par Didier Testot.
Si en France, nous sommes habitués aux conflits violents et aux blocages divers, c’est que sous couvert d’un Etat fort (il l’est sur les dépenses publiques qui battent des records), notre Etat est en réalité très faible face aux minorités agissantes. Celles qui sont capables de bloquer un pays. Et qu’à chaque fois qu’une réforme est lancée, elle trouve son lot de mécontents qui selon leur milieu seront capables de se faire entendre. Depuis toujours l’Education Nationale ne se réforme pas, « Non à la réforme Haby » tiens je m’en souviens encore. Les « bonnets rouges » plus récents, mais les viticulteurs aussi ont eu leurs lots de violences. Les taxis hier, ont montré aussi leur savoir-faire en la matière, blocage d’axes routiers, violences envers des personnes.
Il y a quelques années, lorsque je prenais le taxi d’une grande société bien connue de la place de Paris, tous les chauffeurs se plaignaient de la misère de leur travail et de tout ce qu’ils devaient à cette société par mois, en gros ils n’y arrivaient pas, Désormais, leur ennemi s’appelle Uber, société née justement de l’expérience malheureuse parisienne de ses fondateurs, ne trouvant pas de taxis. Expérience assez commune pour ceux qui en ont besoin le soir notamment sur Paris. Et ce nouveau mode de consommation, chercher son chauffeur sur une application est venu tout chambouler. Car les premières expériences utilisateurs ont été très positives : chauffeur aimable, petite bouteille d’eau, voiture propre, prix de la course raisonnable, en totale contradiction avec l’expérience accumulée des problèmes avec des taxis parisiens.
En vrac : à la borne de l’Etoile à Paris, pour aller à Garches, dans le 92, à 10 kms, « non Monsieur, moi je prends pas », ce qui est illégal, mais va-t-on appeler la police pour cela, j’aurais peut-être du. Oui un autre qui prend un détour et à qui je le fais remarquer « vous auriez dû me le dire », un troisième qui arrive à faire brouter sa voiture en 5ème, qu’on pourrait la pousser tellement elle va lentement, sans compter celui qui récemment depuis Roissy Charles de Gaulle, avec une famille de 4 personnes à son bord, n’hésite pas à prendre un appel téléphonique à 120 km/h, on nous dit qu’ils sont formés, ok ! Voilà et tout le monde peut trouver ce type d’expérience qui fait que lorsque une nouvelle offre arrive, vous êtes attentifs.
Cette fois, les changements ou les réformes ne viennent pas de l’Etat, et c’est toute la différence, doit-on parler de révolution, de transformation, sont le fait d’entreprises privées, le plus souvent américaines. J’ouvre une parenthèse ici pour vous préparer à l’avenir.
Savez-vous qu’Alibaba (non pas et les 40 voleurs), c’est le géant chinois du commerce électronique, oui, il a décidé de devenir une banque en ligne, et si vous ne le savez pas non plus, Google, que vous connaissez mieux a lui une licence bancaire pour l’Europe (cf l’interview de Rainer Voss, ancien banquier d’affaires à ce sujet : Vidéo). Croyez-vous qu’un jour vous verrez des banquiers de la Société Générale manifester devant le siège de Google en demandant qu’il reste un simple moteur de recherche, ce qu’il n’est déjà plus ? Ces transformations viennent donc le plus souvent des Etats-Unis, ces entreprises ont pour nom : Airbnb, Uber, Tesla, dans l’automobile, après les Amazon et d’autres sont en route, leur atout, elles ont pu lever des fonds considérables alors même que certains d’entre-elles n’avaient pas de revenus ou continuent à faire des pertes. Les Etats-Unis ont cette culture du financement des entreprises, des idées d’entreprises. C’est un avantage compétitif indéniable et un premier marché : les Etats-Unis !
L’Economie en VO – Débat 2012 sur la Mondialisation avec Xavier Fontanet (ancien Pdg d’Essilor) |
C’est aussi une conséquence de la crise économique, derrière la Mondialisation en marche (cf notre débat de 2012 déjà : Vidéo), de nouvelles entreprises sont nées, sans que le grand public n’en perçoive toujours ni l’ampleur, ni les changements induits. Ecoutez ce que dit Xavier Fontanet dans cette vidéo, on peut « délocaliser » ou « relocaliser », si on anticipe, l’entreprise peut former ses personnels et donc éviter ce qui se passe aujourd’hui pour les Taxis, à savoir un nouveau service qu’ils n’ont pas anticipé.
Lorsqu’on écoute les bruits et participe au brouhaha d’un nouveau réseau social comme Twitter, on pourrait croire que toute la France est numérique, que tout est digital, connecté, et que nous sommes tous en train de vivre cette révolution numérique.
Les réactions des taxis de ces derniers jours montre une chose : tous les Français ne sont pas prêts à participer à cette aventure, je choisis le mot à bon escient, car il n’est pas écrit que tous auront droit à leur place dans ce nouveau monde.
J’ai déjà ici parlé de l’univers des Medias, mon monde, qui a connu une révolution, et des pratiques anticoncurrentielles, bien pire que celle d’Uber, car moi l’Etat ne m’a pas donné de rente, il a donné de l’argent à mes concurrents, pour les aider à se transformer, alors même qu’ils ne croyaient pas à cette révolution (7 ans, l’âge de raison….).
Tous les sociétés privées sont concernées, que l’on soit d’accord ou pas, ce n’est pas le sujet, et il suffit pour cela de voir les transformations des entreprises, y compris des entreprises de services numériques (anciennes sociétés de services informatiques), on parle de #cloud, #big #data, c’est simplement Internet et les réseaux qui amènent de nouveaux services. Bien ou mal, là n’est pas la question, il se passe une révolution technologique sous nos yeux.
La France doit ne pas subir, mais accompagner ces changements pour en être le moteur parfois (cf la santé connectée ou d’autres secteur la #fintech) pour ne pas simplement être une terre de start-up, ce qu’elle a su devenir en peu de temps, derrière la crise de nouvelles pépites se créent, mais au delà, de créer de grands groupes capables de rivaliser avec les compagnies américaines.
Deux visions se partagent : celle disant il faudra le faire car c’est obligatoire, une question de survie, ou celle disant, c’était mieux avant, gardons notre modèle de société (de rente, ça on le dit peu), mais c’est l’Etat qui est au coeur de ce dispositif.
La France, à travers ses élites politiques et économiques n’a pas voulu expliquer la Mondialisation, encore une fois notre débat de 2012 était éclairant à ce sujet, les crises amènent toujours des reconsidérations de modèles. Nous avons des talents, de nombreuses start-up, des ETI ou PME qui ont su faire face à la crise mondiale, mais nous devons collectivement, avec ceux qui ont les clés, parler de cette transformation numérique, pas en faisant peu, pas en ne parlant pas des sujets qui fâchent (cybersécurité, données privées…), mais en voyant comment ensemble nous pouvons avec nos forces vives, trouver un moyen de ne pas subir toutes les innovations venant souvent des Etats-Unis, mais en étant nous-mêmes à l’initiative. Par exemple, en ne parlant pas à seulement du numérique, mais aussi des biotechnologies car nous avons en France un écosystème qui n’a rien à envier aux Américains. Biotechs
Nous avons raté, la médiatisation de la mondialisation, pour anticiper, faire comprendre, s’adapter, nous pouvons réussir, celle de la révolution numérique, à une condition, ne pas laisser une grande majorité de Français sur le bord de la route, débattre, ouvrir les entreprises, ce débat n’est pas un débat élitiste, d’ailleurs les élites ont failli depuis longtemps et sont elles-mêmes perdues, car leur confort est mis à mal par des petits gars de la Silicon Valley ou d’ailleurs qui ont décidé une seule chose : la conquête du Monde.
Si l’on voit que le CAC40 lui même n’a pas encore compris toutes ces transformations (il suffit d’analyser la composition des conseils d’administrations et des comités exécutifs), ce n’est pas qu’il ne les voit pas, c’est que ces dirigeants pensent peut-être d’abord à tout ce qu’ils ont à perdre, et ils préfèrent retarder les échéances. Sauf que cela va de plus en plus vite, je citais Google ou Alibaba, regardez aussi comment Tesla est venu dans un secteur automobile « pépère », casser les codes, et même si nul ne sait s’il va réussir, il oblige à réagir.
Quand je dis la France n’est pas numérique, je veux dire, elle est face à un nouveau choc, dans tous les domaines, et son premier réflexe, est de retarder les changements incontournables, et les politiques ne sont pas les seuls responsables, on connait leur raisonnement à 5 ans ! Les entreprises, grandes ou moyennes, doivent aussi expliquer, passer du temps, pour nous tracer les grandes lignes de ce nouvel avenir, nous sommes dedans, mais nous avons besoin de prendre du recul, pour mieux nous positionner.
C’est seulement comme cela que nous réussirons, nous avons les innovations, les dirigeants, les start-ups, les ETI capables de relever ses défis, d’autant plus que réussir en France, c’est une porte ouverte pour le Monde, vu le fardeau administratif que l’on porte sur le dos !
Nous le savons ce nouveau monde fait peur, il avance parfois masqué, mais pouvons-nous imaginer nous passer de Google, d’internet, de nos réservations en ligne, de ces nouvelles facilités, en nous disant, c’était mieux avant ? Ou doit-on créer notre nouveau monde ?
J’aimerais tellement croire que nous aurons en France, des individus capables de non pas faire de nouveau Google ou Facebook ou Uber, mais de trouver de nouveaux services, d’envergure mondiale, en partant de France. La France n’est pas numérique, mais elle peut vite le devenir, à une seule condition, qu’ensemble, nous parlions de cette révolution pour mieux la construire avec nos valeurs.