Interview Philippe Santi Directeur Général Délégué Interparfums : "Pas de précipitation dans les acquisitions".
Le spécialiste de la conception de parfums évoque son nouveau profil après Burberry

11 septembre 2014 13 h 16 min
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“Nous sommes dans la phase 1 d’une construction” dit Philippe Santi après une année 2013 marquée par la fin de la licence Burberry qui constituait des revenus importants pour la société.

Comment se passe le développement des marques du groupe Montblanc, Karl Lagerfeld, quels sont les zones porteuses ?

La stratégie de l’entreprise avec son nouveau profil dans cet interview de Philippe Santi Directeur Général Délégué Interparfums.

 

Web TV www.labourseetlavie.com : Philippe Santi, bonjour. Vous êtes le directeur général délégué d’Inter Parfums. On va revenir avec vous sur votre premier semestre, puis sur les perspectives. Alors, c’est un premier semestre pas forcément facilement comparable à l’année dernière puisque l’année dernière avait été exceptionnelle à plus d’un titre, qu’est-ce que vous en dites tout de même en termes de croissance d’activité et de résultats ?

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : En termes de croissance, il est très bon puisque, à périmètre comparable, la croissance au premier semestre c’est 21 %, donc très bon. En termes de résultats, il n’est absolument pas comparable parce qu’il faut se souvenir qu’en 2013, on avait un trimestre d’activité avec la marque Burberry que l’on n’a plus au premier trimestre 2014, donc les ratios ne sont absolument pas comparables. Mais cela dit, on a quand même une marge opérationnelle de 14 % et une marge nette de près de plus de 9 %.

Web TV www.labourseetlavie.com : Le marché globalement, le marché effectivement de la parfumerie, il est plutôt en baisse c’est-à-dire par rapport à… c’est lié à la croissance économique globalement ?

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : Le marché, d’abord si on parle du marché mondial, les parfums et cosmétique, c’est très contrasté. On a des zones qui fonctionnent très bien, certaines en croissance, d’autres en décroissance. Globalement et rapidement, les États-Unis fonctionnent plutôt bien, l’Asie plutôt correctement même si c’était mieux dans le passé, il y a évidemment des zones comme le Moyen-Orient ou l’Amérique du Sud qui ont des difficultés politiques, économiques, et on a un certain nombre de problèmes. Donc globalement le marché est plutôt correct, sans plus.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc il peut y avoir des effets de change, notamment sur certaines zones, comme on a pu le voir au cours des derniers mois ?

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : Alors, les effets de change chez Inter Parfums, c’est évidemment lié à la parité eurodollar, un premier semestre plutôt défavorable par rapport au premier semestre 2013. Il semblerait que cela s’inverse, c’est un peu tôt pour avoir une moyenne sur le deuxième semestre. Cela peut nous aider puisque on est maintenant passé sous la barre des 1,30 dollar/euro, mais c’est vrai que c’est un facteur important dans notre activité.

Web TV www.labourseetlavie.com : Du côté des réalisations sur le semestre, du côté des marques que vous développez, on pense à Montblanc, Karl Lagerfeld, qu’est-ce que vous retenez de ce semestre ? Parce qu’on a vu pour certaines, cela fonctionne très bien, on a vu pour Karl Lagerfeld par exemple, cela va bien en Europe, par contre aux États-Unis ce n’est pas forcément ce que vous espériez.

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : C’est tout à fait cela. On a d’abord, pour citer Montblanc, évidemment une grande marque qui… on a quand même en quatre ans multiplié le chiffre d’affaires par 4, en passant de 20 à 80 millions d’euros, c’est ce que l’on aura sur l’ensemble de l’année, à peu près 80 millions. Le potentiel, c’est évidemment de dépasser à moyen, même court terme, 100 millions. Les autres marques ont leur vie propre et évidemment, même si en parlant de Karl Lagerfeld, c’est plutôt pas mal en Allemagne, en Scandinavie, dans certains pays d’Europe, c’est un petit peu plus compliqué aux États-Unis. Cela dit, on démarre. On est en train de construire cette marque et chaque marque a sa vie et ses propres codes et cela prend du temps et un temps différent d’une marque à l’autre.

Web TV www.labourseetlavie.com : On pourrait dire aussi dans l’actualité que Jimmy Choo, l’une de vos marques, l’entreprise elle-même allait en bourse, est-ce que cela peut amener plus encore de notoriété pour ce Jimmy Choo ?

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : C’est vrai que nous on fait des produits et on se base sur la notoriété d’une marque évidemment très importante. Donc si on parle de Jimmy Choo, c’est bon pour Jimmy Choo, mais c’est aussi bon pour Inter Parfums, comme ça l’est sur l’ensemble de nos marques. Donc c’est vrai que c’est un facteur positif si la marque s’introduit en bourse.

Web TV www.labourseetlavie.com : Habituellement, après un premier semestre, vous êtes plutôt positif, en tout cas c’est une tradition chez Inter Parfums chaque année. Là, vous êtes peut-être un peu plus prudent que d’habitude, qu’est-ce qui motive la prudence de cette année 2014 ?

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : Deux éléments. La première chose d’abord, on ne peut pas réviser à la hausse ses guidances chaque année, ce n’est pas possible, cela fait plusieurs années qu’on le fait, ça c’est la première chose. Deuxième chose, c’est quand même une année que je qualifierai de post-Burberry puisque c’est la première année du nouveau portefeuille de marques. On voit bien que tout est un petit peu plus compliqué, qu’il y a beaucoup de concurrence, qu’il y a des marchés qui sont plus compliqués, on en parlait tout à l’heure. Donc on est prudent et on est plutôt dans la phase 1 d’une construction avec un portefeuille de marques que l’on voudrait évidemment renforcer, et notre trésorerie nous le permettrait, mais on est traditionnellement prudent, peut-être encore un peu plus cette année.

Web TV www.labourseetlavie.com : C’est-à-dire que quelque part vous dites que vous allez vous concentrer sur ces marques-là, et marque par marque, essayer de progresser ?

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : Alors, même si chacune de nos marques a un potentiel différent, avec une vitesse de croissance différente, on a le portefeuille aujourd’hui pour faire de la croissance à deux chiffres, c’est indéniable. Donc il n’y a pas d’urgence à se précipiter, à faire une acquisition pour un an, deux ans ou trois ans après passer des dépréciations. Vous savez que dans les normes IFRS, les tests d’”impairment” sont assez stricts. Quand vous ne respectez pas le business plan, vous provisionnez, et cela peut poser des problèmes. On n’a pas vocation à « remplacer » le chiffre d’affaires Burberry à tout prix pour un an ou deux ans après passer une provision de 20 millions dans les comptes, cela n’aurait pas tellement de sens. Donc on est prudent, on est attentif, on regarde ce qui se passe, mais on ne va pas se précipiter.

Web TV www.labourseetlavie.com : Donc logiquement, il devrait y avoir plus de dépenses Marketing pour les différentes marques pour vous ?

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : Ça c’est quelque chose sur lequel on s’était déjà engagé en 2013 puisque un très bon premier semestre avec Burberry nous a poussé à développer plus rapidement les autres marques, donc à engager plus de dépenses sur la deuxième partie de l’année. Vous le savez, c’est en plus un marché où le marché mondial des parfums et cosmétiques est plus consommateur de dépenses sur la deuxième partie de l’année, la rentrée, Noël, que sur la première. Donc c’est un peu notre fer de lance, c’est aujourd’hui de consacrer un peu plus de moyens. Et si je devais donner un ordre d’idées en termes de dépenses rapportées au chiffre d’affaires, on est plutôt sur des enveloppes annuelles de 20-21 %. On a dépensé 16 au premier semestre, on sera plutôt sur 24-25 au deuxième semestre, mais on sera sur une moyenne autour de 20.

Web TV www.labourseetlavie.com : Les 280 millions d’euros de chiffre d’affaires, même si vous ne le mettez pas dans le communiqué, c’est ce qui est à peu près envisagé par les investisseurs aujourd’hui et par vous aussi ?

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : Oui, le consensus est légèrement supérieur. On l’avait déjà reconfirmé en juillet, on l’avait déjà confirmé une première fois en mars. On confirme ce chiffre et cela reste aujourd’hui notre guidance pour l’année 2014.

Web TV www.labourseetlavie.com : Vous parliez de ce contexte économique, le fait qu’il y ait des inquiétudes, alors en Europe notamment, mais même sur certaines zones, on a vu des zones émergentes, on a vu le Brésil par exemple aller en récession, alors cela ne vous concerne pas directement, mais cet ensemble peut-être d’économies qui ont un peu de mal, cela peut jouer sur le second semestre, cela peut être perturbant ?

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : Cela peut, cela nous concerne quand même un petit peu puisque le Brésil est un de nos marchés et que l’on est présent à des niveaux différents un peu partout dans le monde. Donc c’est sûr que quand on voit ce qui se passe au Moyen-Orient, au Brésil, les difficultés en Argentine, ce qui se passe en Russie, on peut penser que cela peut avoir des impacts. L’avantage d’être un petit acteur sur un grand marché et d’avoir un chiffre très mutualisé, très réparti mondialement parlant, fait que certaines zones peuvent prendre le relais. Donc c’est un avantage mais c’est vrai que c’est plutôt pour l’instant un sujet de préoccupation chez nous.

Web TV www.labourseetlavie.com : Est-ce que c’est le moment ou cela va être le moment de diversifier le groupe c’est-à-dire aujourd’hui c’est Inter Parfums, donc les parfums que l’on a évoqués ensemble, les marques que l’on a évoquées ensemble, mais de le diversifier sur d’autres activités, maroquinerie, d’autres activités de luxe ? Est-ce que c’est une réflexion qui est en cours ?

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : Comme vous connaissez le groupe et notre histoire, vous faites référence effectivement à un sujet que l’on avait évoqué et anticipé en 2013 au moment où on quittait notre relation avec nos amis anglais de Burberry, fort d’une trésorerie d’à peu près 200 millions d’euros, qui est à peu près le niveau que l’on a aujourd’hui, on avait commencé à regarder à des choses connexes en termes plus de placements financiers, et vous faites référence à du vin, du champagne, des choses comme cela. C’est quelque chose qui est plutôt mis à l’écart compte tenu des ratios financiers que l’on connaît dans ces secteurs-là qui sont plutôt pas très favorables et qui ne sont pas dans ce que l’on sait faire. Cela ne nous empêche pas de regarder des dossiers d’acquisition de marques, de licences sur des business existants, des prises de participation éventuelles dans des métiers très proches du nôtre, pourquoi pas ? Rien n’est exclu, mais pas sur des diversifications comme vin, champagne et autres métiers qui ne sont pas les nôtres.

Web TV www.labourseetlavie.com : Oui parce que la trésorerie aujourd’hui cela ne rapporte plus grand-chose à l’entreprise qui a le montant que vous avez mentionné ?

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : Absolument. On le voit bien sur le premier semestre. En allongeant les maturités de nos placements, on a tout juste maintenu la profitabilité et les produits financiers par rapport au premier semestre 2013. Donc c’est sûr qu’aujourd’hui ce n’est pas un vecteur intéressant, mais comme je le disais tout à l’heure, ne nous précipitons pas pour faire une acquisition qui, sur le papier, pourrait être favorable pour avoir un impact très négatif dans les années qui suivent.

Web TV www.labourseetlavie.com : On suivra cela. Merci Philippe Santi d’avoir été avec nous.

Philippe Santi, Directeur général délégué d’Inter Parfums : Merci.

 

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