Thibault de Saint Priest Associé Gérant du Groupe ACOFI : "Les fonds de prêt offrent quelque chose que les banques ne peuvent pas offrir".
Fonds de prêt à l'économie, nouveaux financements en vue et perspectives
L’ouverture des fonds de prêts aux mutuelles de santé et aux institutions de prévoyance prend un nouvel élan.
À l’occasion du lancement par le Trésor d’une consultation sur le projet de décret modifiant le régime des fonds de prêts à l’économie visant à étendre aux organismes des codes de la Mutualité et de la Sécurité sociale les dispositions de la réforme de l’été 2013 ayant conduit à une modification du code des assurances.
Les investisseurs institutionnels peuvent désormais investir dans ces prêts à l’économie, mon invité pour en parler est Thibault de SAINT PRIEST, Associé Gérant du Groupe ACOFI.
Web TV www.labourseetlavie.com : Thibault de Saint-Priest, bonjour. Vous êtes associé gérant du groupe Acofi. On va parler avec vous des prêts à l’économie, des fonds de prêts à l’économie, pour être précis. C’est vrai que c’est lié à une nouvelle réglementation qui s’est mise en place l’année dernière. Est-ce que l’on peut la rappeler cette réglementation ? Elle était notamment destinée aux investisseurs comme les assureurs ou les mutuelles, qu’est-ce que cela a changé ?
Thibault de Saint-Priest, Associé Gérant chez Acofi : D’abord il faut rappeler que la réglementation relative aux fonds de prêts est typiquement une réglementation qui s’applique aux entreprises d’assurances c’est-à-dire qu’en fait il s’agit d’une définition que l’on trouve dans le code des assurances et non pas dans le code monétaire et financier. Celle-ci résulte d’un décret qui est intervenu à l’issue d’une longue consultation commencée en mars 2013 et qui a trouvé son épilogue en août, le 2 août pour être très précis, et ce décret a ouvert effectivement l’accès des investisseurs institutionnels à une nouvelle classe d’actifs que sont les prêts à l’économie et plus spécifiquement les fonds de prêts à l’économie. Alors, il est vrai que précédemment, avant ce décret, il était possible pour les entreprises d’assurances d’intervenir directement sur les prêts et dans des conditions considérablement restrictives. Elles le faisaient, elles l’avaient fait, mais n’avaient plus guère été actives sur ce marché depuis longtemps. L’ouverture ainsi par ce décret donc a rendu possible l’entrée de cette classe d’actifs dans le portefeuille des compagnies d’assurances de manière significative, même si c’est encore très progressif.
Web TV www.labourseetlavie.com : Au niveau des investissements, donc des sous-jacents, qu’est-ce que l’on peut trouver dans ces nouveaux fonds de prêts à l’économie ?
Thibault de Saint-Priest, Associé Gérant chez Acofi : Il est d’usage de considérer qu’il y a quatre univers qui sont couverts potentiellement par les fonds de prêts à l’économie. Le premier concerne le financement des professionnels de l’investissement immobilier. Il s’agit typiquement de fonds qui accompagnent des sponsors, comme on les appelle, c’est-à-dire des grands investisseurs qui s’intéressent à l’immobilier d’entreprises et qui recherchent des financements seniors. Ces financements seniors sont acquis au travers de ces fonds de prêts que l’on appelle en anglais commercial real estate fund. Ces deuxièmes classes d’actifs ou deuxième segment, c’est ce que l’on appelle le financement des infrastructures. Là c’est l’idée selon laquelle des fonds de prêts peuvent accompagner le développement, la création de grandes infrastructures, notamment au travers de partenariat public-privé. Troisième univers ou segment, c’est le financement public hors État, et là on inclut le monde des collectivités territoriales et le monde des établissements publics de santé par exemple. Enfin, le quatrième secteur qui a vocation à se développer et dont on parle beaucoup, même si son démarrage est encore au fond assez modéré, c’est le financement direct des entreprises via cette modalité de financement alternatif qui a été rendu possible via les fonds de prêts.. Donc ces quatre segments ont vocation à se développer. Le dernier bien sûr… sur ce dernier repose de grands espoirs de la part d’un certain nombre de gens, mais il faut une acclimatation, il faut qu’aussi bien les prêteurs d’un côté, les prêteurs alternatifs se familiarisent avec cette classe d’actifs nouvelle et il faut aussi que les emprunteurs eux-mêmes découvrent un nouveau mode de relation différent par certains côtés de celui que ces entreprises, PME, ETI, ont établi jusque-là avec leur banque.
Web TV www.labourseetlavie.com : Pour le… On parle de fonds de prêts à l’économie, on a connu cela il y a quelques années maintenant, on appelait cela la titrisation, effectivement est-ce qu’aujourd’hui on retrouve le même type de fonctionnement ?
Thibault de Saint-Priest, Associé Gérant chez Acofi : Alors, je crois que l’on retrouve un fonctionnement qui est assez différent. D’abord parce que la titrisation, au sens où on l’entend, recouvre finalement, sous toutes ces techniques de refinancement de masse, des crédits qui sont dans les bilans des banques. Cette technique a été utilisée de manière importante jusque dans les années 2008 pour simplifier, en relevant d’ailleurs que la titrisation, cette titrisation n’a pas été nécessairement la cause de la crise financière, comme on l’a parfois dit avec beaucoup d’abus, puisque c’est plutôt du côté des subprimes qu’il faut rechercher l’origine finalement. Et simplement cette forme de titrisation était touchée gravement par le déclenchement de la crise financière. Mais il s’agit là d’un refinancement de masse de créances bancaires. Le monde des fonds de près participe d’une logique différente. Il s’agit au fond de véhicules qui ont été créés pour permettre d’organiser un accès professionnel, maîtrisé, aux investisseurs institutionnels, d’abord eux et seulement eux pour le moment, à cette nouvelle classe d’actifs que l’on appelle les prêts. De quoi s’agit-il ? Il s’agit, en fait, dans ces fonds, de faire une véritable sélection à partir de prêts qui sont ou originés par ces asset managers ou qui sont proposés par d’autres acteurs, mais ils reposent sur une sélection individuelle de prêts au fil du temps. Deuxièmement, ces fonds sont gérés activement au sein de ces fonds par ceux qui en ont la responsabilité c’est-à-dire les asset managers. Ainsi, l’ensemble des attributs qui sont nécessaires à la constitution d’un portefeuille de prêts, à sa gestion et à son recouvrement, sont mis en œuvre par les sociétés de gestion qui promeuvent ce type de véhicules en direction des investisseurs institutionnels. En cela, c’est une grande différence par rapport à ce qui prévaut dans le monde de la titrisation au sens classique du terme. Autre différence, ces fonds de prêts ont la caractéristique de ne pas avoir recours à l’effet de levier, donc ils ne s’endettent pas pour procéder à des investissements. Et enfin, troisième caractéristique essentielle, c’est que de manière générale ils ne pratiquent pas ce que l’on appelle le tranchage c’est-à-dire que ces fonds n’émettent pas de parts ou d’obligations de catégorie différente c’est-à-dire des titres ouvrant droit, ouvrant des droits différents à des porteurs différents, c’est-à-dire que ces fonds en fait émettent une seule catégorie de titres qui sont placés auprès d’investisseurs institutionnels, intéressés par une exposition maîtrisée à cette classe d’actifs.
Web TV www.labourseetlavie.com : Qu’est-ce qui peut aujourd’hui freiner les investisseurs institutionnels ? Cela va être le mode de gouvernance du fonds, la transparence, la compréhension de… parce qu’ils vont être quelque part « bloqués » pendant une certaine période, qu’est-ce qui peut être le frein le plus important aujourd’hui ?
Thibault de Saint-Priest, Associé Gérant chez Acofi : Vous avez raison de souligner que ces fonds ont la particularité de ne pas être des fonds ouverts c’est-à-dire que l’on ne peut pas en sortir. En ce sens-là, on dit qu’ils sont fermés c’est-à-dire ces fonds détiennent des actifs qui vont être détenus jusqu’à l’échéance finale c’est-à-dire jusqu’à ce que le dernier emprunteur ait rempli ses obligations, aussi bien en termes d’intérêt qu’en termes de capital. Donc il y a une illiquidité de ce placement. En contrepartie de cela, ces fonds permettent d’ouvrir un accès à une rémunération un peu supérieure à celle qui est accessible sur des instruments financiers négociables sur un marché reconnu. Qu’est-ce qui peut freiner donc les investisseurs institutionnels ? J’ai envie de dire qu’au fond il n’y a pas de frein dans l’absolu. Il y a simplement un vrai processus d’acclimatation, de familiarisation des investisseurs avec cette classe d’actifs particulière, comme je le disais tout à l’heure, et aussi avec le mode de fonctionnement de ces fonds que, aussi bien les asset managers par certains côtés découvrent que les investisseurs découvrent également. Donc il faut du temps pour que les uns et les autres se familiarisent, et je crois qu’il y a un vrai intérêt des investisseurs dans un monde où les rendements sont très compressés, comme on le sait, et où il y a une véritable fenêtre d’opportunité résultant de ce que j’appelle l’alignement paradoxal des planètes Bâle III et Solvancy II.
Web TV www.labourseetlavie.com : Justement, vous parliez de rendement, concrètement par rapport à ce qu’il y a aujourd’hui sur les marchés parce qu’il y a certains investisseurs institutionnels qui aujourd’hui peut-être vont revenir sur les actions, compte tenu des rendements et compte tenu de ce qui se passe sur la partie obligataire par exemple, mais aller sur ce type de fonds, est-ce que l’on va leur offrir plus que sur les actions ?
Thibault de Saint-Priest, Associé Gérant chez Acofi : Alors, je crois qu’il ne faut pas faire cette comparaison. D’abord parce que les fonds de prêts ne font pas de miracle. Les fonds de prêts doivent permettre d’augmenter, d’accroître ou de complémenter, si je puis dire, l’offre de financement disponible pour les acteurs de la vie économique. Lorsque les banques, pour des raisons diverses et variées, notamment réglementaires, appelons le Bâle III, sont amenées à réduire leur exposition à certains crédits dans certains segments, notamment la partie la plus longue de ces crédits, il y a une véritable opportunité pour des investisseurs longs terme qui ont un passé de duration longue, pouvoir s’intéresser à ce moment-là à des actifs longs que représentent ces prêts. Je parlais tout à l’heure des prêts infrastructure, ce sont des prêts qui peuvent être consentis pour des durées de 20 ans, 25 ans, parfois 30 ans, donc les banques auront peut-être, compte tenu des exigences de ratios de liquidité et de ratios de levier, plus de difficultés à consentir de tels prêts. Et donc les investisseurs institutionnels qui, par définition, ont un passif de duration plus longue, eux vont probablement pouvoir offrir une alternative, c’est pour cela que l’on peut parler de financement alternatif, donc, à une offre bancaire qui elle est moins présente que par le passé. Donc de ce point de vue-là, ces fonds offrent quelque chose que les banques ne pourront peut-être pas nécessairement offrir, ils le font dans des conditions de rémunération qui seront bien sûr toujours en compétition avec les autres taux ou prix proposés par les autres acteurs.
Web TV www.labourseetlavie.com : On suivra cela. Merci Thibault de Saint-Priest d’avoir fait le point avec nous.
Thibault de Saint-Priest, Associé Gérant chez Acofi : Merci à vous.
© www.labourseetlavie.com. Tous droits réservés, le 22 juin 2014.
À propos d’ACOFI : 700 millions d’actifs gérés et conseillés, est un groupe indépendant de services financiers fondé en 1990 qui s’est désormais recentré sur les fonds de prêts à l’économie. Leur stratégie d’investissement est consacrée exclusivement au financement de l’économie destinés à financer les besoins des collectivités locales, les besoins des entreprises, les projets d’infrastructures et les projets immobiliers. ACOFI vise un total de 1,5 milliard d’euros d’actifs gérés et conseillés à fin 2014.
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