Christophe Alévêque : "Être ignorant c'est l'usine à conneries".
Rire de la dette ou en pleurer ? elle est là et bien là en France !
Tous les citoyens devraient s’intéresser à l’économie et à la dette, c’est le constat et le souhait de l’humoriste Christophe Alévêque, qui dans on livre tente d’expliquer ces notions, et les solutions possibles. Avec humour mais aussi un vrai débat.
« Oui les gens ont de plus en vie de piger ce qui se passe » dit-il dans cet interview.
La dette, certains ont oublié de se creuser la tête à ce sujet. Avec Christophe Alévêque, une vision décalée de la dette, de l’économie et de la crise.
Web TV www.labourseetlavie.com : Christophe Alévêque, bonjour. Merci de nous accorder cette interview puisque vous avez écrit un ouvrage sur la dette, sujet que l’on connaît bien ici sur Labourseetlavie.com, on en parle avec des investisseurs qui achètent parfois d’ailleurs de la dette. Vous, vous êtes plutôt dans le registre humoristique traditionnellement, qu’est-ce qui vous a amené un jour à vous intéresser à ce sujet de la dette puisque votre livre s’appelle « On marche sur la dette » ?
Christophe Alévêque : C’est le… à force d’en… dans les spectacles, j’ai toujours un passage de revue de presse et l’économie est quand même un sujet extrêmement important, envahissant même, et qui régule plein, plein, plein de choses de notre vie de tous les jours. Donc beaucoup de choses sont liées à cela, à la régulation financière, à la dette, aux marchés, et du coup, petit à petit, je me suis penché sur le sujet pour toujours essayer de décrypter, comme d’habitude, essayer de voir où était le loup, et en économie il y en a beaucoup des loups, des requins aussi, mais il y a beaucoup de paradoxes, il y a beaucoup de choses qui sont complètement… comment dire… c’est… on est, je pense, beaucoup sur un dogme, donc…
Web TV www.labourseetlavie.com : Et c’est cela qui vous frappe plus, c’est de dire… vous dites, vous, finalement, la date cela a toujours existé, il y en a toujours eu, il y a même des états qui ont effectivement fait défaut dans le passé, ils sont toujours là… ?
Christophe Alévêque : La France, dans les années 50, avait 200 % de dettes. Bon, à l’époque, il y avait un coup de baguette magique, les choses disparaissaient. L’Allemagne avait une dette énorme, je crois que c’est en 52 (1,49), et on leur a fait grâce de payer, donc, il faudrait qu’ils s’en rappellent un peu les Allemands par rapport à d’autres pays d’Europe et… voilà. Après, nous, dans le bouquin, ce que l’on traite, ce n’est pas le… on n’est pas là pour donner des solutions parce que d’abord on n’a aucune légitimité pour le faire, mais simplement c’est… Moi j’en ai marre aussi d’entendre « On s’occupe de tout, allez jouer dans le bac à sable », donc… et puis le fait que d’être ignorant, cela développe, c’est une…, l’ignorance c’est l’usine à conneries quand même. Donc je ne comprends pas, donc je mets la faute sur quelqu’un parce que de toute façon ce n’est pas de ma faute et donc la faute, c’est l’Europe, c’est le vil juif, les Illuminati, voilà. On a entendu plein, plein, plein de choses là-dessus. Quand je faisais la campagne de Super Rebelle Président d’ailleurs où on posait plein de questions aux gens, c’est ça aussi qui m’a donné envie de le faire, voir à quel point les gens ne comprenaient rien, et il y en a même un qui nous avait dit « Tout cela, c’est l’argent du Vatican. » Voilà, il y avait des secrets au quatrième sous-sol de la banque du Vatican et visiblement, d’après lui, tout se passait là, donc c’était…
Web TV www.labourseetlavie.com : Il y a un besoin de pédagogie ?
Christophe Alévêque : Oui mais… La même chose qui s’est passée… les actes terroristes du mois de janvier, c’est… la base de tout cela, c’est d’abord l’ignorance. Avant de devenir fou, ces mecs-là sont d’abord des ignorants complets. Donc, c’est à chacun de nous, je pense, maintenant d’y mettre du sien et puis de… chacun à son niveau.
Web TV www.labourseetlavie.com : Qu’est-ce qui vous gêne le plus ? C’est que finalement on dise aujourd’hui qu’il faille faire encore plus d’économies, quand vous entendez qu’il faut se serrer encore plus la ceinture, qu’il va y avoir… qu’il faut trouver de l’argent, donc il faut réduire la dette parce que c’est le fameux…
Christophe Alévêque : Oui, il faut réduire la dette parce qu’on a décidé de le faire, et là, encore une fois de plus, on est dans un dogme. On commence notre bouquin là-dessus d’ailleurs. Le pays le plus endetté du monde, ce sont les États-Unis, la grande puissance mondiale sont les États-Unis, donc il y a quand même un… Eux, évidemment, font marcher la planche à billets quand ils veulent, en Europe moins, donc on est sur le… l’inflation c’est le diable, et puis si on dépasse les 3 % de déficit, nous sommes voués aux enfers.
Web TV www.labourseetlavie.com : Dans le livre, vous trouvez presque sympathique Mario Draghi finalement qui a commencé à lui aussi faire marcher la planche à billets.
Christophe Alévêque : Oui, oui. Il s’est rendu compte que, de toute façon, l’austérité, c’est donner un laxatif à quelqu’un qui a une gastro, donc cela ne marche pas, que l’on soit de droite ou de gauche d’ailleurs, on se rend bien compte que cela ne fonctionne pas, donc… Et que, pourtant, il y a beaucoup, beaucoup d’argent qui circule. Donc une meilleure répartition, des garde-fous, et puis effectivement Draghi qui est quand même loin d’être Che Guevara, c’est quand même un mec du sérail, comme beaucoup d’ailleurs de dirigeants européens, au niveau financier, économique, ce sont des mecs qui travaillaient dans les banques privées, pour les fonds d’investissement. Donc je pense que là aussi il y a un travail à faire. Jean-Claude Juncker qui est quand même le premier ministre, qui est quand même… qui est le premier ministre du Luxembourg, qui connaît par cœur l’évasion fiscale, donc… et qui se retrouve à diriger la… je ne sais pas…
Web TV www.labourseetlavie.com : Il y a un casting qui…
Christophe Alévêque : Si on veut vraiment changer, je pense, les mentalités, il faudrait changer les gens, oui, oui parce que… voilà, nous le constat que l’on fait dans le bouquin, mais on n’est pas… une fois plus, c’est ni partisan, ni militant, c’est que depuis 2008 pas grand-chose a changé. Alors, cela va dans le bon sens, voilà, Draghi qui fait marcher la planche à billets, le quantitative easing qui est un moyen détourné finalement que la Banque centrale européenne, comme elle n’a pas le droit de donner d’argent aux pays, sous couvert… alors, pareil, on en parle dans le livre d’une indépendance qui, à mon avis, n’a plus lieu d’être, mais bon, c’est comme ça, donc on a privatisé la monnaie, et cela coûte, ça, énormément d’argent. Donc il faudra revoir cela, il faudrait séparer les banques d’investissement des banques de dépôt… J’ai entendu cela en 2008, que cela allait être…
Web TV www.labourseetlavie.com : Aujourd’hui cela n’a pas été fait. Cela avait été fait en 33 après la crise de 29, cela avait été fait, c’était le Glass-Steagall Act aux États-Unis, mais en Europe, depuis 2008, rien n’a été fait de ce côté-là.
Christophe Alévêque : Je pense qu’ils attendent peut-être la prochaine, c’est… on ne sait pas, c’est… Mais, à des moments, on se dit « C’est étonnant d’inertie. »
Web TV www.labourseetlavie.com : La prochaine, que l’on attend encore plus difficile que celle-ci, donc cela promet. Vous dites… quand même vous cherchez quand même un peu la dette. À un moment donné, dans le livre, vous essayez de trouver qui a la dette, comment marche l’agence française du trésor et à qui il vend de la dette, aux banques privées, mais, finalement, à un moment donné, vous arrivez au constat que chercher qui détient finalement notre dette, la vôtre, la mienne, auprès des banques, on a du mal à le savoir ?
Christophe Alévêque : On a beaucoup de mal à le savoir. C’est là où souvent il y a une confusion qui est un peu entretenue, il faut bien le dire, entre… Moi, j’ai été le premier à me dire « Dette privée, dette publique, c’est pareil ». Moi je suis endetté, je dois rembourser mes dettes. Cela n’a absolument rien, rien, rien à voir, là en particulier d’ailleurs. Quand nous on fait une dette, une dette à la banque, c’est d’ailleurs là qu’est la création de monnaie parce qu’avant elle n’existe pas et c’est quand on a signé au bas de la page et que le banquier fait clic que 30 000 € apparaissent, 40 000… voilà c’est une virtualité de l’argent. Et la dette publique, on ne sait pas… Quand nous, on est un privé, quand on emprunte, je n’imagine pas quelqu’un ne pas connaître le nom ou la personne ou l’entité à qui il a emprunté. Eh bien, pour la dette publique, on ne sait pas. On sait qu’il y a des établissements qui sont là, c’est eux qui font le lien entre le fonctionnaire de Bercy à qui on a demandé d’aller chercher 10 milliards et puis, après, il y a des gens derrière, après cet argent part dans le magma financier, voilà, et c’est là que l’on s’aperçoit qu’il y a des gens qui achètent de la dette française et qui parient contre la dette française, c’est-à-dire qu’ils jouent beaucoup au qui gagne, gagne, c’est gagnant – gagnant.
Web TV www.labourseetlavie.com : Pour l’instant, en tout cas, la dette française intéresse parce qu’il y a des gens qui l’achètent, donc…
Christophe Alévêque : Oui, oui, parce qu’on est des bons clients, parce qu’on rembourse. Et, en ce moment, les bons clients sont rares, et donc ce qui explique, autre paradoxe, que l’on a des taux d’intérêt négatif, autre différence avec une dette privée. Cela m’étonnerait qu’un jour il ait un banquier qui nous dise : « Ecoutez, aujourd’hui, les taux d’intérêt sont négatifs. »
Web TV www.labourseetlavie.com : Cela arrivera peut-être, on ne sait pas.
Christophe Alévêque : Oui, j’ai une énorme confiance dans les banquiers, mais pas ce point-là.
Web TV www.labourseetlavie.com : Sur justement l’objectif derrière, on dit que on marche sur la dette, cela veut dire on peut rester dans cet état-là parce que il y a des Français qui vont se dire : « Effectivement, continuons, faisons une fête », vous allez en faire une au mois de mai… En même temps, on sait très bien en général, par tradition on dit, quand on rembourse une dette, on s’enrichit, c’est un peu l’adage que l’on connaît tous puisque…
Christophe Alévêque : Cet adage est complètement… En tout cas, Google, par exemple, il ne l’applique pas puisqu’ils ne payent pas leurs dettes. Donc… Et puis, qui paie ses dettes, non, est moins riche. Et puis, une fois de plus, ce n’est pas une dette privée, c’est un état qui fait des investissements. Il y a des écoles, il y a des hôpitaux des routes, des crèches, des maternités, enfin tout cela cela fait partie du patrimoine, et le patrimoine de l’État, pour l’instant, est encore largement supérieur à la dette. Je pense que le jour où la dette va être plus élevée que le patrimoine, il va falloir vraiment que l’on se pose des questions et puis que l’on arrête de payer des intérêts tout le temps, c’est insensé, stop.
Web TV www.labourseetlavie.com : Aujourd’hui, c’est ce qui se passe c’est-à-dire que quand on regarde le budget de l’État, on paie les intérêts de la dette.
Christophe Alévêque : Oui, oui, on a même calculé à peu près l’impôt sur le revenu sert à payer aux deux tiers les intérêts de la dette, donc… au moins on sait où va notre argent.
Web TV www.labourseetlavie.com : Ce que vous dites clairement, c’est que les citoyens, les Français, ne doivent pas rester à côté de cela et s’emparer du sujet, s’y intéresser en tout cas.
Christophe Alévêque : Cela devient d’ailleurs… c’est là où l’on voit que les choses changent, c’est… on a fait la fête de la dette l’année dernière, nous-mêmes, on était surpris, il y avait 1800 personnes à la fête de la dette, c’était… alors que cela paraît un sujet qui n’est pas sexy, mais les gens sont vite intéressés… On fait la fête aussi… Il y a spectacle qui est éducatif, mais surtout ludique, pour expliquer le mécanisme en gros, et puis après on danse, on chante, on boit, voilà, pour éviter… et alors là c’est aussi pour cela que l’on fait la fête et que l’on a écrit un bouquin,, c’est la peur, la peur permanente qui empêche le cerveau de réfléchir, la culpabilité, le poids de la dette, voilà, et on porte cela comme un fardeau de la dette, donc on a l’impression toujours d’être responsable, avec les enfants qui vont naître, qui doivent de l’argent et… Voilà, oui, mais ils doivent de l’argent, mais si on fait le calcul ils sont plus riches en naissant qu’endettés, donc voilà, ils n’ont encore rien foutu. Et puis, à chaque fois, nous dans ce livre, a contrario de ce qui se fait maintenant, c’est entrouvrir la porte. Oui, le problème va se résoudre un jour, oui on va épurer cette dette, comment ? Je n’ai pas la solution, on est en démocratie, c’est… la majorité tranchera. Mais encore faut-il que la majorité soit au courant ? Parce que, pour participer aux débats, il faut savoir de quoi… à peu près de quoi on parle, et je crois que les gens, de plus en plus, ont envie de piger, de piger ce qui se passe. A qui on doit cet argent ? Combien on doit ? Pourquoi on les doit ? Quand est-ce que cela a augmenté comme cela ? Qu’est-ce que sont les taux d’intérêt ? Le PIB, le capital, la monnaie… On explique même dans le livre le parcours d’un billet de 50 € pour expliquer à quel point tout cela est… on est dans le virtuel et les sentiments, qu’il ne faut pas nier dans tout cela, cela joue énormément, énormément.
Web TV www.labourseetlavie.com : Voilà, un peu d’espoir en tout cas, puisque c’est positif, d’expliquer ce qu’est la dette…
Christophe Alévêque : Il y a des mesures qui, moi je pense, vont dans le bon sens, et puis il y a de plus en plus de gens qui se renseignent et qui font pression, voilà, le lobbying n’est pas réservé aux agences de notation ou à la City de Londres. Moi je pense que nous aussi on peut faire du lobbying, et puis que les politiques fassent un petit peu de courage… enfin, politique, courage, c’est un peu… cela ne va pas toujours… Autant Michelle ma Belle sont des mots qui vont très bien ensemble, mais alors là, c’est… voilà, il y a des choses qui vont vraiment, je pense, dans le bon sens. Nous, on propose à la fin, on explique, on dit « Voilà, les solutions possibles c’est cela, maintenant, à vous de choisir. »
Web TV www.labourseetlavie.com : En tout cas, on est loin du complot. On est sûr de l’explication justement de…
Christophe Alévêque : Ce que je n’arrête pas de répéter aux gens, voilà, c’est… le complot, c’est une invention en général de gens qui veulent comploter, et ce ne sont pas des complots, ce sont des stratégies, et cela n’a rien à voir. Et tout le monde a une stratégie. Je veux dire, la moindre petite entreprise a une stratégie, un État a une stratégie, en sport il y a des stratégies, tout le monde a une stratégie, ce n’est pas un gros mot. Maintenant, 1 % de la population mondiale possède 50 % des richesses de la planète, cela ne va pas.
Web TV www.labourseetlavie.com : C’est même Warren Buffett qui l’a reconnu, qui a dit qu’il comprenait qu’il pouvait y avoir…
Christophe Alévêque : On est… c’est absolument… ce n’est même pas écœurant, enfin, ce sont les inégalités se creusent, et cela crée des injustices, cela crée évidemment des frustrations et cela crée de la colère, et puis… voilà, on fait vite de liens entre une économie malade et un régime fasciste, cela va assez vite. D’ailleurs, l’histoire en regorge.
Web TV www.labourseetlavie.com : On a connu cela effectivement dans les années 30. Merci d’avoir fait le point avec nous Christophe Alévêque, d’avoir abordé ce marché de la dette de cette manière-là, merci à vous.
Christophe Alévêque : Je vous en prie.
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