Présidentielles 2017 : des slogans aux réalités d’une sortie de l’euro…

Par Jérôme Tavernier, directeur de la Gestion Collective pour la Banque Privée 1818

A quelques semaines des échéances électorales françaises, l’incertitude, quant aux résultats et aux orientations économiques qui seront suivies, n’a jamais été aussi forte. Selon le candidat qui sera élu, les politiques menées pourront en effet être radicalement différentes, certaines portant leur lot de doutes, voire, pour celles qui paraissent les plus en rupture, de craintes. Au-delà des annonces programmatiques, l’histoire nous a appris que le retour, plus ou moins tardif, au réel s’impose à tous les Présidents dans un sens souvent très différents des engagements initiaux.

Si l’on regarde les perspectives économiques « spontanées » de l’économie française, c’est-à-dire à politique inchangée, la trajectoire de croissance reste modeste, à peine au-dessus de 1% par an pour les prochaines années, un niveau proche de la croissance potentielle. Un tel niveau de croissance ne permet que de faire baisser très légèrement le chômage, dans une situation où le déficit public passera difficilement sous les 3% et où la dette continue à progresser au-delà des 100% du PIB. La plupart des programmes pourraient même amplifier cette tendance naturelle, tant ils font la part belle à des dépenses nouvelles parfois très détaillées (à l’inverse, les mesures d’économies budgétaires sont, elles, généralement plus incertaines dans leur détail et leur chiffrage). Mais au-delà de la crédibilité des mesures annoncées sur le moyen terme, certains candidats indiquent vouloir remettre en cause la monnaie unique. Dans ce cas, les effets du changement monétaire, avec le retour au franc, l’emportent largement sur les autres mesures envisagées.

La question du changement de monnaie est donc bien évidemment l’enjeu le plus important à court terme pour les marchés et les investisseurs

Le corollaire à une sortie de la France de l’euro est celle de l’appartenance à la zone euro, les deux étant consubstantiels. A ce stade et compte-tenu des incertitudes électorales où la probabilité de voir arriver au pouvoir un candidat prônant cet abandon de la monnaie unique, n’est pas impossible à défaut d’être probable, il est légitime de s’interroger sur la possibilité et les conséquences d’un tel choix.

Quel serait donc le déroulement de ce scénario possible et sa traduction en matière de conséquences économiques et financières ?

En tout état de cause, le programme de Marine Le Pen pour la citer – dont l’élection ne paraît pas le scénario la plus réaliste, compte-tenu de l’absence de dynamique de report de second tour en sa faveur – prévoit d’engager des négociations immédiates avec nos partenaires européens en vue d’une sortie de l’euro, avec in fine la question de l’appartenance à l’Union européenne qui serait soumise à référendum auprès des Français.

L’argument principal avancé pour un retour au franc est celui de la compétitivité de l’économie française. Une fois établi et détaché de l’euro, le nouveau franc perdrait de facto de la valeur par rapport à l’euro. Son taux de change baisserait donc très rapidement a minima de 20% à 25%. La principale conséquence de cette dépréciation serait un surcoût des biens importés que l’on peut estimer à 100 milliards d’euros, soit une perte de pouvoir d’achat instantanée d’au moins 5% pour les ménages.

Concernant la dette publique, qui atteint 2 200 milliards d’euros, si elle continue à être remboursée en euro, les échéances sur la dette coûteront 300 milliards supplémentaires, soit 4 fois le montant de l’impôt sur le revenu. A cette dette publique il faut ajouter le surcoût sur les dettes contractées par les entreprises, dont 60% sont détenues par des non-résidents pour un montant de 600 milliards d’euros. Mais ce qu’envisage plutôt Marine Le Pen, c’est de rembourser l’ensemble des dettes libellées en euro en franc, en invoquant la lex monetae, loi non écrite, suivant laquelle un État peut changer de monnaie. Cette perspective entraînerait bien évidemment un effet de panique sur la dette française qui ferait, dès son élection, l’objet de ventes intensives de la part des épargnants, des banques, des assureurs, des fonds de pensions, bref de l’ensemble de la sphère des investisseurs. La valeur des obligations de l’État français libellées en euro chuterait donc de manière très importante. Par conséquent, la valeur de l’épargne basée sur des obligations françaises baisserait également de 20% à 30%. En parallèle, l’État français aurait du mal à trouver des créanciers prêts à lui prêter pour financer ses dépenses et son déficit.

Par ailleurs, un tel référendum aurait peu de chance d’aboutir dans la mesure où dans les derniers sondages, 7 Français sur 10 s’y disent opposés. Si toutefois les Français y faisaient suite, une conséquence à terme d’un choix aussi radical de retour à la souveraineté monétaire, serait de redonner son indépendance à la Banque de France, et de rompre avec les institutions monétaires actuelles et notamment la BCE.

Dans cette situation, qu’est-ce qui pourrait empêcher un défaut de paiement sur la dette française ?

Les tenants de la sortie de l’euro indiquent que la Banque de France pourra se substituer aux investisseurs pour acquérir la dette française via de la création monétaire. Après la sortie de l’euro, cette solution peut sans doute s’envisager, mais dans la période transitoire où la France serait encore dans l’euro, la Banque de France ne disposerait d’aucun moyen d’action pour faire face à la situation de panique des marchés. Dans ces conditions, c’est donc un défaut de l’État français, avant même un hypothétique retour au franc, qui devient le plus probable.

Comment dès lors, dans ce contexte de panique et de crise financière, imaginer que les Français votent pour une sortie de l’euro ? En réalité, un tel scénario ne pourrait pas être poursuivi au-delà de quelques semaines ou de quelques mois car il porte en germe une situation de défiance généralisée vis-à-vis de la signature de l’État français et de faillite pour de nombreuses entreprises. A ce titre, le précédent grec est illustratif. Le non des Grecs au référendum du 5 juillet 2015 sur les réformes était en réalité un non à l’Union européenne et à l’euro. Cependant, en dépit d’un vote populaire en sa faveur, le Premier ministre Alexis Tsipras a dû faire un virage à 180° et se résoudre à accepter les réformes face aux menaces de banqueroute de son pays, faute de solutions alternatives réalistes.

Quelles que soient les intentions initiales sur une sortie de l’euro, il faudrait donc s’attendre à une inversion brutale de politique à brève échéance. Nous restons cependant, encore une fois, très sceptiques sur un tel scénario dans la mesure où il nécessite une dynamique de second tour qui n’apparaît pas réalisable, ni lors de l’élection présidentielle, ni lors des législatives.

 

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