Philippe Pouletty Fondateur Truffle Capital .
Financement et développement des entreprises innovantes : Regard d'un financier entrepreneur

14 avril 2012 13 h 41 min
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Financement et développement des entreprises innovantes : Regard d’un financier entrepreneur.

Philippe Pouletty fondateur de Truffle Capital évoque avec nous l’activité de capital-risque de sa société.

De nombreuses entreprises dans le secteur des sciences de la vie (tel que Carmat, Vexim, Deinove…), de l’énergie et des technologies de l’information, ont pu grâce à des financements initiaux trouver ensuite de nouveaux développements en venant se coter en Bourse.

Comment trouver ces entreprises et les accompagner dans cette aventure ? Y-a-t-il assez de financement en France ? La France pourrait-elle créer un “Google” ou un “Facebook” à l’image de ce que les américains savent faire ?

Quels atouts avons-nous ?

A propos de Truffle Capital : La société a été créé en 2001 avec l’objectif de financer de jeunes sociétés innovantes et prometteuses, et de valoriser au mieux l’investissement de ses souscripteurs. Leurs secteurs de spécialisation : l’énergie, les sciences de la vie et les technologies de l’information.Il s’agit de secteurs où il existe encore de nombreux besoins de marché non-satisfaits et où il existe un nombre important de sociétés développant des technologies de rupture. Truffle Capital se focalise notamment sur des spin-offs de sociétés industrielles, de laboratoires, d’instituts de recherches et d’universités. L’équipe de Truffle Capital identifie des opportunités de spin-off grâce à un réseau étendu de contacts.

Web TV www.labourseetlavie.com : Philippe Pouletty, bonjour. Vous êtes le fondateur de Truffle Capital. Alors, Truffle Capital, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un fonds de capital-risque. Vous avez investi sur beaucoup d’entreprises dont certaines sont venues en Bourse récemment, la dernière en date qui est en train d’y aller, c’est Vexim. On a eu l’occasion d’interviewer certains dirigeants. Comment se porte votre activité de capital-risqueur dans cet environnement de crise économique et financière ?

Philippe Pouletty : Elle se porte très bien, d’ailleurs je crois que Morning Star nous place en tête des FCPI-FIP en France parce que, plus que du capital-risque, notre activité c’est d’être, vous me pardonnez l’anglais, “business builder”. Cela veut dire que les sociétés, on est souvent à l’origine, à la création, qu’on les accompagne dans la durée, qu’on est souvent actionnaire majoritaire et que l’on sait les accompagner, non seulement jusqu’à, mais après l’introduction en bourse en étant très impliqué au niveau du conseil d’administration.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors à votre origine, on pourrait vous appeler Docteur puisque vous avez ce titre-là, ce sont donc les Sciences de la vie, c’est votre parcours professionnel, qu’est-ce qui vous a amené à un moment donné puisque Truffle est né en 2002 à dire : « Tiens, il faudrait qu’on accompagne ». Il y avait un manque ?

Philippe Pouletty : Moi, je suis à la fois médecin, chercheur et entrepreneur depuis 25 ans et donc, après 13 ans en Californie avec mes trois partenaires, on a créé Truffle justement parce qu’il y a besoin d’investisseurs qui soient à la fois compétents dans les secteurs que l’on finance et très impliqués je dirais presque dans la gestion des entreprises. Et effectivement on a des très belles entreprises qui sont ou peuvent devenir des leaders mondiaux, Vexim qui, j’espère, va rentrer en bourse prochainement, en est une, mais vous avez aussi Carmat, Deinove, LeadMedia, etc. Ce sont des entreprises qui peuvent devenir grosses et on n’en manque beaucoup en France. Vous savez que notre économie qui ne va pas très bien, son problème N° 1 c’est qu’il n’y a pas assez d’entreprises comme Vexim, Carmat, LeadMedia qui peuvent être des leaders mondiaux, assis sur une technologie de rupture et très innovantes et conquérir des marchés, pas seulement français mais européens et mondiaux.

Web TV www.labourseetlavie.com : Là, pour le rôle du financier, on l’imagine difficile, parce quand on parle de technologies de rupture il ne faut pas se tromper. J’ai pu interroger certains des dirigeants que vous connaissez bien, ils m’ont dit : “c’est incroyable qu’il ait cru en nous quelque part, alors qu’au départ c’était vraiment une idée, presque un concept.” 

Philippe Pouletty : Mais vous savez, d’abord si on est très spécialisé dans les domaines, moi les sciences de la vie, mes partenaires en IT et en énergie, on se trompe un petit peu moins que si on est très généraliste. Ensuite pour réussir, il faut une mission claire, de la constance, savoir s’entourer d’équipes de dirigeants extrêmement compétents et éprouvés, et si on a également les moyens financiers derrière, et bien on réussit plus souvent qu’on ne le croit. Alors il ne faut pas avoir peur dès la première crise, tous les projets ne marchent pas aussi vite qu’on le voudrait, il faut de la constance, une mission claire, et avec des technologies de rupture, on peut construire des très, très belles compagnies.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors vous parliez de l’IT, c’est vrai que on le dit souvent : « En France, pourquoi on n’a pas de Google ? Pourquoi on n’a pas de Facebook ou d’autres ? C’est possible, y compris dans ce secteur-là, qu’est-ce qui nous manque aujourd’hui ?

Philippe Pouletty : Alors, avant tout, le nerf de la guerre, ce sont les moyens financiers. Pourquoi Google ? Bien sûr au départ vous avez Larry Page issu de Stanford, vous avez Sequoia Capital pour les 25 premiers millions de dollars, mais ensuite vous avez les très gros moyens financiers à la mesure de l’ambition de devenir leader mondial. Dix ans auparavant, si vous avez la même équipe avec peu de moyens financiers, jamais vous ne deviendrez Google.

En France, et là je m’adresse aux politiques, la réforme nécessaire, c’est que 5 % de l’épargne financière, c’est-à-dire l’assurance vie, le livret A, soit dirigé vers les jeunes entreprises innovantes, vers les jeunes entreprises à fort potentiel de croissance, directement ou par des intermédiaires qualifiés, et là vous verrez beaucoup plus d’entreprises croître. Une centaine d’entreprises qui font un milliard d’euros de chiffre d’affaires, cela fait sans doute 1 % de croissance économique en plus. Malheureusement, le politique en France a encore une vision pompidolienne de l’industrie qui passe par les grands groupes avec les PME étant des petits sous-traitants. Ce n’est pas cela l’économie d’aujourd’hui. Ce sont des PME de rupture comme Vexim qui peuvent, à partir d’une idée, à partir d’un très bon produit, devenir des grandes sociétés. 

Web TV www.labourseetlavie.com : Oui, parce que souvent, c’est le travers que l’on voit. On compare d’ailleurs à l’Allemagne en disant que l’Allemagne a réussi à le faire grossir ces PME et quand on compare à la France, effectivement on dit : « En France on n’arrive pas à cette deuxième étape finalement pour qu’un leader français devienne leader européen, et puis bien sûr leader mondial.” 

Philippe Pouletty : Le constat est exact, la méthode est fausse. En Allemagne, il y a effectivement des entreprises de tailles moyennes qui sont très nombreuses, qui sont souvent familiales et anciennes. De là, souvent on dit : “on va prendre les entreprises existantes, PME déjà établies, et essayer de les faire croître avec de l’innovation.” Ce n’est pas ça. C’est comme si vous disiez : “je prends un cheval de promenade qui va bien et je vais essayer d’en faire un pur-sang pour gagner le prix de l’Arc de Triomphe.” Non. Le prix de l’Arc de Triomphe, ce pur-sang il est né d’une lignée de pur- sang, et dès sa naissance on se dit “il va courir très vite.” C’est pour cela que je dis que les PME qui deviendront grandes, cela vient de la recherche académique essentiellement, transfert de technologies, innovations de rupture, vers des PME qui ont le management, les administrateurs, les moyens financiers pour grossir très vite. En fait c’est le modèle californien. 

Web TV www.labourseetlavie.com : La fameuse Silicon Valley dont on rêve pour la France. Sur les moyens financiers, avec cette crise financière, on a eu aussi l’impression qu’il n’y avait plus d’argent, on ne le voit pas partout, mais est-ce que sur le financement, est-ce qu’il y a aujourd’hui, je dirais, vous vous en rencontrez, des investisseurs qui ont de l’argent, qui sont prêts à mettre plus d’argent dans des entreprises ?

Philippe Pouletty : Oui, vous avez des familles Office, des entrepreneurs qui ont gagné de l’argent qui aiment investir, vous avez des particuliers qui se rendent compte que malgré tout la bourse, à condition de choisir les bonnes entreprises, a des forts potentiels, et ce dont souffre la France, ce n’est pas le manque de moyens financiers, l’épargne financière reste colossale en France, c’est la volonté d’orienter cette épargne vers la création de valeurs économiques. Et trop souvent, par culture, par manque de connaissance, les gens vont s’orienter vers des véhicules à faible potentiel qui sont dits peu risqués, ce qui n’est pas toujours le cas, au lieu de mettre leur argent au bénéfice de la croissance des entreprises et la croissance des entreprises au bénéfice de leur plus-value et de leur croissance.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors là, on a parlé de secteur des sciences de la vie, de l’IT, technologie de l’information également, c’est un secteur que vous traitez, dans ces secteurs-là finalement aujourd’hui, il y a un vivier d’entreprises qui vont pouvoir… parce que on a vu sur les sciences de la vie avec notamment votre travail et le travail d’autres sociétés qui ont mis ces sociétés en bourse, on commence à avoir un vrai secteur à la bourse de Paris.

Philippe Pouletty : Alors, il y a un vivier. Vous avez vu plusieurs opérations se faire en 2010, en 2011, en 2012, mais il y a un formidable potentiel. Où est-ce qu’il est ce formidable potentiel ? Il est dans la recherche académique. L’université est en train d’être réformée dans le bon sens. Vous avez également la recherche européenne qui est très créatrice de bonnes sciences et d’innovation de rupture, mais pour en faire de la valeur économique, il faut savoir transférer cette technologie dans des PME.

Alors si vous attendez dans votre bureau que les PME se créent toutes seules par les scientifiques de l’université, cela se fait de temps en temps, mais c’est rare. Donc, il faut des investisseurs spécialisés qui vont forcer un peu le système, qui se disent : “Tiens il y a des demandes de brevets intéressantes, il y a des scientifiques de haut niveau”, et bien on va avec eux, nous, créer des entreprises. C’est ce que fait Truffle.

Web TV www.labourseetlavie.com : Alors, il faut donner de l’espoir aux jeunes qui nous écoutent, ils vous entendent, vous êtes investisseur, vous êtes spécialiste d’un certain nombre de domaines, le jeune qui a une idée, qui a envie, qui se dit : “allez, il va falloir que je crée mon entreprise”, qu’est-ce que vous lui conseillez de faire ? Qu’est-ce qu’il doit faire ?

Philippe Pouletty : Déjà, ne pas écouter les dix personnes autour de lui qui vont lui dire : “mon petit gars tu es trop jeune, c’est trop risqué, rentre dans une grande entreprise, passe le concours de la fonction publique.”

Donc, si il a une idée et qu’il y croit, il vaut mieux qu’il la valide un petit peu, et bien, qu’il y aille. Parce que la réussite c’est plus fréquent que l’on ne pense et puis, si cela ne marche pas du premier coup, cela marchera peut-être du deuxième.

Web TV www.labourseetlavie.com : Eh bien voilà, c’est ce que l’on pouvait dire. Merci Philippe Pouletty d’avoir fait le point avec nous. On rappelle que vous êtes le fondateur de Truffle Capital et donc derrière un certain nombre d’introductions que l’on va voir dans les prochaines semaines. Il y aura peut-être votre travail initial. Merci

Philippe Pouletty : Merci.

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