, nous n’avons plus de leadership de la consommation. Je rappelle que nos économies sont construites sur la consommation et non pas sur l’investissement productif, on est à l’envers. Donc à partir de ce moment-là, on est dans un monde qui est en train de vieillir et il va falloir, et cela va être difficile intellectuellement et culturellement, mais que l’on accepte finalement la domination des mondes émergents qui eux vont être tirés par leur propre consommation, donc on a quand même un nouveau modèle à imaginer et je verrais bien un monde économique libéral social réglementé parce qu’aujourd’hui on ne peut pas non plus laisser l’économie financière mener nos choix politiques en Europe.
Web TV www.labourseetlavie.com : Philippe Benacin, sur cette situation vous aussi vous vous rendez dans le monde entier avec ces nouveaux pays dont on parle de plus en plus, la situation, ce qui se passe dans la zone euro, cela vous inquiète aujourd’hui ?
Philippe Benacin : Alors cela ne m’a pas tellement inquiété sur l’année 2011 jusqu’à maintenant. J’ai trouvé que cela était assez déconnecté, que tous les raisonnements macros que l’on pouvait lire, voir et entendre étaient assez déconnectés de la consommation. D’ailleurs on a une zone euro, nous dans nos comptes qui est assez positive puisque l’on doit être à plus de 10 % cette année, c’est un assez bon score. Nous on est sur un marché de parfums, donc plutôt luxe, qui a moins subi de problèmes que les autres, et sinon, hors zone euro, cela se passe bien globalement, cela se passe bien sur l’Asie, cela se passe bien en Amérique du Sud et au Moyen-Orient où on sent une consommation assez forte et en croissance. Donc j’ai l’impression que la macro est un peu déconnectée de l’attitude du consommateur un peu partout sur terre.
Fin de la première partie.
© www.labourseetlavie.com 29 novembre 2011. Tous droits réservés
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