Interview de Bruno Lafont Pdg du groupe Lafarge sur les résultats du troisième trimestre 2012.
Résultats du T3 2012, stratégie et perspectives du spécialiste des matériaux de construction

9 novembre 2012 14 h 33 min
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Résultats du T3 2012, stratégie et perspectives du spécialiste des matériaux de construction. Dans cet interview de Bruno Lafont Pdg de Lafarge, nous évoquons les résultats trimestriels, la stratégie sur les différents marchés du groupe, et les perspectives.

Web TV www.labourseetlavie.com : Bruno Lafont, bonjour. Vous êtes le Pdg de Lafarge, on va parler avec vous de vos résultats trimestriels, du troisième trimestre, et puis des perspectives pour le groupe Lafarge qui est spécialiste des matériaux de construction. Nous sommes avec vous au siège du groupe aujourd’hui. Comment s’est passé ce troisième trimestre dans un contexte global macro-économique pas forcément favorable ?

Bruno Lafont, Président Directeur Général du groupe Lafarge : Ce trimestre s’est bien passé. C’est le quatrième trimestre consécutif où Lafarge affiche une hausse de ses ventes, une hausse de ses résultats et une hausse de ses marges. Alors, comment tout cela s’explique ? Je pense que d’abord Lafarge a un très bon portefeuille d’activités, a un très bon équilibre géographique, et je vous donnerai deux chiffres, le premier c’est que 58 % des activités de Lafarge sont maintenant sur les marchés émergents où il y a de la croissance, et 72 % des activités de Lafarge sont en dehors de l’Europe. Et vous voyez, sur les neuf derniers mois, nos activités en dehors de l’Europe ont vu leur Ebitda, leur résultat opérationnel, augmenter de plus de 20 %, et ça c’est un point qui, à mon avis, rend Lafarge extrêmement solide aujourd’hui et c’est le résultat de toute la stratégie que nous menons depuis plusieurs années.

À côté de cela, il y a tous les efforts de fond que l’on fait pour travailler sur des actions qui nous rendent le plus indépendant possible de la conjoncture, ce sont des actions qui dépendent uniquement de nous. Alors cela touche les coûts, cela touche l’innovation, cela touche le service de nos marchés avec des nouveaux produits, avec des nouveaux services, avec des nouvelles solutions, et bien entendu, cela touche aussi les prix que nous essayons de faire progresser en proportion de l’inflation des coûts.

Web TV www.labourseetlavie.com : C’est possible justement sur cette question des prix, c’est l’une des caractéristiques effectivement importantes de pouvoir, dans un contexte pas forcément favorable, augmenter les prix ?

Bruno Lafont, Président Directeur Général du groupe Lafarge : Je dirais que la stratégie de Lafarge, de ce point de vue là, est raisonnable, elle essaie d’avoir les coûts les plus bas possibles, mais quand les coûts augmentent, de faire en sorte que les prix puissent augmenter comme les coûts de manière raisonnable, et tout le monde peut le comprendre. On a une inflation des coûts qui est légèrement au-dessus de 4 %, on a une augmentation des prix qui est d’environ 3,5 %, vous voyez il n’y a pas de déraison. En revanche, c’est essentiel effectivement si on veut maintenir nos marges, continuer à investir, continuer à innover.

Le dernier point sur lequel je voulais dire que l’on avait également progressé, c’est sur la structure financière, sur la situation de l’endettement, Lafarge a 2,100 milliards de moins de dettes qu’il y a un an, sur le seul trimestre on a réduit la dette de 350 millions d’euros, et je pense que toutes les actions que nous avons en cours pour achever, je dirais, de résorber le surendettement du groupe, sont en très bonne voie.

Web TV www.labourseetlavie.com : On parlait de marché, le marché européen reste un marché difficile, il l’est pour pas mal de secteurs, pour votre secteur de la construction, il y a l’Europe centrale, l’Europe de l’Ouest…

Bruno Lafont, Président Directeur Général du groupe Lafarge : Le marché européen dans son ensemble, Europe de l’Ouest, Europe centrale, connaît effectivement une conjoncture difficile, c’est-à-dire qu’ils sont tous en tendance négative, à peut-être une ou deux exceptions près en Europe centrale, et ceci est vrai pour la France et pour l’Angleterre qui ont de ces marchés qui jusqu’à présent ont bien résisté. C’est le résultat de la situation de l’économie générale, c’est le résultat du moindre investissement en construction, notamment par les acteurs publics, mais c’est aussi un certain tassement du logement et de la construction de logements.

Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté des pays émergents, on a vu aussi qu’il y avait peut-être moins de découplages, on nous avait parlé de découplages pays émergents-pays occidentaux, on avait eu quand même un impact de ce ralentissement de l’Europe, des États-Unis sur les pays émergents, mais cela reste des marchés qui ont cette croissance, on va dire, qui vous permet de progresser ?

Bruno Lafont, Président Directeur Général du groupe Lafarge : Alors, pour nous, si vous voulez, l’activité de la construction dans les pays émergents est liée à l’urbanisation, à des phénomènes démographiques, à des phénomènes de développement économique. Généralement la consommation de ciment croît plus vite que le PNB de ces pays-là, et croît souvent de manière assez autonome. Elle est très diffuse en fait. En Inde, 95 % de nos ventes se font en sac, c’est-à-dire par unité de 50 kg, alors qu’en Europe, vous verriez des camions de 30 t de ciment aller directement se livrer dans des silos. Donc l’activité est très résistante à l’environnement, et en ce moment, on constate que sur toutes les zones de pays émergents, excepté l’Europe centrale qui à mon avis à un potentiel de croissance mais qui en ce moment est pénalisée par l’impact de l’Europe, eh bien vous avez une croissance forte.

Web TV www.labourseetlavie.com : Les États-Unis, on a vu des chiffres plus  « favorables » sur l’immobilier, on a vu en tout cas une certaine stabilisation de ce marché immobilier, est-ce que vous, sur votre activité, vous sentez cette amélioration … on ne parle pas encore de reprise aux États-Unis, on parle de petite croissance ?

Bruno Lafont, Président Directeur Général du groupe Lafarge : Alors, le marché du ciment aux États-Unis est à peu près à la moitié aujourd’hui de ce qu’il était à son pic, ce qui est un reflet de la profondeur de la crise que nous avons vécue et que la construction vit aux États-Unis. Aujourd’hui, nous constatons une reprise du résidentiel, c’est-à-dire une reprise du logement, mais qui est tombé à un niveau tellement bas que l’on est toujours à des niveaux bas, on est passé de 550 000 démarrages de logements neufs à 750-800, ce qui est bien parce que cette fois-ci le redémarrage net, mais les autres segments de la construction, que cela soit les dépenses publiques ou que cela soit certaines dépenses commerciales, et bien celles-là, elles connaissent disons soit une légère baisse, soit une stabilité. En tout cas , l’année a très bien démarré pour des raisons météorologiques essentiellement, et elle continue de manière plus stable, ce qui est à peu près ce que l’on avait prévu. En fait les États-Unis devraient connaître une remontée pour moi plutôt graduelle.

Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté de l’actualité des entreprises, on a beaucoup parlé de compétitivité au cours des derniers mois, on a vu même des grands patrons écrire au Président, est-ce que les dirigeants d’entreprise n’ont pas, peut-être, trop parler de compétitivité et pas assez d’innovation ?

Bruno Lafont, Président Directeur Général du groupe Lafarge : Moi je pense que l’innovation fait partie de la compétitivité. C’est un des volets, mais bien entendu la compétitivité, c’est énormément de choses et le rapport Gallois d’ailleurs, dans sa diversité, montre bien à quel point c’est un ensemble de choses qu’il faut réunir. Ce qui est important, c’est que tout le monde comprenne  que c’est important parce qu’il n’y a pas de richesse dans un pays, et donc rien à partager, si il n’y a pas de création de richesse et s’il n’y a pas d’entreprise et s’il n’y a pas des entreprises qui investissent.

Et pour cela, il faut un cadre, il faut des possibilités pour les entreprises, avoir la confiance qu’elles vont pouvoir exercer leur activité dans des conditions profitables, et c’est comme cela qu’elles pourront innover, et je pense que la France a tous les atouts possibles pour pouvoir être un pays très compétitif, encore faut-il comprendre l’enjeu et décider les actions qui vont permettre de porter remède à ce qui va moins bien.

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que sur l’innovation, on n’est pas déjà en compétition entre l’innovation, on va dire, en Inde, l’innovation en Chine et l’innovation en France ?

Bruno Lafont, Président Directeur Général du groupe Lafarge : Dans notre secteur, je dirais que Lafarge voit très, très bien tous les marchés, et vous voyez pour moi l’innovation, je vais vous donner trois exemples qui sont à mon avis très, très éclairants.

Le premier c’est en Inde justement où on a réussi à inventer un ciment qui peut se mélanger à de la boue pour faire des maisons en terre qui vont durer cinq ans au lieu de durer un an à cause de la mousson, vous savez, les pluies diluviennes qui vous balayent, et pour toutes les maisons de la campagne, c’est une solution évidemment extrêmement innovante et à mon avis qui va connaître un très grand succès.

C’est en Inde aussi que l’on est en train la plus haute tour du monde, je crois que c’est 440 m, c’est le World Center, et donc là, ce sont nos bétons qui sont utilisés pour la construction de cette tour et ces bétons, certains de ces bétons n’existaient pas il y a 10 ans.

Quand vous voyez le département des Arts de l’Islam au Louvre, il incorpore des bétons extrêmement techniques pour faire les fondations, vous savez, sur le lit de la Seine qui n’est pas extrêmement stable, et aussi des éléments extrêmement beaux puisqu’il y a un escalier notamment dans ce lieu qui concurrence très, très bien les escaliers en marbre que l’on faisait au XIXe siècle, et c’est un escalier en béton massif, un béton extrêmement innovant et extrêmement esthétique.

Voilà, donc, nous nous sommes en plein sur le sujet de l’innovation parce que nous pensons que nous avons des réponses à donner pour rendre les constructions plus durables et pour les rendre également moins chers.

Web TV www.labourseetlavie.com : Peut-être en conclusion, on a vu le groupe se transformer, changer son organisation au cours des derniers mois pour se mettre, justement, pays par pays, avec ces différentes activités, aujourd’hui est-ce que le groupe a les moyens ou par encore ou est-ce que ça sera l’année prochaine de se remettre en position offensive ? On a l’impression que là, vous étiez en position de réorganisation, où vous en êtes aujourd’hui ?

Bruno Lafont, Président Directeur Général du groupe Lafarge : Dès le milieu de cette année, nous avons annoncé un plan qui justement répond à votre question puisqu’il s’agit de faire progresser l’Ebitda du groupe par nos propres moyens de 1,750 milliards entre 2012 et 2015, et ceci par des réductions de coûts qui sont en fait des améliorations de performances et de compétitivité, et par des actions justement sur nos marchés pour apporter des solutions innovantes. Notre objectif, c’est de faire croître nos ventes, et pas juste de réduire nos coûts, faire croître nos ventes, faire croître nos résultats et retrouver le plus rapidement possible les niveaux de rentabilité de Lafarge d’avant la crise.

Web TV www.labourseetlavie.com : Eh bien, on suivra ça, merci Bruno Lafont d’avoir fait le point avec nous. On rappelle que vous êtes donc le Pdg du groupe Lafarge.

Bruno Lafont, Président Directeur Général du groupe Lafarge : Merci beaucoup.

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