Par Stanislas de Bentzmann Co-Président Devoteam et Jean-Marc Daniel économiste
On semble l’avoir oublié, mais l’Union européenne a reçu en 2012, en tant que construction politique, le prix Nobel de la Paix. Le comité Nobel a justifié son choix en indiquant qu’il récompensait « plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l’homme en Europe ». Qui peut se prévaloir d’une telle réussite ?
Pourtant, force est de constater que, près de 7 ans après ce prix Nobel, les attaques contre le projet européen se multiplient. Le Brexit en a poussé la logique jusqu’à une extrémité à la fois spectaculaire et déroutante. Mais il traduit une tendance générale à l’affirmation et à la progression de partis extrémistes, qui remettent en cause non seulement certains éléments de la construction européenne comme l’euro, mais de plus en plus le principe même de cette maison commune.
Défendre cette construction pour un économiste et un chef d’entreprise suppose de l’aborder sur la dimension qui les concerne en premier lieu : l’économie. Dans la construction européenne, celle-ci se concrétise dans deux domaines essentiels, tout d’abord celui du commerce avec une politique européenne de la concurrence particulièrement nécessaire et sur le plan monétaire avec la création de l’euro.
Ce principe de la concurrence libre et non faussée est un fondement de l’économie de marché et de la création de richesse Elle conduit la Commission européenne à traquer non pas les positions dominantes, mais les abus de position dominante, c’est-à-dire la capacité qu’ont les monopoles affichés ou masqués de fixer les prix et donc de voler les consommateurs.
Aujourd’hui, elle se heurte au discours sur la nécessité de constituer des champions nationaux ou européens pour affronter une concurrence internationale systématiquement qualifiée pour la discréditer, de « déloyale ». Cette politique de mécano-industrielle, jouet de nos hauts fonctionnaires repose sur le postulat que plus une entreprise est grosse, meilleur est son avenir.
Or, la théorie économique démontre qu’il existe une taille optimale de l’entreprise qui n’est pas la plus grosse possible. Trop petite, elle a un problème de répartition de ses coûts fixes, mais trop grosse, elle perd en agilité et en innovation. Surtout elle ignore que l’objet de l’économie, c’est le consommateur. La raison d’être d’une entreprise est de fournir les produits dont le consommateur a besoin. Elle n’existe pas pour elle-même.
Quant à la zone euro, malgré les turbulences qu’elle a traversées et les annonces récurrentes de sa mort prochaine, elle a survécu, garantissant à ses membres une disparition durable de l’inflation, des taux d’intérêts faibles et une stabilité remarquable (la Grèce qui fut menacée naguère de faillite emprunte désormais à des taux inférieurs à ceux des Etats-Unis et la France, durant la crise financière, aurait vu sa monnaie s’effondrer, du fait son endettement).
Elle apporte aux populations un confort dans leur voyage dans toute l’Europe où il n’est plus besoin de changer de devises et surtout aux entreprises une zone monétaire stable qui leur permet d’investir et se développer sans risques de change, ni juridique. Ceci étant la condition la plus essentielle au développement d’une économie prospère. Et l’Europe avec un marché domestique de près de 500 millions de clients, donnent à ses entreprises un élément primordial de leur compétitivité, ce qui lui permet d’être aujourd’hui la zone économique la plus riche du monde, avec des excédents commerciaux records.
En fait, ce que reprochent les eurosceptiques à l’Union, c’est la disparition d’un monde de médiocrité où, grâce aux barrières douanières et aux dévaluations à répétition, les entreprises évitaient les remises en question et échappaient à la nécessité de faire sans cesse des gains de productivité. De ce confort artificiel, c’est le consommateur et l’épargnant qui en faisaient les frais, en échange de la promesse fallacieuse de la préservation de l’emploi dont on voit l’inefficience dans notre chômage de masse.
La France et l’Europe n’ont aucun intérêt à revenir en arrière vers ce monde économique instable.
Elles doivent avancer et répondre à un réel besoin de clarté. Cela signifie pour les dirigeants français le respect à la lettre des traités votés, en particulier le respect des engagements d’équilibre structurel des finances publiques, condition indispensable à notre prospérité.